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Horsy Dream à Solvalla
Actualité - 20.12.2024

Dur, dur d'être un champion

Le forfait annoncé lundi matin de Jushua Tree pour le Prix Ténor de Baune-Amérique Races Qualif#4 de dimanche et toute la suite du meeting, donc le Prix d’Amérique Legend Race, laisse un vide. Cela a déjà été le cas en octobre quand Horsy Dream a dû faire une croix sur l’hiver à venir après une première partie de l’année qui en avait fait le numéro un européen avec ses succès dans l’Elitloppet et l’Aby World Grand Prix. Il est décidément dur, dur d’être un champion tout au long de la saison, ce que tend aussi à laisser penser le "coup de moins bien" d’Idao de Tillard.

Pour paraphraser un air devenu viral au début des années 1990, il est dur, dur d’être un champion comme le montre l’actualité récente de quelques-uns des meilleurs trotteurs du moment. Début octobre, à quelques jours seulement de l’UET Elite Circuit Finale, on annonçait dans ces colonnes que Horsy Dream (Scipion du Goutier), le meilleur ambassadeur du trot tricolore de la saison européenne, se retrouvait sur la touche. "Il a un souci de santé, nous dira ce jour-là Pierre Belloche. On va investiguer pour trouver de quoi il s'agit exactement. Cela pourrait remettre en cause son hiver."
La crainte de l'entraîneur normand s’est révélée malheureusement juste et le meeting de Vincennes 2024-2025 devait faire sans l’une de ses principales têtes d’affiche avant même d'avoir commencé.
En début de semaine, c’est au tour de l’entourage de Jushua Tree (Bold Eagle) de devoir renoncer à ses ambitions dans le Prix d’Amérique Legend Race. Lui aussi s’annonçait comme l’un de ses principaux prétendants alors qu'il devait assuré sa participation par une qualification à laquelle il aurait dû prétendre dimanche dans le Prix Ténor de Baune-Amérique Races Q#4. "Il est superbe d'état, tonique, volontaire mais sa boiterie est trop sérieuse pour le présenter diminué ainsi en course. On va jouer la carte de la sagesse : il va repartir à la campagne et on va prendre notre temps. On n'est pas pressés. Tout va bien, rien ne va mal", se montrait philosophe Jean-Michel Bazire.

On va jouer la carte de la sagesse. On n'est pas pressés. (Jean-Michel Bazire)

C'est néanmoins forcément un coup dur pour tout son entourage qui avait déjà fait preuve de sagesse, volontairement cette fois, un an plus tôt en prenant l’option du Prix Bold Eagle-SWC 5 Ans Finale la veille du Prix d’Amérique pour lequel il était pourtant qualifié après sa victoire dans le Critérium Continental.

L'exigence du plus haut niveau

Ces deux forfaits majeurs disent beaucoup de la difficulté à atteindre le plus haut niveau et surtout de s’y maintenir tout au long de la saison et d’être toujours aussi compétitif quand vient l’heure de l’hiver et son meeting à Vincennes. C’est une véritable gageure que doivent relever ces athlètes dont les corps et les squelettes sont soumis à toujours plus d’exigences, à commencer par les mâles qui doivent mener et de plus en plus tôt deux carrières en parallèle.
Ce ne sont pas les premiers, ni les derniers. Il suffit de remonter à l’hiver 2021-2022. À cinq jours d’un troisième Prix d’Amérique Legend Race qui lui tend les bras, Face Time Bourbon (Ready Cash) doit renoncer. L’onde de choc est immense et d’autant plus que le champion aux 17 Groupes 1 doit mettre un terme à sa carrière sportive à l’aube de sa saison de 7 ans ! La faute à l’os naviculaire de l’antérieur gauche qui le fait de plus en plus souffrir. Si Face Time Bourbon s’est mué en un top étalon depuis, la frustration n’en reste pas moins énorme même bientôt trois ans après. "Il avait la moelle de gagner quatre Prix d’Amérique et, au moins, égaler Ourasi", nous disait encore tout récemment Sébastien Guarato à son sujet.
Cette difficulté de répondre toujours présent pour les champions est aussi alimentée par la passe moins favorable que traverse actuellement Idao de Tillard (Severino). Il faut dire que le tenant du titre du Prix d’Amérique Legend Race a placé la barre haut et nous a habitué à des fins de course exceptionnelles qui ont construit son aura. Depuis le printemps dernier, il n’a gagné qu’une des sept courses dont il a pris le départ, lui qui sortait d’une période - d’août 2023 à mars 2024 - où rien ne lui a résisté, avec neuf succès consécutifs dont cinq Groupes 1 ! Sa récente rentrée dans le "Bourbonnais" (8ème) comporte néanmoins des excuses, puisqu’il a été testé positif à la leptospirose. "Depuis lundi, il est sous traitement. Il va être huit jours tranquille avant de se préparer pour le "Bourgogne", annonçait Thierry Duvaldestin quatre jours après la course. Il est très souple, je ne l’ai même jamais eu aussi souple. Il n’a mal nulle part, ni aux tendons ni aux articulations. Simplement, je trouvais qu’il avait moins beau poil."


© ScoopDyga
Jushua Tree à Grosbois

Sur un fil parfois ténu

La difficulté de se maintenir et d’enchaîner les performances est encore accrue quand la saison prend une dimension européenne, avant ou après le meeting d'hiver. Pour autant, une telle campagne participe naturellement à l’esprit même de compétition et de la volonté légitime de s’étalonner face aux meilleurs de son sport. Il suffit pour cela de se rappeler des propos de Pierre Belloche après le succès de Horsy Dream dans l’Elitloppet au printemps dernier. "J’ai vécu un week-end de dingue, une histoire de fou avec une ambiance de match de Coupe du Monde de foot. C’est un moment magique, commentait-il ainsi quelques jours après le triomphe de son cheval. Faire retentir la Marseillaise hors de la France restera comme un moment fort. (…) Tu te rends compte dans ces moments-là qu’il vient de se passer quelque chose d’exceptionnel."

La difficulté est encore accrue quand la saison prend une dimension européenne.

Reste que le fil est parfois ténu et peut finir par sinon casser du moins se fragiliser. À propos de l'Elitloppet en particulier revient régulièrement côté tricolore le refrain que tel ou tel trotteur a laissé une partie de son physique ou de son âme, quand ce ne sont pas les deux, sur la piste de Solvalla. Passée au filtre de la réalité des faits, cette impression est à relativiser à la lumière de quelques exemples au cours des dix dernières années.
Earl Simon (Prodigious) n’a plus été le même après sa tentative suédoise en 2020 (victoire en batterie et disqualification de la 3ème place en finale), ne remettant plus jamais les pieds à Vincennes, tout en remportant le Kymi Grand Prix (Groupe 1) deux ans plus tard. Sacré un an plus tôt, Dijon (Ganymède) n’a recouru que cinq fois dont deux pendant le meeting d'hiver suivant avant de mettre un terme prématuré à sa carrière sportive. Ces deux exemples tendraient à abonder dans ce sens. D’autres démontrent le contraire.
Le plus bel en la matière reste Timoko (Imoko), qui s’est forgé une véritable légende à Solvalla entre 2014 et 2017, années de ses deux sacres. Après le premier, il se classe ainsi 3ème du Prix d'Amérique, alors que sa carrière s'arrêtera sur un dernier succès à Cagnes-sur-Mer trois mois après le second. Entre-temps, qu'il brille ou non en Suède, il monte encore une fois sur le podium du Prix d'Amérique (en 2016) et sur celui du Prix de France (en 2017). S’il a fait passer son entourage par toutes les émotions possibles - des plus grands espoirs à la plus cruelle des désillusions - le temps de ses deux expériences "elitlopiennes" en 2017 et 2018, Bold Eagle (Ready Cash) rebondit l'hiver suivant à Vincennes même s'il doit abandonner ses titres dans les Prix d'Amérique et de France en 2018. En 2019, à 8 ans, il doit en revanche se contenter d'une 5ème et d'une 3ème place dans ces épreuves.

Go On Boy en contre-exemple

Alors que son entrée dans le présent meeting d'hiver est programmée le dimanche 29 décembre dans le Prix de Bourgogne-Amérique Races Q#5, Go On Boy (Password) démontre qu'il est possible d'être sur la brèche avec réussite tout au long de l'année. Il s'agira en effet de la 14ème et dernière course de son année 2024, avec un tiers de déplacements à l'étranger. Personne n'a oublié ses fins de course dans les Prix d'Amérique Legend Race et de France Speed Race du précédent meeting, dont il a respectivement terminé 4ème (avec les derniers cinq cents mètres les plus rapides) et 2ème derrière Idao de Tillard. Le champion de Romain Derieux a aussi été l'un des acteurs majeurs de l'UET Elite Circuit. "Go On Boy est vraiment le parfait candidat pour ce circuit : il est posé, bien dans sa tête, aime voyager et s'adapte à tous les changements d’environnement et géographiques", nous confiait l'entraîneur francilien.
Go On Boy ne s'est pas contenté de figurer. Il a joué un rôle déterminant comme en témoignent sa première place au classement général et sa victoire dans la Finale à Vincennes où il a (enfin) décroché le premier Groupe 1 de sa carrière sur le mâchefer parisien, lui qui avait perdu le Critérium des 4 Ans à la suite d'un contrôle positif au cours d'un début de carrière ménagé.

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