Face Time Bourbon, une vie à très grande vitesse

Son retrait forcé des pistes avait jeté le monde du trot dans l’effroi et la consternation en janvier 2022. À quelques jours du Prix d’Amérique, Face Time Bourbon devait jeter l’éponge, submergé par une douleur perfide au pied. Tout a toujours été très vite avec le crack. Un constat qui revient plus vrai que jamais. Ces dernières semaines, Face Time Bourbon est partout. Star des ventes, père du vainqueur du Critérium des 3 Ans Krack Time Atout : impossible de ne pas parler et d’entendre parler de lui. Face Time Bourbon, c’est la vie devant soi, et toujours à très grande vitesse.

Il y a une vie après les courses. Le coup de tonnerre et l’éclair qui avaient déchiré les cieux du trot le 24 janvier 2022 seraient-ils déjà oubliés ? La fin de carrière de Face Time Bourbon (Ready Cash) ne serait-elle plus qu'un simple événement classé ? En quelques heures, il y a dix-huit mois, la mise à la retraite forcée du crack avait fait découvrir à beaucoup un mot abscons : naviculaire. Le nom du petit os du pied, à l’origine des douleurs coupables qui avaient terrassé le futur sportif du crack. Et tout se précipite depuis cet été. La mort de Ready Cash (Indy de Vive), le père sanctifié, a joué le rôle du battement d’ailes du papillon qui bouleverse l’ordre du monde. Cet effet papillon devient effet domino pour Face Time Bourbon. Il s’est imposé comme la valeur refuge sur les rings des ventes, désigné par le marché comme le fils élu pour succéder à son père dans le rôle de numéro 1 des étalons. Les spéculations des investisseurs se voient immédiatement validées sur les pistes avec le sacre de Krack Time Atout (Face Time Bourbon), le 17 septembre, dans le Critérium des 3 Ans (Gr.1). Incroyable concordance des temps.

Un enchaînement parfait dans une histoire accélérée
L’histoire du moment est donc celle, sans réserve, du succès pour Face Time Bourbon. Une success story orchestrée aussi par son entourage qui a d’abord dû gérer la transition courses/haras de manière définitive du crack. Thomas Bernereau, courtier et responsable de la syndication de Face Time Bourbon, nous rappelle : "L’arrêt brutal de carrière du cheval a choqué un peu tout le monde d’autant plus qu'il était favori du Prix d’Amérique qui arrivait. Il a fallu digérer cette fin de carrière sportive. Sa carrière d’étalon avait alors déjà débuté avec des premiers foals déjà nés. On voit au fur et à mesure du temps que sa production s’affirme. Le cheval était un champion en piste avec un pedigree hors normes et, au haras, il s’affirme comme un étalon majeur."

La question du temps
En dix-huit mois, il y a pourtant eu des moments de doute ou, du moins, de flottements, dans la confiance des éleveurs à l’égard du crack. Thomas Bernereau nous confie : "Il faut d’abord signaler que Face Time Bourbon a sailli, dès le début, une très bonne jumenterie. Ses produits ont révélé tout de suite beaucoup de fond et de classe mais pas forcément de la précocité. Il faut encore lui laisser le temps de s’affirmer mais les échos sont très bons." Avec Krack Time Atout en vainqueur de Critérium des 3 Ans (Gr.1) et plusieurs éléments avec des titres semi-classiques ou de Groupe (Kompostel, Kaporal des Forges, Killer Queen) au sein de sa première production, les échos sont même devenus des trompettes de la renommée. Un sentiment relayé par Thomas Bernereau : "On est dans la bonne dynamique avec des gagnants presque tous les jours. Maintenant que Face Time Bourbon a suffisamment de densité de production en piste, on peut commencer à vraiment le juger comme étalon."


La précocité en question
S’il est un professionnel particulièrement écouté au sujet de Face Time Bourbon, c’est évidemment Sébastien Guarato. L’ex entraîneur du crack dispose dans ses boxes de nombreux produits et peut porter une sorte de jugement comparatif ou de filiation. Thomas Bernereau nous fait ici le porte-parole de l’entraîneur : "Sébastien a toujours dit que les produits de Face Time Bourbon n’étaient pas précoces, à l’image de leur père. Il faut rappeler que Face Time Bourbon, s’il a couru et gagné à 2 ans, s’est vraiment affirmé à 3 et 4 ans. Ses produits ont l’air d’être pareils. À propos de Krack Time Atout par exemple, il avait annoncé l’an dernier (en 2022) quand le cheval avait 2 ans : "C’est un super cheval qui monte bien les côtes mais qui n’est pas encore soudé." Krack Time Atout a couru à 2 ans pour apprendre son métier et s’endurcir. Il n’est arrivé à maturité qu’au printemps de ses 3 ans. Avec lui, Sébastien pensait d'ailleurs remporter la dernière épreuve qualificative au Critérium des 3 Ans mais le poulain s’y est montré fautif."



2022 ou la fameuse année 2
Sur le marché des ventes de yearlings, la loi des tout premiers résultats et des "bruits" est capable de faire ou défaire n’importe quel étalon. L’année 2 sur les places de ventes publiques, qui correspond aux prestations des premiers 2 ans, est souvent critique pour un étalon. Face Time Bourbon n’a pas échappé à la règle en 2022 (avec l’entrée en scène de sa deuxième promotion) comme le confirme Thomas Bernereau : "L’an dernier, les gens étaient un peu fébriles avec certains porteurs de parts qui vendaient leurs saillies. Cette année, presque personne ne veut vendre sa saillie ou alors le prix de celle-ci s’envole." Un renversement de tendance qui se concrétise dans les indicateurs réalisés par les produits de Face Time Bourbon sur le marché des yearlings, le plus significatif en la matière. 2022 a été l’année la plus timide, avec une attractivité moindre des lots estampillés Face Time Bourbon. Cette année, en revanche, il a établi des scores très élevés. Ses yearlings sur la place deauvillaise (seul catalogue qui a proposé des lots de Face Time Bourbon - ceux du book d'Auctav étant absents) ont dépassé le prix moyen de 100.000 €.
➤ Année 2021
▪️ 23 présentés | ▪️ 14 vendus
▪️ Top : 170.000 € | ▪️ Prix moyen : 70.368 €
➤ Année 2022
▪️ 16 présentés | ▪️ 12 vendus
▪️ Top : 125.000 € | ▪️ Prix moyen : 50.079 €
➤ Année 2023
▪️ 24 présentés | ▪️ 18 vendus
▪️ Top : 240.000 € | ▪️ Prix moyen : 102.791 €

Un choix sur le temps long en privilégiant les éleveurs
Si les dix-huit mois depuis la disparition des programmes de courses de Face Time Bourbon peuvent s’apparenter à la réussite transformée de son lancement au haras (il lui faut maintenant confirmer sur le temps long), ils sont aussi le fruit d’un choix initial de l’entourage du champion. L’idée a été "profiler" les acheteurs de part(s) pour favoriser les éleveurs et non les purs spéculateurs. Une sorte de casting initial, établi en 2018 et 2019, qui peut expliquer le soutien des éleveurs, qui lui présentent leurs meilleures juments. Thomas Bernereau détaille ici : "On essaie de faire en sorte de valoriser l’étalon en vendant les saillies à des éleveurs avec de bonnes origines. En fait, il y a très peu de saillies sur le marché actuellement car lorsque nous l’avons syndiqué, nous avions déjà ciblé les éleveurs français. Nous avions sélectionné 70 éleveurs, ce qui fait que ces gens-là utilisent leur(s) saillies pour leur propre compte. Il reste très peu de saillies sur le marché qui se vendent désormais entre 30.000 € et 35.000 € à la réservation."

La concorde parfaite
On peut parler d’un état de grâce aujourd’hui autour de Face Time Bourbon dans lequel chacun s’y retrouve, acheteurs, exploitants comme vendeurs. Voilà le crack projeté en étalon qui donne satisfaction à ceux qui le soutiennent autant par les résultats en courses de sa production que par ceux des ventes. Une forme de concorde parfaite.