Les courses sur la plage, plus qu'une carte postale

C’est une carte postale dont on ne se lasse pas. Le spectacle des courses sur la plage est un dépaysant assuré, comme une parenthèse intemporelle et en même temps très ancrée dans l’histoire, puisque les premières courses au trot ont eu lieu sur la Grève de Collignon, à Cherbourg, il y aura bientôt deux cents ans. Dimanche, la plage de Saint-Efflam, située entre Plestin et Saint-Michel-en-Grève dans la baie de Lannion (Côtes d’Armor), va être transformée en un hippodrome marin, l’un des quatre derniers en activité et le premier à lancer la saison du Trophée des Plages.

Si l’on dit que la mer peut parfois remonter à la vitesse d’un cheval au galop, elle peut aussi être un décor tout à fait exceptionnel à des courses de chevaux. C’est le cas une fois par an dans la baie de Lannion où les quelque cent bénévoles de la société de Plestin-les-Grèves créent de toutes pièces un hippodrome marin, éphémère par définition, sur la plage de Saint-Efflam. "La plage n’est jamais la même d’un jour à l’autre. Alors, l’hippodrome n’est jamais non plus exactement au même endroit d’une année sur l’autre. Il est soit plus haut, soit plus bas sur la plage. Ça dépend de la qualité du sable", explique Françoise Fournis-Prudhomme, la seule femme présidente d'une société de courses de la Fédération Ouest.

Si elle occupe cette fonction depuis un peu moins de quatre ans, elle connaît le site depuis sa plus tendre enfance. "Vous savez, les courses à Plestin, c’est une grande famille, confie celle qui a pris la suite de René Eleouet, à l’origine de la création du Trophée des Plages à la fin des années 2000. Beaucoup de bénévoles sont des enfants, des petits-enfants et même pour certains des arrière-petits-enfants de bénévoles. Moi, par exemple, je viens aux courses depuis que je suis toute petite. Mon grand-père a été bénévole, mon père a été secrétaire de la société pendant vingt ans, un poste auquel je lui ai succédé, ma mère est bénévole et ma sœur est trésorière."
Cet attachement familial compense largement le fait de ne pas avoir de lien direct avec le cheval. "Ce qui me plaît, c’est l’organisation, tout ce qui est en lien avec la règlementation, comme dans ma vie professionnelle", confie cette responsable de formation de la région rennaise.

Cela tombe bien car pour transformer la plage en hippodrome, l’organisation est le maître-mot. D’abord, il faut trouver le dimanche de l’année où pourra se dérouler la réunion annuelle, de préférence entre juin et juillet, même si cette année le choix s’est porté sur le troisième dimanche de mai. "Avec les marées, cela ne fait que deux dimanches par mois. Il ne faut pas non plus que le coefficient de marée soit trop important, car la mer remonterait trop haut après les courses et endommagerait les infrastructures", précise Françoise Fournis-Prudhomme.
Il faut ensuite faire une demande à la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer) pour louer une partie de la plage. "Sans arrêtés préfectoral et municipal, il n’est pas possible d’organiser les courses. On privatise une partie de la plage, ce qui peut parfois être un peu conflictuel avec les usagers", détaille-t-elle. On l’aura compris les coûts logistiques d’un tel hippodrome sont très conséquents. "La société a du matériel, des barns notamment. On s’arrange aussi avec d’autres associations de la ville. On réfléchit à deux fois avant d’investir dans du matériel car c’est très long pour l’amortir. Du coup, on loue beaucoup de choses, comme le groupe électrogène, les toilettes, etc. Il faut aussi un gardien pour surveiller la nuit pour s'assurer que rien n'est dérobé. Au final, il faut compter entre 35.000 et 40.000 €", explique la Présidente.


Du mercredi précédent la réunion au mardi suivant, l'équipe de bénévoles prend possession de la plage. Une partie a en charge de dessiner la piste d'une longueur d'un peu plus de 1.200 mètres (corde à droite) sur laquelle vont courir trotteurs et galopeurs. "Ils ont l'habitude et ont leurs repères, avec les éléments extérieurs comme une maison ou un arbre. À partir de là, ils tracent la piste sur le sable à l'aide de piquets. Il faut en compter au moins 150, décrit encore Françoise Fournis-Prudhomme. C'est quelque chose qui se transmet oralement comme beaucoup de choses dans l'organisation globale. J'essaye dans la mesure du possible qu'il y a une trace écrite concernant tous ces éléments."

Demain dimanche, Plestin-les-Grèves va lancer la saison des quatre hippodromes marins qui organisent au total cinq réunions par an, Plouescat étant le seul à proposer deux rendez-vous (mixte là aussi comme Plestin) dans la baie de Kernic durant lesquels ont été enregistré 4.000 entrées payantes. Ce succès d'un spectacle populaire est indispensable à l'équilibre des comptes de ces sociétés. "L'an dernier, nous avons fait 3.300 entrées payantes, soit la meilleure affluence de la fédération. Mais, au final, le bilan de la société n'a été positif que de 1.000 €", souligne la Présidente de Plestin-les-Grèves.