... ©Scoopdyga
Actualité - 22.06.2023

Thomas Levesque, un homme de convictions

Il aura quatre partants (avec Jabadao dans le Prix du Psdt de la République - Finale Étrier 4 ans) dimanche dans trois Groupes 1 de la Journée des Champions. Thomas Levesque nous avoue qu’il sera "stressé". Comme ne pas l’être avec deux représentants, Kyt Kat, dans le Prix d’Essai - Etrier 3 Ans Finale (Gr.1), et Iroise de la Noé, dans Prix de Normandie - Etrier 5 Ans Finale (Gr.1), qui auront comme ambition la victoire ? Rencontre avec un trentenaire qui prend pleinement la lumière à son compte.

La préparation finale se présente bien. Thomas Levesque nous confirme que "les chevaux ont bien travaillé lundi. Ils sont au mieux et prêts à défendre leur chance". Ses trois partants dans les Groupes 1, Kyt Kat (Booster Winner) et Kandora Bella (Prodigious), dans le Prix d’Essai - Etrier 3 Ans Finale (Gr.1), et Iroise de la Noé (Tornado Bello) dans le Prix de Normandie - Etrier 5 Ans Finale (Gr.1) ne seront pas là pour faire de la simple figuration. Pour Thomas Levesque, 31 ans, fils de Pierre et arrière petit-fils d’Henri, l’heure est à la réussite de sa propre marque. Ses trois partants n’ont aucun lien avec l’univers familial et il les a façonnés de A à Z, respectant pour chacun un ensemble d’aptitudes bien différentes. Rencontre avec un homme qui met les convictions et l’intuition au cœur de sa dynamique. Et pour lequel, "la décontraction n’est pas dans ses gênes".


Repères sur Thomas Levesque
➤ 31 ans
➤ 50 chevaux à l’entraînement
➤ Installé entraîneur depuis 2015
➤ 481 vict. (entraîneur) : 125 à l’attelé et 356 au monté
➤ 1 Groupe 1 (Prix de l’Île-de-France 2019 avec Dexter Fromentro)
➤ 15 Groupes 2 dont 14 au monté

24 heures au Trot.- Vous aurez trois partants dimanche dans les Groupes 1 avec des profils bien différents. Vous exploitez des 3 ans a priori précoces comme Kyt Kat et Kandora Bella et une jument de 5 ans "toute neuve" comme Iroise de la Noé. Une forme de grand écart ?
Thomas Levesque.- Je fais tout simplement en fonction de chaque cheval. Il n’y a pas de règle. Iroise de la Noé est toujours sortie du lot mais c’est une grande jument de plus d’1,70 mètre qu’il a fallu attendre. Elle a longtemps manqué de force et était fragile. En fait, je n’ai pas eu le choix d’attendre avec elle mais cela ne me dérangeait pas car je sentais qu’elle avait un moteur hors du commun. Les deux 3 ans, Kyt Kat et Kandora Bella, étaient au contraire des éléments plus faciles et plus précoces. Ils ont vite aussi montré une aptitude au monté. Pour résumé, j’ai fait en fonction de leur profil.

La conclusion de votre palmarès d’entraîneur est sans appel : le monté est votre discipline de prédilection. 14 de vos 15 victoires de Groupe 2 ont été obtenues au monté. Et votre titre de Groupe 1 aussi avec Dexter Fromentro. Comment analyser cela ?
TL.- Le monté propose un créneau plus abordable à mes yeux. Avec des jeunes chevaux, on peut rapidement prendre de l’argent. À l’attelé, l’opposition est plus forte, très forte. C’est vraiment compliqué d’avoir un cheval de Groupe à l’attelé. Je n’en ai qu’une dans mes boxes, c’est Iroise de la Noé qui sort absolument de l’ordinaire. Elle est au-dessus de tous les autres chez moi. Mes vainqueurs de Groupe n’étaient sans doute pas des champions. Au monté, il y a plus de fabrication, plus de travail sur le cheval. Les lots sont souvent aussi plus creux. On peut arriver à se placer dans des Groupes montés avec des chevaux sympas mais qui ne sont pas des champions.

Il y a donc un vrai choix à la base pour le monté ?
TL.- Il faut aussi ajouter que cela ne me dérange pas de garder des poulains qui ne montrent que des aptitudes sous la selle. C'est-à-dire des éléments qui vont demander du temps dans leur préparation. Cela peut me différencier de certains confrères entraîneurs qui ont beaucoup de chevaux et qui préfèrent des chevaux plutôt attelés. Je n’essaie pas autant de chevaux qu’eux et j’aime bien les chevaux montés dans la mesure où il y a un programme qui distribue de l’argent dans cette discipline.

Vos trois partants de Groupe 1 de dimanche proviennent de trois élevages différents. Votre effectif montre une forte présence de propriétaires/éleveurs. Que représente votre élevage personnel dans votre organisation ?
TL.- J’ai un élevage que j’ai lancé il y a dix ans et qui se développe. J’arrive aujourd’hui à une quinzaine de poulinières avec de nouvelles entrantes qui ont performé en courses comme Elsa de Belfonds (Tornado Bello), Egérie de Banville (Tag Wood) et Héra de Banville (Goetmals Wood). Avec les Banville, j’ai une relation particulière car je suis associé à l’élevage sur certains produits. Je dirais que j’essaie de faire progresser mon cheptel d’élevage. Je vais chercher dans les belles lignées des grands élevages. Ma jument qui a le mieux produit à ce jour est Violette Gédé (Ganymède), issue de la souche de Champenoise (Pacha Grandchamp). Je construis mon élevage seul et ai finalement peu de juments des souches familiales Levesque.


J'ai décidé de courir Iroise de la Noé dans le "Normandie" en raison du niveau exceptionnel de cette génération à l’attelé avec des éléments comme Idao de Tillard et Italiano Véro. Elle n'aura qu'une seconde chance dans le Critérium des 5 Ans qui sera comme un Prix d'Amérique.
Thomas Levesque

© Aprh
Thomas Levesque à propos de…
Kyt Kat : "Je le qualifierais d’abord de cheval de vitesse, avec de la bravoure. Il s’est endurci avec le temps. Avec ce profil, on peut prendre pas mal d’argent rapidement. Il a énormément progressé au fil des courses. Maintenant, je sens, à la maison, que c’est vraiment un cheval de Groupe."
Il faut noter que Kyt Kat n’a jamais été confié à Camille, soeur et jockey habituel des représentants de Thomas Levesque. Une exception liée au profil du cheval nous explique l'entraîneur : "Kyt Kat est spécial. Il est très désagréable avant la course puis se montre très gentil pendant l’épreuve. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a commencé sa carrière par trois disqualifications. Je cherchais quelqu’un doté d’expérience avec les jeunes chevaux et d’une main particulière pour le gérer avant la course. Celle de Mathieu Mottier lui convient parfaitement."

Kandora Bella : "Avec sa petite taille, j’ai préféré commencé de bonne heure avec elle. Elle avait vraiment les allures pour aller au monté. Le jour où elle a gagné son Groupe 2, elle était vraiment parfaite. Je pense qu’elle va caler à un moment dans le sens où elle va moins évoluer que les autres. Elle encaisse aussi moins le travail que Kyt Kat par exemple et, du coup, progresse moins. Elle a besoin de plus de temps que lui entre chaque course."

Iroise de la Noé : "Elle sort de l’ordinaire. Depuis qu’elle a 3 ans, je dis à mes proches qu’elle est une jument pour le Prix de Normandie car elle a tout pour aller au monté. Mais, comme elle est tellement bonne à l’attelé, je l’ai gardée au sulky jusque-là. Maintenant, compte tenu de ses très bons résultats récents, la question s’est posée de la pertinence de la présenter sous la selle. N'est-ce pas finalement prendre un risque ? Ce qui m’a décidé de la courir est le niveau exceptionnel de cette génération à l’attelé. Le Critérium des 5 Ans qui se courra en septembre sera quasiment un Prix d’Amérique avec Idao de Tillard (à mon sens un futur gagnant du Prix d’Amérique), Idéal du Pommeau, très estimé par Sébastien Guarato, It’s A Dollarmaker, Izoard Védaquais, remarquable lors de sa rentrée, Italiano Véro, déjà placé dans le Prix d'Amérique cette année, etc. Ce Critérium sera tellement relevé qu’Iroise n’y pourra jouer qu’un second rôle. Dans une autre génération, elle aurait le niveau pour s’imposer. Tout cela m’a incité à choisir avant le Critérium l’option du Normandie. Elle a travaillé la semaine dernière à Cherbourg au monté. C’était bien mais elle n’était pas encore prête. Elle a monté en condition depuis et j’attends du mieux pour dimanche. Je serais déçu si elle ne participait pas à l’arrivée."


Dans votre rôle d’éleveur, comment fonctionnez-vous pour vos croisements ?
TL.- Je pense qu’en matière d’élevage, l’intuition et les convictions sont primordiales. Il faut faire le croisement auquel on croit d’abord. Ce n’est pas au voisin de faire ses croisements. Si on se trompe, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même, si on réussit, on peut revendiquer la fierté du bon croisement. Le croisement, c’est à l’instinct de chacun. Dans le cas contraire, on ne vit pas la passion de la même façon.


Kyt Kat et Kandora Bella, les 3 ans montés attendus dimanche dans le Prix d'Essai

© ScoopDyga

La gestion des 2 ans : zoom sur les "L"
Thomas Levesque : "J’ai fait un premier tri en janvier. J’ai gardé une vingtaine de "L" sur la grosse trentaine que j’ai essayée. J’ai continué à en travailler huit pour les premières qualifications, ceux qui montraient le plus de précocité. Parmi eux, j’en ai qualifié trois à ce jour. Je pense que sur ce premier lot de huit, trois ou quatre vont courir assez rapidement. J’ai arrêté les autres poulains et pouliches qui étaient moins précoces pour les présenter aux qualifications à l’automne. J’ai un poulain qui montre déjà une vraie aptitude pour aller au monté. Il sera plus compliqué que Kyt Kat mais il a un bon jeu de jambes et semble intéressant."

Quel cheval vous a laissé la plus forte impression jusqu'alors ?
TL.- Tornado Bello m’avait impressionné à son époque. Il avait un côté guerrier et n’était jamais battu. Aujourd’hui, Iroise de la Noé sort vraiment de l’ordinaire. Je n’ai jamais vu cela avec un cheval de mon entraînement. Il y a un monde entre elle et les autres de mon écurie. Elle a un don. Elle me rappelle les propos de Philippe Daugeard à propos de son champion Univers de Pan : "Ce genre de cheval fait tout. Il a un truc de plus que les autres et on n’a rien à faire."

Comment avez-vous reçu Iroise de la Noé ?
TL.- M. Masson (Earl de la Noé) est venu me voir un jour aux courses de Maure-de-Bretagne pour me proposer une fille de Tornado Bello. C’est à l’époque où Elsa de Belfonds, également par Tornado Bello, cartonnait. J’ai accepté et cela s’est joué à un rien car M. Masson a vendu quelques semaines plus tard toute sa génération des "I". Mais comme j’avais dit oui pour Iroise de la Noé, il l’a sortie du lot de vente. J’ai eu de la chance car je pense que je n’en aurai pas beaucoup d’autres comme elle dans ma carrière.

Et vos propriétaires ? Comment agissez-vous avec eux ?
TL.- Je fonctionne au jour le jour dans ce domaine. Tout se fait lors de rencontres. J’ai peu de propriétaires mais ceux que j’ai sont fidèles. C’est ce qu’il m’importe. De manière générale, je ne recherche pas vraiment les propriétaires mais ne refuse pas non plus les chevaux qu’on me propose.

Vous êtes installé sur le domaine familial, avec votre père. Comment vous projetez-vous ?
TL.- C’est un très bel outil de travail et le but est de le reprendre petit à petit. Ma vie est ici.

Vous portez un nom illustre au trot. Quelle dimension de votre "héritage" familial vous semble le plus important ?
TL.- Le plus important pour moi, qui m’a été inculqué par ma famille et notamment par mon père, est la valeur travail. J’ai toujours vu mon père s'investir sans retenue, "H24". Quand je travaillais avec lui, il était le premier le matin dans la cour. Cela vous fait dire que c’est la recette du succès. Cette valeur travail, je l’ai aussi constatée dans mes emplois à l’extérieur. Il n’y a rien sans rien. Il faut tout regarder, être minutieux, être le maximum à l’écurie.

Si vous aviez... un défaut, quel serait-il ?
TL.- Peut-être de trop vouloir faire de choses en même temps. Ma mère me fait souvent remarquer que je ne dois pas trop me disperser. Je suis entraîneur et éleveur de trotteurs mais aussi de galopeurs. Elle a peur que j’en fasse trop tout de suite. J’ai une dizaine de poulinières au galop, pour le plat, en partage avec mon père. C’est un peu le début et l’idée est de passer aux ventes notre production, dans une logique commerciale.

Vous réalisez un très bon début de saison. Qu'est ce que cela vous inspire ?
TL.- J’ai connu les grandes années de mon père mais je sais depuis à quel point c’est difficile de n’avoir, ne serait-ce, qu’un cheval de Vincennes. Cette année, je ne peux être que comblé. Mais il faut déjà penser à la relève pour continuer. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. Ma réussite actuelle est aussi à mettre au crédit de mon équipe, tant en Normandie que dans le Sud-Ouest avec Vincent Cabos.

Dans quel état d'esprit arriverez-vous dimanche ? Avec de la pression ou une forme de décontraction ?
TL.- La décontraction n’est pas dans mes gênes. Je suis capable de stresser pour les débuts d’un poulain que j’aime bien en province… Pour des Groupes 1, je serai tendu, c’est sûr. Je serai déçu si cela se passait mal. Kyt Kat est le leader actuel de sa génération. On court pour gagner. On vise le podium mais la troisième place nous décevrait néanmoins. Avec Kandora Bella, l’objectif est qu’elle conclue dans les cinq premiers. Quant à Iroise de la Noé, si elle va au monté, il faudra être très fort pour la battre. En classe pure, je pense que c’est la meilleure de la course. Tout cela pour redire que je serai stressé.

Iroise de la Noé a un don. Elle me rappelle les propos de Philippe Daugeard à propos de son champion Univers de Pan : "Ce genre de cheval fait tout. Il a un truc de plus que les autres et on n’a rien à faire." - Thomas Levesque

A voir aussi :
...
Lucifer du Pont ouvre son palmarès

Irréprochable depuis le jour de sa (bonne) qualification (1'17''1 à Caen) en passant par ses deux bonnes deuxièmes places pour lancer sa carrière officielle, Lucifer Du Pont (Golden Bridge) va trouver à Saint-Galmier une occasion en or pour ...

Lire la suite
...
Antoine Trihollet
dans une forme olympique

Son nom est devenu familier de ceux qui pointent avec manie les professionnels les plus efficaces du moment. Avec 22 succès au 23 juillet, Antoine Trihollet est désormais dans le top 50 national des entraîneurs en nombre de victoires et ...

Lire la suite
...
Le casting du Hugo Abergs Memorial est connu

Ce sera l'événement en Europe de la semaine prochaine. Le Hugo Abergs Memorial, Groupe 1 sur 1.609m, réunira dix concurrents mardi 30 juillet à Jägersro. Pas de trotteur français en lice mais la légende Vivid Wise As (...

Lire la suite
...
Kotkie affole le chrono cagnois

1'11''3, c'est le chrono-canon signé par Kotkie (Love You) pour remporter lundi soir le Prix de la Gastronomie à Cagnes-sur-Mer. C'est tout simplement le nouveau record pour un 4 ans sur la piste azuréenne. Cette ancienne représentante de Jean-Pierre ...

Lire la suite