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Actualité - 21.06.2023

Didier Brohier, sang pour sang

Le nom Brohier est déjà au palmarès du Prix de Normandie. Dans les années 60, François Brohier a remporté le classique monté pour 5 ans à deux reprises, en 1961, avec Masina après avoir remporté le Prix de Cornulier et le Prix d’Amérique, et, en 1963, en selle sur Ol Est B également lauréat du Cornulier la même année. Cette fois, le patronyme Brohier s’affichera dans la colonne des entraîneurs. Didier, fils de François, présentera son élève Ivrig Viking. L’histoire est évidemment à nulle autre pareille. Rencontre.

C’est une vie commencée par la force d’un nom. Celui des Brohier. François Brohier fait partie des légendes du trot français. Il a remporté cinq Prix de Cornulier [lire notre édition du 19 janvier 2023]. Forcément, cela s’infuse dans la jeunesse du fils Didier. Tout à la fois coéleveur, propriétaire et entraîneur d’Ivrig Viking (Rocklyn) qui vient de s’imposer dans le Prix Victor Cavey - Etrier 5 Ans Q3 (Gr.2), le professionnel va vivre dimanche une grande expérience de Groupe 1. Il revient pour nous sur sa famille, sa formation et sa carrière et nous parle d’Ivrig Viking.
24h au trot.- Quand avez-vous pris conscience du palmarès de votre père ?
Didier Brohier.- Je n’ai pas connu ses grandes années en compétition. Je suis né en 1972 et mon père a réalisé ses meilleures performances comme jockey et driver dans les années 60 et début 70. Ce sont les cadres à la maison qui nous rappellent ces moments de prestiges. Mon père aime également nous les raconter.

Avez-vous senti, dans votre jeunesse, le poids de "l’histoire" ?
DB.- Non, à aucun moment, je n’ai eu de pression. Mes parents m’ont toujours laissé faire ce que je souhaitais, sans me fixer d’objectifs particuliers.

Pourtant, la réussite reste bien une obligation ?
DB.- Oui, mais comme pour tous les entraîneurs qui s’installent. C’est un métier de compétition et peu importe d’où l’on vient, il faut que les résultats soient présents.

Vous avez rapidement connu le succès comme apprenti.
DB.- J’ai eu une belle carrière d’apprenti, c’est vrai. À cette époque-là, il y avait peut-être moins de concurrence et les apprentis restaient dans leur catégorie. J’avais la chance de monter régulièrement et j’ai connu de bons moments. Très jeune, j’avais également bénéficié d’un apprentissage de l’équitation dîte classique et, avec l’expérience, cela a été un atout supplémentaire. Mon père me parlait constamment de la bouche du cheval et je me rends compte au fil du temps que c’est une partie très importante. Il ne suffit pas de mettre des artifices, il faut savoir trouver le bon équilibre et ce sujet se travaille au quotidien, pas seulement en course.

Avez-vous connu d’autres d’expérience que l’entraînement familial ?
DB.- J’ai travaillé chez Jean-Luc Bigeon avant d’aller faire un stage chez Stig Johansson en Suède. Il y avait une rigueur dans le travail que je ne connaissais pas. À l’époque, il possédait plusieurs centres d’entraînements. Je travaillais sur son site principal. Le mardi et vendredi, nous trottions les 100 chevaux dans la matinée avec des lots de 6 ou 7 en faisant beaucoup de foncier. C’était impressionnant. Cela m’a donné une rigueur supplémentaire dans mon travail et m'a guidé dans ma façon de travailler mes chevaux.

A votre retour en France, la transition de l’entraînement avec votre père s’est faite naturellement ?
DB.- Oui, il y a forcément des moments où nous n’étions pas sur la même longueur d’ondes mais, dans l’ensemble, il me laissait faire. Il a toujours été présent et me donne encore son avis à l’heure actuelle. Je vois rapidement si quelque chose ne lui plaît pas !

Vos parents sont toujours présents à vos côtés ?
DB.- Ils gèrent la partie élevage en Normandie et gardent un œil sur les performances de l’écurie. J’ai la chance de les avoir avec moi et de bénéficier de leur expérience.


Didier Brohier en 2001 avec son père à Enghien après un succès avec Irpum

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Avec Ivrig Viking, c’est aussi une belle histoire de famille ?
DB.- C’est une amie de la famille, Nathalie Châtelain, qui a confié la jument Touna du Biwetz (Hulk des Champs) à mes fils, Lucas et Hugo. C’est mon ancienne compagne, Marie Norberg qui avait choisi l’étalon Rocklyn (Love You) pour faire le même croisement qu’Olga du Biwetz (Cézio Josselyn). Ivrig Viking est son premier produit à voir un hippodrome.

À quel moment, vous avez cerné chez Ivrig Viking un certain potentiel ?
DB.- Ivrig Viking a toujours eu quelque chose de plus. Il est imposant avec de grandes allures. Je l’ai tout de même qualifié assez tôt pour son gabarit, simplement sur sa classe. Compte tenu du travail qu’il avait, sa qualification était vraiment intéressante. J’ai pris mon temps ensuite. Ivrig Viking ne cessait d’évoluer avec ses courses. Au printemps de ses 4 ans, nous l’avons essayé au monté avec, dans le coin de la tête, le Prix du Président de la République. Il a gagné sa première course sous la selle et je me disais que, s’il montait sur sa course de début, nous allions sur la belle. Cela n’a pas été le cas et nous nous sommes ravisés en pensant à l’avenir.

Vous étiez dans quel état d’esprit à ce moment là ?
DB.- Je me suis dit que nous avions un bon cheval avec pour ambition les belles courses du meeting d’hiver au monté. Après son break estival, j’ai eu du mal à le retrouver. Je ne vous cache pas que je me grattais la tête à cette période. Nous avons fait des analyses et avons découvert qu’il avait la maladie de Lyme. Après un traitement adapté, il a rapidement retrouvé sa forme et a commencé à enchaîner les bonnes prestations dans des lots de qualités à l’attelé.

Et vous avez attendu le printemps pour le remettre au monté ?
DB.- Il est tombé malade à la fin du meeting d’hiver. Il a fait une rentrée mi-mars à Enghien où il a été disqualifié et sa performance suivante avec Eric Raffin m’a montré un cheval qui s’était endurci. Il était temps de reprendre les courses montées. Ivrik Viking s'est classé deuxième d’Indigo de Fontaine (Niky) le 18 avril avec Yoann Lebourgeois dans un bon chrono (1’12’’8), ce qui m’a conforté dans mes impressions. Nous avons ensuite disputé le Prix Louis Forcinal - Etrier 5 ans Q1 mais, à quinze jours, il n’avait pas récupéré. Trois semaines plus tard, Ivrig Viking a remis les pendules à l’heure (en s’imposant dans le Prix Klytaemnestre) et vient de confirmer dans le Prix Victor Cavey - Etrier 5 ans Q3.

Vous êtes dans le bon timing pour le Normandie ?
DB.- Ivrig Viking est très grand et a pris de la maturité au fil des mois. Il s’endurcit encore et ne manque pas de volonté. Il a un bon mental. Le timing est bon. Plus jeune, il avait du mal à prendre le dernier tournant mais nous avons trouvé la bonne embouchure et désormais il négocie parfaitement les virages. Il est allé à la campagne une semaine après sa dernière course et aborde cette épreuve en forme. Personnellement, je pense qu’il sera encore meilleur l’année prochaine. Nous n’avons pas la pression du favori et j’ai confiance dans mon cheval.

Vous dites qu’il sera encore meilleur l’année prochaine, quels sont les points qu’il va pouvoir améliorer ?
DB.- Il trotte encore un peu gros. Ivrig Viking va prendre de l’assurance avec ses courses. Il peut prendre de la force et être encore plus efficace dans les prochains mois.

L’écurie traverse une période faste actuellement, comment l’expliquez-vous ?
DB.- Depuis le Covid, l’écurie a connu des moments compliqués avec des chevaux malades. L’année dernière a été très mauvaise. Dans ces périodes, vous vous posez des questions. Et cette année cela s’enchaîne bien, allez savoir pourquoi ! Nous avons des jeunes de qualités et toute l’écurie fonctionne bien. Difficile d’avoir une explication rationnelle.


Ivrig Viking pourra être encore plus efficace à l'avenir.
Didier Brohier

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Cinq questions à François Brohier

Fameux jockey dans les années 1950 et 1960, en particulier pour le compte de son oncle, Henri Levesque, François Brohier a ensuite volé de ses propres ailes et mené une belle carrière d’entraîneur, gagnant, principalement, un Prix de Cornulier, avec Uniflore D, et deux Critériums, celui des 3 Ans, avec Ivory Queen, et celui des 5 Ans, avec Elito de Manerbe. Son fils, Didier, a, depuis, pris le relais et s’apprête à présenter Ivrig Viking, dimanche, dans le Prix de Normandie–Finale Etrier 5 Ans. L’occasion d’un flash-back, avec le père, et d’un « état des lieux » des courses sous la selle et du programme qui leur est dédié.

« Il y a 3.000 mètres à parcourir. Il ne faut pas faire trop d’extérieurs, ne pas être trop dans la bagarre, tout en la suivant de près. »

24H Au Trot.- François Brohier, votre fils, Didier, aligne, dimanche, dans le Prix de Normandie–Finale Etrier 5 Ans, Ivrig Viking, un cheval dont il est, à la fois, l’éleveur, le propriétaire et l’entraîneur. Son protégé semble disposer d’une belle chance. Quel est votre sentiment, à ce sujet, vous qui connaissez bien le championnat des 5 ans montés, pour l’avoir gagné et en avoir disputé l’arrivée à plusieurs reprises ?
François Brohier.- Comme l’on dit, c’est déjà une chance d’être au départ, ce qui n’avait rien d’évident il y a encore quelques semaines. Ivrig Viking devrait faire partie des favoris de la course et il le mérite. Disons qu’une place dans les trois premiers nous comblerait. Le cheval arrive bien pour cette compétition-là. Il est dans le bon tempo. Mais le résultat va aussi dépendre du déroulement de la course. Il y a tout de même 3.000 mètres à parcourir. Il ne faut pas faire trop d’extérieurs, ne pas être trop dans la bagarre, tout en la suivant de près. Généralement, les choses sérieuses commencent à mi-montée. Jusque-là, il faut essayer de monter le cheval à sa main, en lui évitant les efforts intempestifs. Après quoi, c’est le moment de chercher à créer la décision, en progression. Mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire !

« Avec Masina, il n’y avait pas de course. C’était une telle championne ! »

Quels souvenirs vous laissent vos deux victoires dans l’épreuve, en selle sur Masina, en 1961, puis sur Ol Est B, en 1963 ?
FB.- Avec Masina, il n’y avait pas de course. C’était une telle championne ! Certes, elle avait une sérieuse rivale en Miss des Ramiers, mais elle lui était supérieure, l’ayant battue tant dans le Prix de Normandie que dans le Prix de Cornulier. Avec Ol Est B, cela s’était bien passé. C’était une jument qu’il fallait mettre dans le dos des chevaux de tête, en l’ayant au bout des doigts. De la sorte, elle était pleine de ressources et on n’avait plus qu’à déboîter. J’ai également remporté le « Cornulier » avec elle. Pour revenir au Prix de Normandie, je me souviens aussi de ma deuxième place, avec Fugia. Nous y étions devancés par un certain Fandango. C’était en 1954 et j’étais encore apprenti. L’année d’avant, dans le « Président », nous avions pareillement buté sur Fandango.


François Brohier en selle sur la championne Masina


Quel regard portez-vous sur le trot monté d’aujourd’hui, tout de même très différent de celui d’hier ?
FB.- C’est le jour et la nuit, ou presque ! Le trot monté d’aujourd’hui est un peu à l’opposé de celui d’hier. On court les chevaux avec des mors doux. Ils glissent, comme des chevaux attelés, là où il fallait naguère les brider plus durement, pour les avoir sur la main. C’est un vrai bouleversement, dans le bon sens. Cela a tous les avantages : la monte en est devenue plus esthétique et la vitesse est là, en ce sens qu’on va quasiment aussi vite monté qu’attelé, maintenant. La nouvelle monte a redonné une jeunesse aux courses montées, qui avaient perdu en popularité. Les voilà, pour le coup, redynamisées. Bravo au jockey belge, Philippe Masschaele, d’avoir su imposer son style et d’être à l’origine de cette petite révolution !

« Les réunions pilotes sont une très bonne chose. On se doit de concentrer les grandes épreuves au cours de quelques journées phares. »

Que pensez-vous de la nouvelle conception du programme classique et de ces grandes réunions à thèmes, comme la Journée des Champions ?
FB.- Je n’en pense que du bien ! C’est une très bonne chose. Il nous faut des réunions pilotes de ce type, pour focaliser l’attention du public. Il y a tellement de courses, ici et là, de nos jours qu’à un moment donné, on se doit de se distinguer et de concentrer les grandes épreuves au cours de quelques journées phares. On a tout à y gagner.

« J’ai un penchant pour le « Président ». Pour moi, c’est l’excellence, la classe à l’état pur, le talent inné. »

Entre le Prix d’Essai-Finale Etrier 3 Ans, le Prix du Président de la République-Finale Etrier 4 Ans et le Prix de Normandie-Finale Etrier 5 Ans, s’il fallait n’en choisir qu’un ?
FB.- J’avoue avoir un penchant particulier pour le Prix du Président de la République. Pour moi, le "Président", c’est l’excellence. A 3 ans, la précocité peut primer. A 5 ans, un cheval a eu le temps d’être fabriqué. A 4 ans, c’est la classe à l’état pur, le talent inné. Et puis j’ai des souvenirs intenses du "Président ", notamment avec mon oncle. Cette course avait quelque chose de spécial, étant, à l’époque, la seule des trois à être au cœur des festivités du mois de juin, en prolongement des Prix du Jockey-Club et de Diane, en parallèle avec le Grand Steeple-Chase de Paris et en prélude au Grand Prix de Paris. C’était le mois classique des courses, toutes spécialités confondues. A cette période, nous entrions comme dans une bulle. Mon nom est inscrit quatre fois au palmarès du "Président", grâce à Icare IV, en 1956, La Champagne, en 1959, Masina, en 1960, et Ozo, en 1962. Mais je considère que je l’ai gagné une cinquième fois, en 1964, avec Quovaria, rétrogradée, complètement injustement, à la deuxième place, au profit de Quérido II.

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