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Actualité - 30.07.2023

Une thèse pour en savoir plus sur le bien-être équin

C'est un mot valise que l'on utilise de plus en plus. Le bien-être animal ou équin est devenu un totem de la filière cheval mais aussi de l'ensemble de la société. Soit, mais à quoi renvoie-t-il précisément ? Comment le définir ? Qu'est-ce qu'il inclut et regroupe ? Voilà finalement des questions auxquelles nous n'avons pas, collectivement, des réponses. C'est dans cette logique que les acteurs de la filière hippique ont décidé de lancer un travail de recherche sur le bien-être du cheval de course. Une étude qui prend la forme d'une thèse de doctorat. Explications et rencontre avec celle qui a en charge cette recherche, Noémie Hennes.

Tout a commencé en octobre dernier, quand la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH), Le Trot (devenu SETF) et France Galop ont lancé la première thèse de doctorat réalisée en France sur le bien-être du cheval de course. Le projet d'actions Race And Care (#raceandcare) a déjà largement mis sur le devant de la scène le bien-être équin aux courses mais la partie théorique reste encore en jachère. Le travail de recherche, sous la forme d'une thèse universitaire, menée en partenariat avec l’INRAe (Institut National de Recherche pour l'Agriculture) et l’IFCE (Institut Français du Cheval et de l'Equitation), doit commencer à combler ces blancs. Il comporte deux objectifs principaux :
1️⃣. Evaluer scientifiquement le bien-être du cheval de course, trotteur et galopeur, dans ses différentes activités spécifiques, à l’écurie, à l’entraînement et en course ;
2️⃣. Faire des recommandations pragmatiques, sur la base des observations réalisées, pour optimiser certaines pratiques.

Qu’est ce qu’une thèse de doctorat ?
Il s’agit du plus haut diplôme universitaire qui consacre un travail de recherche, fondamental ou appliqué. Un doctorat se lance sur la base de trois ans de recherche mais peut se prolonger sur quatre, cinq ou six ans. La personne en charge de la recherche (appelée thésard(e) ou doctorant(e)) doit produire une thèse, soit un document qui formalise ses hypothèses de travail, ses méthodes, ses données collectées, ses conclusions, etc. Le (ou la) doctorant(e) est encadré(e) par un directeur de thèse et d’autres éventuels référents, constituant en quelque sorte une équipe de recherche. Le (ou la) doctorant(e) est aussi rattaché(e) à une structure de recherche habilitée.


Le déroulement de la thèse sur le bien-être du cheval de course

1. Lors de la première année (en cours), l’équipe de recherche et la doctorante Noémie Hennes [lire son interview plus loin] étudient, dans une vingtaine d’écuries, les corrélations entre conditions de vie et de travail, ressenti et performances du cheval à travers divers observations menées sur site.

2. Par ailleurs, la doctorante va réaliser un état des lieux des conditions de vie et de travail des chevaux à l'entraînement en France. Les données utiles à la réalisation de ce second volet seront collectées à travers un questionnaire qui sera notamment accessible pour les entraîneurs du trot sur Infonet. Cette phase de consultation aura lieu prochainement. Après anonymisation et traitement, ces données permettront d’identifier la prévalence des différentes pratiques à l’entraînement. Elles permettront donc de prendre des décisions éclairées, en troisième année de thèse, sur les optimisations à étudier et tester.

Tous les entraîneurs français sont invités à répondre à cette consultation (accessible sur Infonet), qui aura lieu dans les prochaines semaines. La constitution d’un panel important et représentatif de répondants constitue un facteur clé pour la valeur scientifique du travail réalisé.


À LA RENCONTRE DE NOÉMIE HENNES

Doctorante en charge de la recherche, Noémie Hennes, effectue sa thèse à l’INRAe au sein de l’UMR (Unité Mixte de Recherche) Physiologie de la Reproduction et des Comportements, dans l’équipe Cognition Ethologie et Bien-être animal.
Dans une interview, elle nous parle de son parcours, de la façon dont son travail de thèse a été élaboré et des nombreuses perspectives qu’il ouvre.

24h au Trot.- Qui est à l'initiative du sujet de recherche sur le bien-être des chevaux de courses ? Est-ce une proposition personnelle à l'un des encadrants de la thèse (FNCH, SETF et France Galop) ou une réponse de votre part au sujet conçu par les encadrants ?
Noémie Hennes.- Ce sont les équipes en charge du bien-être équin, à la FNCH, à la Société du Trotteur Français et à France Galop - qui venaient de lancer le plan d’actions #raceandcare - qui ont souhaité solliciter, pour la première fois en France, des experts scientifiques reconnus et indépendants afin d’évaluer objectivement le bien-être des chevaux de courses. C’est ainsi qu’une chercheure à l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation qui faisait également partie de l’équipe Cognition Ethologie Bien-Etre Animal de l’INRAe de Nouzilly a été contactée initialement. L’idée était de développer un projet centré sur le cheval de course visant à approfondir nos connaissances sur leurs conditions de vie et de travail ainsi que sur les relations entre bien-être et performances. Par la suite, le projet a été construit entre l’INRAe (par Léa Lansade, ma directrice de thèse) et la FNCH en collaboration étroite avec les sociétés mères. J’ai saisi l’opportunité en postulant pour la thèse et j’ai eu la chance de l’obtenir.

Votre travail de recherche est-il une sorte de première en France ou en Europe ?
NH.- Pas sur son champ d’étude général. Le bien-être des chevaux de courses est un sujet pour toutes les grandes nations hippiques mondiales qui lancent de nombreux travaux de recherche sur ce thème, de même que les autorités équestres, à commencer par la FFE qui a également initié l’année dernière une thèse du même type.

À quel(s) domaine(s) de recherche appliquée est associée votre thèse ? Comportement animal ? Sociologie des organisations ? Autre ?
NH.- Pour aborder les problématiques de cette thèse, nous nous concentrons sur l’étude du comportement animal, en privilégiant une approche éthologique qui constitue notre domaine d’expertise. En outre, au cours de cette thèse, nous associerons des données physiologiques à nos analyses comportementales, ce qui conduira à adopter une approche pluridisciplinaire en collaborant avec des spécialistes du domaine tels que des vétérinaires et des chercheurs/ingénieurs en physiologie sportive.


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Comment intégrerez-vous les acteurs professionnels des courses ?
NH.- Nous valorisons l’expertise de la FNCH, du Trot et de France Galop, ainsi que celle des entraîneurs et autres acteurs de la filière des courses hippiques. Leur contribution est essentielle, car elle nous permet d’ancrer notre recherche dans la réalité du terrain. Sans leur collaboration, il nous serait difficile d’obtenir des résultats cohérents et pertinents pour améliorer le bien-être du cheval de course.

Qu'est ce qui vous intéresse personnellement dans ce sujet ? Quel est votre connaissance des courses ? Quel est votre cursus antérieur ?
NH.- Au risque d’être un peu cliché, je dois dire que j’ai toujours été passionnée par les chevaux et tout ce qui tourne autour. Comme ils ne peuvent pas s’exprimer verbalement, nous devons trouver des moyens pour les comprendre et interpréter leurs comportements. C’est là que la recherche en éthologie joue un rôle fondamental ! C’est pour cette raison que j’ai réalisé un master en éthologie à l’Université de Saint-Etienne, au cours duquel j’ai eu l’opportunité de réaliser un stage sur la socialité du jeune cheval de sport.
Mon parcours professionnel a ensuite été marqué par sa diversité. J’ai travaillé en Côte d’Ivoire sur un projet de conservation et d’écotourisme sur les chimpanzés sauvages. Ensuite j’ai eu la chance d’intégrer l’entreprise Royal Canin en CDI, où j’ai travaillé sur le bien-être animal en tant que responsable d’équipe. J’ai choisi de quitter ce poste pour réaliser ce projet de doctorat qui me tient à cœur. Ces expériences variées m’ont permis d’acquérir des compétences diverses et complémentaires que je peux aujourd’hui mettre à profit dans le cadre de ma thèse.
Personnellement, je suis également cavalière depuis mes 8 ans et j’affectionne tout particulièrement le travail du jeune cheval.

Dans quelle structure travaillerez-vous le plus directement (INRAe, IFCE, SETF, France Galop, FNCH) ?
NH.- Je suis basée dans les bureaux de l’INRAe à Nouzilly (37) au sein de l’UMR Physiologie de la Reproduction et des Comportements, dans l’équipe Cognition Ethologie et Bien-être animal. J’évolue donc la majorité du temps proche de mes deux encadrantes de thèse, qui travaillent toutes deux pour l’IFCE. J’échange de façon hebdomadaire avec la FNCH, la SETF et France Galop et nous avons des réunions plus formelles tous les mois.
Enfin, une grande partie de mon travail se déroule sur le terrain, dans les centres d’entrainement, situés un peu partout en France.

Est-il prévu de distinguer le trot du galop lors de votre travail, avec l'élaboration de deux modèles distincts ?
NH.- Les trotteurs et les galopeurs représentent deux modèles distincts dans l’univers des courses hippiques, chacun ayant sa propre génétique et un mode de gestion spécifique, soumis à des critères différents. Notre objectif est donc de prendre en compte cette distinction lors de l’analyse de nos résultats.
Cette approche nous permettra de dresser un état des lieux plus précis des conditions de vie et d’entrainement des chevaux de courses en France, en mettant en lumière les particularités de chaque filière, trot et galop. En comprenant mieux les spécificités de chacun, nous pourrons envisager, si nécessaire, des solutions d’amélioration adaptées et pertinentes pour les différents acteurs impliqués dans ces filières.


Comment sélectionnerez-vous la vingtaine d'écuries dans la phase 1 de l'étude ?
NH.- La sélection des centres d’entrainement est une partie importante de notre étude, et nous avions pour objectif de garantir un échantillonnage le plus représentatif possible des entraineurs en France. Ainsi, si je prends exemple sur le trot, nous avons cherché à être représentatifs en prenant en compte des critères tels que le nombre de chevaux par entraineurs, l’âge et le sexe des entraîneurs ou encore le type de structure et la région d’activité.
Pour atteindre cet objectif, nous avons travaillé conjointement avec le Dr Arnaud Duluard (trot) et le Dr Sonia Wittreck (galop). Leur expertise a été essentielle pour m’informer sur les potentiels entraineurs à solliciter et pour établir le premier contact.
Bien entendu, je me rends exclusivement chez les entraîneurs ayant accepté de participer à l’étude. Leur collaboration est essentielle pour que notre recherche soit juste et pertinente.

On parle de "recommandations pragmatiques" comme l'un des produits de votre thèse. Peut-on imaginer un guide pratique d’épanouissement du cheval de course ?
NH.- Un des objectifs de ce projet de recherche est effectivement de proposer des moyens d’assurer ou d’améliorer le bien-être des chevaux de courses, par exemple en ayant recours à des enrichissements, c’est-à-dire des moyens d’améliorer le bien-être des animaux en répondant aux besoins intrinsèques de l’espèces en matière de comportement. Ces propositions se voudront à la fois bénéfiques pour les chevaux et conciliables avec les impératifs économiques, les moyens humains ou matériels des centres d’entrainements. Lors de cette étude nous allons également nous intéresser aux relations entre bien-être et performances. Les liens éventuels entre le comportement des chevaux observés dans les écuries et la récupération suite à l’effort seront également investigués de même que la qualité du sommeil des chevaux et son impact éventuel. Nous pouvons donc également envisager de proposer des outils aux professionnels pour qu’ils puissent évaluer le bien-être de leurs chevaux au quotidien et adapter leur pratique en conséquence.

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