Le Critérium des 3 ans à travers les âges

J-5 avant la grande journée des Critériums à Vincennes. L'exceptionnelle réunion de dimanche nous permettra de voir en piste les meilleurs éléments de chacune des trois promotions classiques : 3, 4 et 5 ans. En préambule des événements millésimés 2023, nous avons choisi dans 24h au trot de regarder dans le rétro. Car la nostalgie a du bon et car le passé nous permet souvent de mieux comprendre le présent et même parfois anticiper l'avenir. Alors entre souvenirs d'éditions marquantes et machine à remonter l'alphabet et donc le temps, voici le premier volet de nos éditions spéciales Critériums. Premier volet avec les 3 ans.

Mais honneur aux présents pour débuter. Les contours du peloton 2023 se dessinent progressivement avec pour chef de file Koctel du Dain (Boccador de Simm), le plus riche et le plus titré des engagés. Il est à cette heure l'un des deux vainqueurs de Groupe 1 sur la liste avec le classique monté Kyt Kat (Booster Winner). Plusieurs fils et filles de vainqueurs de Critérium des 3 ans sont également sur les rangs avec l'espoir de rejoindre leurs glorieux géniteurs : Ready Cash (Kool And The Gang, King Opéra), Face Time Bourbon (Krack Time Atout), Bold Eagle (Kaiser River et Kristal Josselyn). Les premiers forfaits seront enregistrés ce mercredi et les partants déclarés jeudi. À suivre bien sûr dans les colonnes de 24h au trot.

Un tour de l’alphabet plus tôt, Késaco Phédo

Koctel du Dain aborde donc le Critérium des 3 Ans (Groupe 1) en patron, avec, dans son escarcelle, les deux tournois qualificatifs, pour les poulains, et les deux compétitions classiques du premier semestre, soit le Critérium des Jeunes-Prix Comte Pierre de Montesson (Groupe 1) et le Prix Albert Viel (Groupe 1).

Il y a vingt-deux ans, un tour de l’alphabet plus tôt, la situation n’apparaissait pas aussi claire et la course s’annonçait ouverte. Kinder Jet avait gagné le Critérium des Jeunes (Groupe 1) et Kiss Melody le Prix Capucine (Groupe 1), aujourd’hui Prix Albert Viel, ainsi que le Prix de l’Etoile (Groupe 1), face à ses aînés. Mais celle-ci brillait, ici, par son absence et celui-là ne semblait pas dans sa meilleure forme. Le trio favori était dès lors constitué de Kaisy Dream, Keed Tivoli et Késaco Phédo, lesquels venaient de s’illustrer dans les semi-classiques précédant la grande course.

Philippe Allaire : de « Késaco » à « Koctel », pour boucler la boucle ?

Comme souvent, les parieurs ne se trompaient pas et la phase finale a mis aux prises les trois candidats les plus en vue. Kaisy Dream prit le meilleur le premier dans la ligne droite, faisant illusion, sous la poigne de Jean-Pierre Dubois. Mais, en embuscade, Késaco Phédo s’annonçait, avec Jos Verbeeck, et venait dominer son compagnon de couleurs, sinon d’entraînement, à une cinquantaine de mètres du poteau. Bon finisseur, Keed Tivoli s’emparait de la troisième place. Une course limpide, une arrivée logique.

Philippe Allaire, qui avait préparé Késaco Phédo, succédait à son père, Pierre-Désiré, au palmarès de la course, ce dernier ayant fait sien ce Critérium la saison précédente avec Jaïn de Béval. Lui-même avait déjà remporté le championnat des 3 ans, alors qu’il était tout jeune, avec Larabello, en 1980. C’était, en l’espèce, la première d’une belle série de victoires dans la course, parachevée par Késaco Phédo, donc, mais encore par Ready Cash, en 2008, Charly du Noyer, en 2015, et Just A Gigolo, en 2022. Une autre pourrait s’ajouter à la collection, cette année, avec Koctel du Dain.

Le dernier auteur du doublé du Critérium des 3 Ans et du Prix de Vincennes

Tant Késaco Phédo que Kaisy Dream faisaient briller les couleurs Wildenstein, à l’arrivée de ce Critérium et c’était là un bel hommage rendu au patriarche, Daniel Wildenstein, disparu quelques semaines plus tôt. Kaisy Dream en était à son quatrième premier accessit classique, après ses places de deuxième dans le Critérium des Jeunes (1-Kinder Jet), dans le Prix Capucine (1-Kiss Melody) et dans le Prix de l’Etoile (1-Kiss Melody). Il devait briser la glace à la fin du meeting en s’octroyant le Prix de Sélection (Groupe 1), où il prenait, précisément, sa revanche sur Késaco Phédo. Quelques jours plus tard, celui-ci allait devenir le cheval le plus cher du monde, faisant tomber le marteau à 3 millions d’euros, sur le ring de Deauville, où il était l’objet d’une dissolution d’association.

Dans l’intervalle, Késaco Phédo, à l’éclectisme ne se démentant pas, s’était imposé dans le Prix de Vincennes (Groupe 1), réussissant un exceptionnel doublé, dont il est le dernier tenant en date. Il gagnera encore à quatre reprises au plus haut niveau, dans le Prix de Normandie, le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (x2) et, bien sûr, le Prix d’Amérique. Késaco Phédo nous a quittés cet été, après avoir défrayé la chronique du Prix du Président de la République (Groupe 1), enlevé par son fils, Jasper des Charmes, occasion, ce faisant, d’une première victoire dans ce prestigieux classique pour Lucien Urano et Jean-Michel Bazire. Un « JMB » qui fut, du reste, le mentor de Késaco Phédo durant toute la seconde partie de sa carrière.

		Rieussec 1'12''9	Goetmals Wood 1'11''9
	Boccador de Simm 1'12''6		Ironie Jet 1'15''0
		Poupee Charmeuse 1'14''4	Hetre Vert
KOCTEL DU DAIN			Erika Charmeuse
		First de Retz 1'11''8	Podosis 1'16''1
	Ophelie 1'26''7		Ballerine de Retz
		Grenade	James Pile 1'17''8
			Jorade 1'18''1

Le Critérium des 3 ans reçu 5 sur 50

En prélude à la journée des Critériums de dimanche, nous vous proposons de parcourir le palmarès de ceux-ci en remontant cinquante ans en arrière. Exercice de style, nous avons décidé de ne retenir qu'une édition marquante par décennie. Un choix évidemment subjectif et toujours difficile, car conduisant, par définition, au renoncement. Mais c’est le jeu et les règles en sont admises. Voici donc, selon la rédaction de 24h au trot, les cinq éditions du Critérium des 3 ans récentes s'il ne fallait en retenir que cinq...

Au sommaire de nos souvenirs de Critérium des 3 ans

➤ 1973-1982 : La classe américaine de Fakir du Vivier

➤ 1983-1992 : Vous rappelez-vous du nom du tombeur d'Ourasi ?

➤ 1993-2002 : La pouliche Lazio du Bourg mâte les mâles

➤ 2003-2012 : Ready Cash en prélude à ses fils

➤ 2013-2022 : Idylle toujours plus speed

Fakir du Vivier, l'artiste

Port de tête majestueux, encolure de cygne, Fakir du Vivier avait un physique à nul autre pareil, un style inimitable, donnant l’impression de danser sur la piste, et une classe époustouflante ; d’ailleurs, s’il péchait, parfois, c’est par excès d’impétuosité. 1974 est l’année de son Critérium des 3 Ans, qu’il domine d’un bout à l’autre, sans partage. Ses dauphins sont Fort d’Orange, la pouliche Floride et le premier leader de la promotion, Franc Quito, vainqueur du Critérium des Jeunes et du Prix Capucine, aujourd’hui Prix Albert Viel, et, bientôt, dans l’autre spécialité, du Prix de Vincennes.

Mais c’est Fakir du Vivier qui, désormais, est le chef de file de sa génération, une place qu’il n’abandonnera plus. Déjà, trois mois plus tôt, il avait fait sensation dans un Prix de l’Etoile, où ses aînés, pourtant réputés, Espoir de Sée, Damarète et Ebbon, n’avaient pu lui rendre cinquante mètres. Fakir du Vivier gagnera encore le Critérium des 4 Ans, le Critérium Continental, le Prix de Sélection, deux fois, ou encore le Grand Prix d’Europe, en Italie, sans oublier un mémorable Prix René Ballière, où, drivé par son entraîneur, Pierre-Désiré Allaire, il tint tête, tout au long de la ligne droite à Bellino II, trotteur phénomène s’il en est, auquel il infligeait ainsi sa première défaite, en trois ans, à Vincennes, à poteau égal. Fakir du Vivier sera aussi quatrième, deuxième, puis troisième du Prix d’Amérique. Remarquablement né, en tant que fils de Sabi Pas et de la matrone Ua Uka –mère de l’autre crack que fut Hadol du Vivier, au palmarès de l’édition 1976 du Critérium des 3 Ans–, Fakir du Vivier allait devenir un étalon de premier plan, numéro un des pères de gagnants en 1994, après s’être régulièrement classé dans le « top-5 » au cours des saisons précédentes. Sa lignée mâle est continuée, au premier chef, par son petit-fils, Coktail Jet et par les descendants de celui-ci ; il est, pareillement, un remarquable père de poulinières.

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Orco, le tombeur du futur roi Ourasi !

En 1983, Ourasi, qu’on ne surnomme pas encore le « roi fainéant », a 3 ans et est déjà considéré comme le meilleur sujet de sa promotion. Il a remporté le Critérium des Jeunes et part favori du Critérium des 3 Ans. Il a, cependant, un vrai rival en Orco, sujet précoce, quatre fois victorieux à 2 ans, notamment dans les importants Prix Louis Cauchois et Emmanuel Margouty, et qui s’est ensuite entrebattu, non sans réussite, avec l’élève de Raoul Ostheimer. Et, dans le Critérium des 3 Ans, c’est bel et bien Orco qui va se distinguer, prenant d’emblée le commandement pour ne plus le quitter. Ourasi marqua, pourtant, son rival, tout au long du parcours, mais, à l’entrée de la ligne droite, il fut décramponné, devant s’avouer vaincu et se contenter d’une honorable place de deuxième. Ce n’était certes, pas encore le très grand Ourasi, mais le mérite d’Orco n’était pas mince, pour autant, d’avoir mené sa tâche à bien.

Hormis le fait d’être drivé par le talentueux Gérard Mascle, Orco était l’œuvre d’un seul homme, l’éclectique professionnel Domingo Perea, au poste, à la fois, d’éleveur, de propriétaire et d’entraîneur. Orco était, en outre, issu de Carlo d’Orsay et d’une poulinière par Panipa, deux autres chevaux frappés du sceau de Domingo Perea. Ce dernier peut, du reste, se targuer d’avoir entraîné des gagnants de Groupe 1 dans toutes les disciplines des courses. Effectivement, davantage connu, encore, au galop, il y a préparé, entre autres, un vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris, en Piomarès, et un autre de la Grande Course de Haies d’Auteuil, en Ketch, tandis qu’il eut une championne en plat en Prodice, gagnante du Prix Saint-Alary et deuxième du Prix de Diane. Chapeau !

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Lazio du Bourg brise la glace

Lorsqu’elle s’impose dans le Critérium des 3 Ans, en 2002, à l’arrivée duquel, partie de loin, elle résiste, bravement, au rush des poulains, L’As de Boussières et Lucky d’Hilly, la pouliche, Lazio du Bourg, menée par son entraîneur, Joël Van Eeckaute, est la première femelle à dominer les mâles dans ce classique, depuis un quart de siècle. Il fallait remonter, en effet, auparavant, à la victoire d’Ivory Queen, en 1977, pour retrouver une « demoiselle » au palmarès de la course, celle-ci y damant le pion à son homologue, Italia du Pont, et à un certain Idéal du Gazeau, fameux champion du dernier quart du vingtième siècle, n’ayant pas eu, ce jour-là, le meilleur des parcours.

Ce faisant, Lazio du Bourg initiait une nouvelle ère, relançant la dynamique de son sexe dans la compétition qui nous occupe. Dans les années qui suivirent, les pouliches montèrent ainsi à nouveau, régulièrement, sur la plus haute marche du podium, qu’il s’agisse de Nikita du Rib, en 2004, de Pearl Queen, en 2006, de Vanika du Ruel, en 2012, d’Erminig d’Oliverie, en 2017, de Gunilla d’Atout, en 2019, d’Hanna des Molles, en 2020, ou d’Idylle Speed, en 2021. Lazio du Bourg confirmera pleinement son succès, gagnant le Groupe 1 Prix de Normandie, dans l’autre discipline, et se plaçant dans le Prix d’Amérique, pour, presque, un million d’euros de gains. Poulinière, elle a engendré le classique et étalon, Athos des Elfes.

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Ready Cash, en propre puis par produits interposés

C’est un phénomène, présent et futur, qui s’illustre, cette année-là, en 2008, et signe un rare coup de trois, passant par le Critérium des Jeunes, le Prix Albert Viel et le Critérium des 3 Ans. Ready Cash gagnera, ensuite, deux Prix d’Amérique, deux Prix de France, un Prix de Paris et autres, se forgeant l’un des plus beaux palmarès du trot contemporain.

Mais, plus que ses titres de compétiteur, ce sont ceux d’étalon qui le fixent dans le panthéon du trot. Or, en la matière, il va de soi que Ready Cash exerce volontiers ses talents dans le Critérium des 3 Ans, dont il fournit le lauréat dès sa deuxième production en Bold Eagle (2014). Puis viennent Charly du Noyer (2015) et un certain Face Time Bourbon (2018) ou encore la pouliche Gunilla d’Atout (2019). En tant que père de mère, on lui doit aussi Just A Gigolo, le tenant du titre, qui a réussi le même tir groupé que lui dans les trois classiques pour 3 ans. Ready Cash n’est plus, hélas, depuis quelques semaines. Heureusement, sa relève est assurée, mais il est difficile d’imaginer qu’il puisse être, un jour, égalé par un ou plusieurs de ses continuateurs, tant sa réussite fut, à proprement parler, exceptionnelle.

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Idylle Speed, comme son nom l'indique

Idylle Speed, lauréate de l’édition 2021 du Critérium des 3 Ans, en est la détentrice de l’actuel record, ayant trotté le kilomètre sur le pied de 1’12’’2. Ne serait-ce qu’à ce titre, son succès mérite d’être retenu. Avant elle, seul Timoko, en 2010, était descendu sous la barre des 1’13’’, faisant afficher 1’12’’6. La protégée de François-Pierre Bossuet est donc allée plus vite que le crack de Richard Westerink. Ce n’est pas peu dire.

Grâce à Idylle Speed, François-Pierre Bossuet succède à son père au palmarès du Critérium des 3 Ans. Jean-Baptiste Bossuet, l’homme de Ténor de Baune, s’y est, en effet, imposé par deux fois, en 1996 et en 1997, avec deux produits de son crack, Fleuron Perrine et Gavroche Perrine. En 2020, déjà, le fils n’avait pas été loin de rejoindre le père, ayant préparé Havanaise, laquelle ne trouva devant elle qu’Hanna des Molles. Cette fois, il concrétise, avec une pouliche dont il a remarquablement géré l’ascension depuis ses débuts, onze mois plus tôt, en province. Fille de Carat Williams, Idylle Speed illustre la première production de celui-ci, qui, s’il n’est pas lui-même un vainqueur de la course, est tout de même un gagnant de Critérium, puisqu’il a fait sien celui des 5 Ans.

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