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Actualité - 15.06.2023

Pascal Castel, ce (presque) inconnu de l’Élysée

Trois ans après la deuxième place de Guide Moi Forgan à la fois si valorisante et si frustrante, Pascal Castel va présenter un nouveau "Présidentiable" avec Jean Balthazar. Une performance en soi pour l’écurie de ce professionnel discret dont ce sera le quatrième partant dans un Groupe 1.

Le natif de Villedieu-les-Poêles a grandi au fil des exploits des stars locales de l’époque que sont Ozo et Roger Massue. S’imaginait-il alors un jour à leur place au départ des plus grandes courses, de celles qui vous installe définitivement dans un cercle fermé, celui des vainqueurs de Groupe 1 ? "On espère toujours en avoir un…", dit aujourd’hui l’ancien pensionnaire de l’école de Graignes dont le frère, Denis, a aussi fait le métier. L’histoire de Pascal Castel (55 ans) avec les Groupes 1 est avant tout une histoire avec le Prix du Président de la République, la course qui a fait dire à Reiner Engelke qu’elle avait été son rêve le plus fou, sa consécration d’éleveur en quelque sorte. Pendant longtemps après son installation en 1997 à côté de Lisieux, celui qui a forgé son expérience auprès de Jean-Paul André et de Philippe Daugeard a travaillé dans l’ombre comme tant de ses confrères, à distance des sommets réservés par définition à quelques-uns. Après vingt-trois ans de travail sans relâche, de résultats assez constants non sans connaître des périodes plus difficiles, ce qui lui permet de compter plus de 220 succès comme entraîneur, l’accès aux courses de Groupe s’ouvre vraiment enfin à lui en 2020.
Comme un clin d’œil du chemin à suivre, le trotteur qui lui permet cela s’appelle Guide Moi Forgan.
Après une deuxième place dans le Prix Louis Le Bourg (Groupe 2) à la fin du meeting d’hiver de Vincennes, il enchaîne les victoires dans les Prix Henri Ballière et Lavater (Gr. 2). "Guide Moi Forgan m’a ouvert ses portes en effet, revient l’intéressé avant d’ajouter toujours aussi mesuré. Mais ce n’est jamais fait d’avance et cela peut s’arrêter du jour au lendemain." Il doit alors forcer sa nature pour être celui qui se retrouve sous la lumière des projecteurs car Guide Moi Forgan est le grandissime favori de l’édition du Prix du Président de la République (Groupe 1) cette année-là. Droit, humble et discret, l’homme ne court pas après les micros. Ses chevaux parlent pour lui. Témoin privilégié de cette période, Christopher Corbineau, le jockey du fils de Neutron du Cébé, peut d’autant mieux en parler qu’il montait déjà depuis plusieurs années pour l’entraîneur normand : "Il est resté le même, quelqu’un de très réservé. C’est toujours la même personne. Ce qu’il a vécu avec Guide Moi Forgan ne l’a pas changé. C’est quelqu’un de fidèle dans ses collaborations. C’est simple et agréable de travailler avec lui. Il est toujours calme dans sa façon d’aborder les courses, que ce soit en province comme à Vincennes pour un Groupe. Il te dit les phrases qu’il faut et n’a jamais un mot plus haut que les autres. C’est sûrement ce qui fait sa force".

Les ventes de Caen : la source
Les points communs entre Guide Moi Forgan et Jean Balthazar sont assez nombreux. Le premier d'entre eux, et pas le moindre, c'est le fait d'avoir tous deux été achetés yearling sur le ring des Ventes de Caen, ce qui fait pleinement écho à notre papier de l'édition d'hier mercredi (à retrouver ici). Le fils de Neutron du Cébé pour la somme de 8 500 €, celui d'Alto de Viette trois ans plus tard pour 20 000 € alors que Guide Moi Forgan avait conquis quelques mois plus tôt ses titres classiques. Ces deux achats sont l'oeuvre de Pierre-Antoine Petit, le neveu de Pascal Castel, qui fait courir sous les couleurs de Sandrine Loncke, autre membre de la famille de l'entraîneur normand. "On a découvert Guide Moi Forgan quand il est monté sur ring, il était plaisant, raconte Pascal Castel. On l’a acheté sur son modèle car on n’a pas regardé son papier. C’est seulement une fois l’enchère faite que nous sommes allés le voir dans son box." Choix judicieux et investissement payant que ce trentenaire gérant d'une brasserie après avoir été à la tête d'un PMU a donc tenté de renouveler avec l'achat de Jean Balthazar. Ce jour de septembre 2020 dans le grand hall de La Prairie, Pierre-Antoine Petit nous confiait dans ces colonnes : "20 000 €, c'est une somme, c'est sûr, mais il me semble qu'on est un peu tous unanimes ici à Caen pour dire qu'on a affaire au plus beau poulain de la vacation du jour. Il m'a vraiment tapé dans l'œil. Je n'étais pas du tout venu pour celui-là mais en arrivant je me suis dit : "Lui, il n'est pas fait comme les autres". De par son modèle du moins. C'est un fils d'Alto de Viette et donc petit-fils de Ready Cash, l'avenir nous dira s'il s'agit d'une bonne acquisition, ou pas..." On a depuis eu la réponse.

S’il est une valeur qu’il faut ériger en premier pour mieux comprendre Pascal Castel, c’est bien le travail. "Je ne fais pas de bruit. Je fais mon travail et je pense que c’est ce qui est récompensé, estime-t-il. C’est tout. Avec Alan Trinquart et Candice Dupont, on est une petite équipe de trois pour un effectif de 20 à 25 chevaux." Christopher Corbineau appuie aussi sur ce point : "C’est un très gros bosseur, du matin de très bonne heure jusqu’au soir très tard vous êtes sûr de le trouver à son écurie". Une écurie qui a donc incontestablement pris une dimension supérieure ces dernières saisons. "Les résultats assez réguliers sont un peu supérieurs depuis quelques années, confirme-t-il avant d'apporter un élément de réponse. J’ai pu essayer plus de chevaux avec de meilleurs papiers."
Pour cela, il fallait une locomotive qui a donc pour nom Guide Moi Forgan avec lequel il a tutoyé les sommets même si le début du parcours n'était pas nécessairement annonciateur de grandes envolées. "Au début, il était tout à fait commun, rappelle Pascal Castel. Il s’est amélioré avec l’âge et le travail. Il a mûri, pris de la force. Même à l’heure actuelle, c’est un vrai poulain au niveau de son mental, ce qui fait sa force. Il a malheureusement une jambe de verre."


Je ne fais pas de bruit. Je fais mon travail et je pense que c’est ce qui est récompensé.
Pascal Castel

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Avant d'être écarté plusieurs fois de la compétition, Guide Moi Forgan est passé tout près de la consécration, celle d'un titre dans le Prix du Président de la République qui semblait lui tendre les bras après ses deux succès dans les deux dernières épreuves préparatoires. Même dans cette configuration totalement inédite pour lui, la nature profonde de Pascal Castel n'a pas dévié de sa nature profonde. "Quand on a couru le "Président", le cheval était favori, ça clignotait mais Pascal est resté le même, se souvient très bien Christopher Corbineau. Il m’avait juste dit que cela pouvait être la course de trop car il venait d’enchaîner le "Henri Ballière" et le "Lavater" sous de fortes chaleurs. Il m’avait dit de le monter comme d’habitude en ajoutant : "On verra bien…". Ça, c’est sa phrase !"

"Il m’avait dit de monter Guide Moi Forgan comme d’habitude en ajoutant : "On verra bien…". Ça, c’est sa phrase !"
Christopher Corbineau

L'un et l'autre ont surtout vu que le coup n'était pas passé loin et même tout près. "Sur le coup, je m’étais dit que le cheval avait fait une performance égale à ce qu’il venait de faire, poursuit dans ses souvenirs le jockey. Puis les jours d’après et pendant un bon moment, j’ai eu du mal à encaisser d’être battu par une jument comme Gladys des Plaines qu'il avait toujours dominéà. Les mois suivants, j’ai relativisé en voyant que la jument a répété dans le Prix de Normandie. Je pense qu’au fond de lui, Pascal avait la même analyse et que, pour lui, c’était un rêve éveillé de courir un Groupe 1 et de terminer deuxième." Et Christopher Corbineau d'ajouter : "Il est tellement humble qu'il ne le dira jamais mais je crois qu’il aurait bien aimé que les deux Groupes 2 gagnés par Guide Moi Forgan ne le soient pas dans la période post-covid et donc de confinement de façon à partager avec le public et montrer à tout le monde qu'il avait réussi".
Trois ans plus tard, Jean Balthazar lui offre une seconde chance dans le même Prix du Président de la République, avec un cheval doté d'une vraie classe d'attelage. "Il n’était pas simple au début. Il y a de cela un peu plus de six mois, il nous embêtait encore, rappelle l'entraîneur normand. Il n’était pas de tous les jours. Il faisait voir des choses entre deux fautes dont on ne connaissait pas la raison. Depuis cet hiver, il a mûri. Le fait d'être plaqué lui a été aussi très profitable. Il a bien évolué mais n’est pas encore à 100 %. Attelé avec ses gains, ce n’était pas évident et c’est pourquoi on a pris la décision de le courir au monté." Avec raison puisque ce très proche parent de Kyrielle des Vaux (Rolling d'Héripré), qui devrait être elle au départ du Prix d'Essai - Étrier 3 Ans Finale le 25 juin, a gagné le Prix Henri Ballière - Étrier 4 Ans Q2 à Caen après avoir été seulement devancé par Jadrius de Guez (Shadow d'Odyssée) dans la Q1. "C’est un cheval que l’on ne peut pas trop mettre dans les autres, donc avec Yoann (Lebourgeois) ça va très bien, poursuit Pascal Castel. On essaye de le façonner, de lui apprendre à courir dans les autres. Aller devant c’est bien beau mais on fait le lièvre pour les autres qui viennent nous "taper" sur le poteau et cela ne va qu’un temps. Arrivé au niveau qui est maintenant le sien, il faut voir ça un peu autrement. Ce n’est pas évident de lui apprendre à ce niveau, c’est pourquoi je l’ai couru attelé dernièrement (N.D.L.R. : il s'est montré fautif et son entraîneur qui le menait n'a pu voir ce qu'il voulait) pour le maintenir en condition aussi car sinon cela faisait presque six semaines sans courir. Or, pour un Groupe 1, il faut être à 120 %."
Et Christopher Corbineau de prendre les paris sur l'attitude de Pascal Castel en cas de victoire de Jean Balthazar le 25 juin : "Il restera fidèle à lui-même !". On a envie de le croire pour le voir.

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