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Actualité - 23.03.2023

Y aura-t-il eu un après 22 mars 2022 ?

Il y a un an, jour pour jour, la plus grande opération judiciaire et policière dans le registre de la lutte anti-dopage était menée dans le domaine des courses hippiques. Un déploiement d’actions simultanées avait eu lieu sur différents sites de l’hexagone. Le bilan immédiat était impressionnant avec 21 mises en garde à vue au soir du 22 mars auxquelles il fallait encore ajouter deux instructions à l’étranger. Un an après, où en est-on ? Quels changements dans les actes et les procédures sont nés du 22 mars 2022 ? Notre dossier.

Dans notre édition du 22 mars 2022, nous avions fait comme constat premier qu’"il y aura certainement un avant et un après 22 mars 2022". L’opération spectaculaire par son envergure avait mobilisé une centaine de personnes des services de la Police des Jeux avec l'appui de la Direction Centrale de la Police Judiciaire. Son caractère inédit venait aussi de sa dimension européenne avec des interventions simultanées dans deux autres pays européens, l’Espagne et l’Italie. Des 23 personnes mises en garde à vue, 11 ont été mises en examen dans les jours suivants. Ils le sont toujours à ce jour. Il s’agit d’entraîneurs, de pharmaciens, de vétérinaires. Les chefs d’inculpation n’ont pas changé depuis le début de l’instruction et comprennent le dopage équin et l’escroquerie en bande organisée.
Sur le fond, on n’en sait pas beaucoup plus dès lors que l’instruction est toujours en cours, avec des personnes qui bénéficient donc de la présomption d’innocence durant l’ensemble de l’actuel processus.

22 mars 2022 en résumé
■ une petite trentaine de perquisitions (toutes dans le secteur des courses)
■ motifs : dopage équin, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs
■ 21 gardes à vue en France : une dizaine d'acteurs du trot et du galop (confondu), le reste étant des vétérinaires, pharmaciens et intervenants dans les réseaux de distribution
■ 2 instructions à l’étranger : 1 en Espagne, 1 en Italie
Un an après
■ 11 personnes mises en examen
■ Instruction toujours en cours sous la responsabilité de la la JIRS (Juridiction Interrégionale Spécialisée) de Bordeaux


Trois affaires en cours dans les courses
■ 11 mars 2021 : opération "Cheval de guerre" - neuf mises en examen pour escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et dopage équin, incluant Andrea Marcialis. Instruction toujours en cours.
■ 7 décembre 2021 : opération "Crazy Horse" - Frédéric Rossi, Charley Rossi, Cédric Rossi et Jessica Marcialis sont interpellés et placés en garde à vue. Six personnes seront mises en examen dont Frédéric Rossi dans le cadre de cette opération. Instruction toujours en cours.
■ 22 mars 2022 : opération "Horse Connection" - 11 mises en examen dans le cadre d’une série d’interpellations dans toute la France. Instruction toujours en cours.

Des contrôles judiciaires allégés
Parmi les évolutions des douze derniers mois, il y a eu l’allègement des mesures des contrôles judiciaires. Le 17 mai 2022, Yannick-Alain Briand et sa compagne Sophie Blanchetière ont ainsi recouvré le droit de s’occuper de leurs chevaux dans le cadre du pré-entrainement et des activités annexes, la fonction d’entraînement mise à part. L’accès aux hippodromes leur était toujours interdit à cette date. Un droit retrouvé pour Yannick-Alain Briand le 22 juillet 2022. Dès lors, le professionnel a également pu driver, le maintien de son interdiction de pratiquer étant alors et toujours circonscrit à l’activité d’entraînement. Sophie Blanchetière a retrouvé pour sa part son autorisation d'entrer sur un hippodrome et de driver en septembre, avec un retour en piste le lundi 26 septembre.

Une instruction toujours en cours
Depuis le 22 mars 2022, c’est l’instruction qui prime. Les mis en examen doivent répondre aux questions et demandes d’informations du parquet de Bordeaux, en charge de ce dossier. C’est aussi tout le travail des avocats qui est en première ligne pour apporter les éléments justificatifs des actes de leurs clients. Nous sommes nécessairement dans un temps long. Des sources proches de l’instruction nous ont appris que des avancées devraient prochainement être communiquées par l’instruction.

LE CONTEXTE PRÉ 22 MARS
Depuis janvier 2020, un nouveau cadre juridique entoure les courses et les délits de dopage [lire l'encadré à suivre]. Le dopage des chevaux de course devient alors une infraction pénale. La Police des Jeux est entrée depuis dans une recherche de résultats dès lors qu’elle peut s’appuyer sur cette nouvelle base juridique. Deux opérations antérieures au 22 mars 2022, dans l’univers du galop, ont, en quelque sorte, officialisé cette ligne de conduite, extérieurement plus répressive, des services de la police des jeux et courses. Il s’agit des opérations "Cheval de guerre" (11 mars 2021) et "Crazy Horse" (7 décembre 2021) – lire notre encadré "Trois affaires en cours dans les courses" ci-contre.

Une réglementation qui a évolué depuis 2020
✦ 1er janvier 2020 : le dopage des chevaux de course devient une infraction pénale (jusqu’à 75.000 € d’amendes et cinq ans de prison)
✦ Janvier 2021 : mise en place de prélèvements sur les chevaux à leur arrivée sur l’hippodrome les jours de courses
✦ 1er mars 2021 : les injections de corticoïdes sont interdites 14 jours avant les courses au trot. Les ondes de choc sont interdites dans les 5 jours précédant les courses de trot

CE QUI A CHANGÉ DEPUIS LE 22 MARS
1/ La montée en puissance de la "Police des Jeux" (Service Central des Courses et Jeux)
Jamais depuis un an, le Service Central des Courses et Jeux (SCCJ) n’avait été aussi exposé et n’avait pris autant la parole. Le commissaire divisionnaire à la tête du service, Stéphane Piallat, est devenu un acteur identifié de la filière courses. L’opération du 22 mars a été largement relayée dans les médias grand public. Simultanément, le soutien des sociétés mères a été immédiatement officialisé dans une communication où elle saluent "l’efficacité du Service central des courses et jeux (SCCJ) de la police judiciaire dans le travail d’enquête préalable qui a conduit à ces opérations (…)".
Depuis le 22 mars, le SCCJ n’a fait que continuer sa montée en puissance en intervenant cette fois dans le registre des sanctions appliquées aux acteurs des courses. En novembre 2022, elle demande le durcissement de l’interdiction de monter d’une durée de deux mois prise à l’encontre de Christophe Soumillon par les Commissaires de France Galop à la suite d’une monte dangereuse en date du 30 septembre. Le SCCJ argue alors de l’impact négatif du geste de Christophe Soumillon "sur l’image publique des courses". L’extension demandée de deux mois ne sera finalement pas appliquée.
Il y a une semaine, le même SCCJ demande "une suspension ou un retrait des autorisations délivrées à M. Kevin Nabet (…) pour une durée de quatre mois" à France Galop après une condamnation au pénal du jockey en janvier 2023 dans laquelle il écopait de six mois de prison avec sursis. Cette fois, les commissaires de France Galop ont retranscrit la suspension de quatre mois de Kevin Nabet. Ces interventions dans les domaines de l'image publique et des affaires internes des courses sont le revers inattendus des actions antidopages de la Police des Jeux. Cela pourrait aussi se lire comme une perte de souveraineté de la filière hippique.

CE QUI A CHANGÉ DEPUIS LE 22 MARS (SUITE)
2/ La communication mensuelle de LeTROT sur le contrôle anti-dopage
La forte tension sur le sujet du contrôle des médications est antérieure au 22 mars 2022. Dans notre édition du 28 octobre 2021 (à retrouver par ce lien), nous titrions "Suspicions de dopage et malaise dans le trot français". Dès le dimanche 21 novembre 2021, LeTROT avait diligenté, en collaboration avec France Galop, une opération coordonnée de contrôles à grande échelle sur 13 hippodromes. À partir de janvier 2022, LeTROT encore lance sa newsletter mensuelle sur le contrôle de médication et la lutte antidopage. Tous les indicateurs relatifs au mois précédent (nombre de prélèvements par catégories, nombre de cas positifs) sont compilés. La société mère explique alors : "Dans un souci de transparence et afin de préciser l’action de la société mère LeTROT en matière de lutte antidopage, les activités du Trot en termes de contrôle des médications seront désormais décrites dans une newsletter mensuelle."
Parallèlement, le 10 mars 2022, à Caen, LeTROT organise la première d’une série de réunions d’information en région sur la lutte anti-dopage.
Si ces actions sont antérieures dans leur décision au 22 mars 2022, elles ont été confortées et, en quelque sorte, validées a posteriori par l’opération judiciaire. Difficile d’imaginer aujourd’hui la suppression par exemple de la newsletter sur le contrôle de médication et la lutte antidopage.

3/ Une plus forte présence des contrôles d’avant course
Les derniers mois ont vu la progression des contrôles d’avant-course sur les hippodromes. Le spectre des contrôles évoluent donc dans une logique de plus grande efficacité. En 2022, il y a eu un total record (depuis 2012) de 683 missions à l’entraînement, incluant les contrôles de partants de chevaux à leur arrivée sur l’hippodrome. Ce nombre augmente année après année.
Voir le rapport du suivi de la lutte anti-dopage en 2022

4/ La meilleure gestion des pharmacies dans les écuries
Une source proche de l’enquête nous évoque une plus grande sensibilisation des professionnels dans la gestion de leur pharmacie et des prescriptions vétérinaires. On peut parler d’une nouvelle considération des obligations de tenue de la pharmacie par les entraîneurs. La rigueur est désormais de règle dans un domaine longtemps négligé ou oublié par certains. En avril 2022, Matthieu Laviron, vétérinaire à Lamorlaye, nous avait déclaré : "On constate maintenant qu’avec les récentes opérations de police dans les courses, beaucoup de professionnels découvrent la réglementation liée aux médicaments." En ce sens, on peut parler d’un effet vertueux du 22 mars [lire notre édition du 10 avril].

CE QUI N’A PAS CHANGÉ
Le grand débat sur la médication n’a pas eu lieu
La réglementation sur les utilisations de certains médicaments ou les dérives de diverses pratiques, comme le recours excessif aux infiltrations, n’a pas encore eu lieu, dans une logique de post 22 mars. La ligne de démarcation entre la médication et le recours à certains produits à effet d’augmentation des performances n’a pas nourri les échanges propres à la filière ces derniers mois. Le grand débat sur la médication n’a pas eu lieu et laisse encore la place à des pratiques qui s’établissent dans le champ de la porosité entre médication et dopage. Ce qui laisse finalement encore d’actualité les paroles du 22 mars 2022 de Stéphane Piallat, le chef du Service Central des Courses et Jeux, lorsqu’il aborde la permissivité associée à certaines pratiques : "Il faut arrêter avec la petite musique selon laquelle nous sommes sur des pratiques à la limite de l'irrégularité. Nous sommes là sur des produits totalement interdits et pas seulement quelques jours avant la course." Un changement de paradigme de la notion de médicament ne serait pas un luxe au regard des dérives de certaines pratiques et des contraintes exercées par la société extérieure à la filière hippique. Là encore, on en revient à un constat de bon sens émis par Matthieu Laviron : "Le médicament n’est pas un produit comme les autres".

Un numéro de débatdoc consacré au dopage équin sur France 3 Normandie
Ce jeudi 23 mars, à 22h45, France 3 Haute-Normandie proposera à l'issue de la diffusion d'un documentaire sur l'élevage de chevaux de courses, l'émission 'Débatdoc' sur le sujet du dopage équin. Dans un format de 51 minutes, Emilie Flahaut mène des investigations auprès de témoins dont Jean-Rémy Launois, ancien entraîneur de trotteurs mis en examen pour dopage, Stéphane Meunier, entraîneur et président du SEDJ (Syndicat des Entraîneurs, Drivers et Jockeys du Trot), Guy-André Jean, président de la société des courses de Vire, et Pierre Préaud, secrétaire général de la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH). Emission à voir en replay.
Notre édition du 10 avril 2022

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