Solvalla, nous voilà !

Tout juste dix ans après son père, Timoko, Étonnant remporte à son tour le Prix de l'Atlantique, samedi, le Groupe 1 du meeting de printemps d'Enghien. Battu avec les honneurs lors des deux précédentes éditions par Vivid Wise As, le champion de Richard Westerink remporte une quatrième victoire de Groupe 1 dans un chrono de 1'11'' - le deuxième meilleur temps de la course - sur une piste un peu collante et donc pas forcément très propice à la vitesse. Après les déceptions et contre-temps de l'hiver, la campagne printanière d'Étonnant prend plus que jamais des allures d'autoroute vers la défense de son titre dans l'Elitloppet à la fin mai. Prochaine étape dans le Prix des Ducs de Normandie, à Caen, le 13 mai.

Étant donné la façon et l'autorité avec lesquelles il remporte ce Prix de l'Atlantique 2023, on en oublierait presque qu'Étonnant (Timoko) devait s'élancer derrière l'autostart avec le numéro le plus en dehors d'une première ligne où les "débouleurs" ne manquaient pas à l'appel, à commencer par son cadet Hohneck (Royal Dream), quand bien même celui-ci avait contre lui de ne pas avoir couru depuis sa septième et dernière course du meeting d'hiver dans le Prix de Paris Marathon Race (sixième). Pourtant, il suffit de jeter un oeil au palmarès du seul Groupe 1 de l'année disputé sur la piste de l'hippodrome du Plateau de Soisy pour bien saisir la portée de la performance du champion de Richard Westerink. C'est bien simple, aucun cheval depuis Fan Idole (Le Ham) en 2002 n'était parvenu à s'imposer avec ce numéro. Plus de vingt ans de disette malgré plusieurs deuxièmes places, que ce soit Un Mec d'Héripré (Orlando Vici) en 2016, Roxane Griff (Ténor de Baune) en 2012 et autres Kazire de Guez (Udo de Touraine) en 2006. Oui mais voilà...
Ce qui est un handicap pour les autres devient sinon un avantage, au moins une force quand il s'agit d'Étonnant, capable de se révéler de tout et tout le temps, des coups du mauvais sort comme aux États-Unis à l'automne dernier et de la maladie de Lyme cet hiver, pour ne parler que des plus récents. Richard Westerink et Anthony Barrier, qui le connaissent le mieux, n'en sont plus étonnés mais leurs commentaires soulignent course après course, victoire après victoire en l'occurrence depuis son retour ce printemps, cette singularité qui n'est pas sans rappeler celle de son père, Timoko, lui-même vainqueur de ce Prix de l'Atlantique il y a tout juste dix ans. Repris au départ, puis venu en deux temps, d'abord aux tribunes quand le rythme était peu élevé, puis en face où il a mis une pression terrible à Hohneck pour se rabattre en tête avant le tournant final, Étonnant n'a plus rencontré d'opposition ensuite malgré la très bonne fin de course de Go On Boy (Password). "C’est un monstre, confie toujours aussi admiratif le premier nommé, et je ne crois pas qu'il soit au top. La monte lui fait du bien. Le chrono de 1’11’’ est bon sur une piste un peu collante." Cette réduction kilométrique est tout simplement la deuxième meilleure de l'histoire de la course, à égalité avec Vivid Wise As (Yankee Glide) lors de la première des deux victoires du champion italien, alors que le record est détenu par Looking Superb (Orlando Vici) depuis son succès de 2019 alors qu'il s'était élancé en seconde ligne (numéro 12). Les propos d'Anthony Barrier font écho à ceux du plus français des entraîneurs hollandais : "C’est un tueur quand il est dans cette forme-là ! Il devient gentil au fur et à mesure des courses. Il aime ce qu’il fait et a envie de gagner".
C'est une bonne nouvelle pour le sport hippique tricolore qui ne peut rêver meilleur ambassadeur mais pas pour ses adversaires présents et à venir, à commencer pour ceux qui tenteront de l'empêcher à la fin du mois de mai de remporter une deuxième fois l'Elitloppet pour continuer plus que jamais à marcher dans les pas de son père, double vainqueur en Suède. "Il est comme son père, il vieillit de mieux en mieux", note d'ailleurs Richard Westerink. Le rendez-vous suédois est plus que jamais d'actualité pour lui et ses dauphins de ce Prix de l'Atlantique, puisque ce n'est plus ni moins le quartet gagnant qui devrait être présent sur la piste de Solvalla. Déjà invités Étonnant et Horsy Dream (Scipion du Goutier) sont rejoints par Go On Boy, alors que Hohneck est lui aussi très vivement pressenti pour être du voyage (lire en page 4).

C’est un tueur quand il est dans cette forme-là !
Anthony Barrier

Comment Anthony Barrier allait-il gérer le numéro 8 ? Quelles consignes allait donner Richard Westerink à son pilote ? Telles étaient les principales questions que l'on se posait quand l'autostart a pris en charge les 14 partants de ce Prix de l'Atlantique. Les réponses sont vite venues. À la sortie du premier tournant, Étonnant est dans la seconde moitié du peloton, alors que Hohneck relaye Frisbee d'Am (The Best Madrik), qui s'était le plus rapidement. "L'idée était de ne pas trop démarrer pour laisser les autres prendre leurs places. Aux tribunes, le rythme n'était pas élevé et mon cheval ne demandait qu'à aller", debrief le driver vainqueur. Une accélération sur le pied de 1'07'' et fractions aux tribunes lui fait venir aux avant-postes. Une seconde encore plus puissante en face en mode rouleau-compresseur lui permet de prendre le meilleur à Hohneck. Le Prix de l'Atlantique est joué.

D'où vient-il ?

C’est l’élevage, gersois, de Guy Vigier et la progéniture de la championne de celui-ci, Migraine 1’13’’ (Alligator), lauréate d’un Prix du Président de la République (Gr. 1), sous la férule de Bernard Desmontils et les couleurs de Guy Grugeaux. Si Étonnant est le chef-d’œuvre de Migraine, celle-ci a également engendré les bons Auch 1’11’’ et Douloureuse. Après avoir été le premier à rejoindre son père au palmarès de l'Elitloppet, il le rejoint aussi dans celui du Prix de Washington, dix ans après la première des deux victoires de Timoko.

Aucun des rivaux d'Étonnant n'a remis en doute à un moment ou à un autre sa victoire. Ce qui se comprend évidemment vu la performance du partenaire d'Anthony Barrier qui remporte son quatrième Groupe 1, sa vingt-troisième victoire. Dans le clan des placés, la satisfaction est même de mise, à commencer par Romain Derieux, pleinement satisfait de la deuxième place de Go On Boy, lequel confirme son retour au premier plan alors qu'il serait déjà monté sur le podium du Grand Critérium de Vitesse de la Côte d'Azur (Groupe 1) s'il avait eu le passage le mois dernier. "Je suis très content, réagit l'entraînement francilien avant même de recevoir l'invitation officielle pour le dernier dimanche de mai à Solvalla. Mon cheval fait une course magnifique. Il a fait l’effort seul et il est vraiment top. Nous étions encore en seconde ligne sur une piste un peu collante qui ne l’a pas aidé avec ses fers. Mais son comportement est très bon. À mon avis, il faut juste qu’il reste dans cet état de forme et ça va aller."
Nouveau venu au sulky de Hohneck, qui faisait sa rentrée après plusieurs semaines de break à la suite de son meeting d'hiver, Gabriele Gelormini se montre tout autant satisfait de cette prise de contact : "Très bien ! La piste un peu collante ne l’a pas avantagé mais il a une bonne course. Nous avons pu prendre un bon départ, sans aller trop vite. En face où il nous a mis une grosse pression, j'ai essayé de faire travailler Étonnant avant de me poser derrière lui. J’ai cru un instant pouvoir accrocher la deuxième place. Au final, nous sommes devancés par des chevaux qui avaient des courses dans les jambes, contrairement au mien. Direction Caen et le Prix des Ducs de Normandie". Sur la piste de La Prairie, où il a signé l'une des premières victoires de sa carrière à l'âge de 2 ans avec Simon Rousselle, le cheval de Philippe Allaire retrouvera donc sur sa route Étonnant entre autres. En revanche, il est trop tôt pour parler du programme qui sera celui de Horsy Dream jusqu'à l'Elitloppet. "À chaud, les impressions sont bonnes, confie son entraîneur Pierre Belloche. Il a pu prendre le sillage de Go On Boy et sa fin de course est plaisante. Avec le degré de préparation qui est le sien, c’est bien. C’est trop tôt pour donner la suite du programme."