Le girl power s'empare du plus ancien classique

L'édition 2023 du Saint-Léger des Trotteurs (Gr.1) ouvre une nouvelle ère. Le plus ancien classique du calendrier a été remporté pour la première fois par une femme, Camille Levesque, et consacre la domination de quatre pouliches. Une version "Girl power" s'est donc emparée d'un symbole de notre programme. Mais ce vent de fraîcheur et de nouveauté ne s'arrête pas là. La victoire de Kandora Bella offre une première victoire dans l'épreuve à la casaque historique de la famille Levesque, ici dans sa déclinaison rattachée à Thomas. Elle marque aussi une première pour Rémi Boucret. L'éleveur sarthois des Bello et Bella connaît (enfin) sa première grande citation classique.

Des mots fusent à l'arrivée du Saint-Léger des Trotteurs (Gr.1). On entend famille, fidélité et courage. Famille, c'est pour la famille Levesque, évidemment. Fidélité pour la longue histoire qui unit les Levesque à l'éleveur Rémi Boucret. Et courage pour l'engagement absolu de Kandora Bella (Prodigious), une gagnante au format de poche, haute de 1,48 mètre. Avec la fille de Prodigious (Goetmals Wood), Thomas et Camille Levesque sont réunis pour la deuxième fois sur la plus haute marche d'un podium de Groupe 1, quatre ans après la victoire de Dexter Fromentro (Qwerty) dans le Prix de l'Île-de-France (Gr.1). Mais il s'agit plutôt d'une première dès lors que la pouliche porte cette fois les couleurs de Thomas. Dexter Fromentro défendait en effet la casaque du père, celle de Pierre Levesque, sous l'ombre tutélaire duquel la victoire avait été signée. Ce goût de première est bien celui qui prime dans la réaction de Camille Levesque qui nous confie : "C’est mon troisième Groupe 1 et je suis peut-être encore plus contente de gagner pour Thomas car il est en devenir. Ce sont ses premières belles victoires et je suis contente d’être avec lui pour partager ces moments."
Une première pour la famille Levesque dans le Saint-Léger
Avec ce succès, c'est l'apparition au palmarès du plus ancien classique du programme français d'une de ses fameuses casaques historiques. Père de Camille et Thomas, Pierre Levesque n'a rien manqué du sacre et nous confirme : "C'est une première pour notre casaque (N.D.L.R. : jaune et croix de lorraine noire). J'ai dû courir l'épreuve comme jockey mais pas tant de fois que cela. C'est une course qui ne rentrait pas dans notre style d'entraînement avec des chevaux que nous préparions plutôt pour la fin d'année de 3 ans et le Prix de Vincennes par exemple. Surtout que le Saint-Léger était encore tout récemment plus tôt dans l'année, au mois de mai. Thomas change beaucoup de choses dans ses façons de faire et essaie beaucoup de chevaux par exemple. Avec cette toute petite pouliche, il a eu raison de l'exploiter de bonne heure. Sans doute que nos origines Levesque sont moins précoces."

La course de la gagnante en immersion par Camille Levesque
Première femme au palmarès du Saint-Léger des Trotteurs, Camille Levesque nous a débriefé la manière dont elle abordait l'épreuve et comment elle a vécu la course : "En plus d’être petite, Kandora Bella est toute fine. Elle pourrait être plus ronde mais ce n’est pas le cas. Elle n’a pas d’épaule, ni de fesse. Elle est vraiment toute petite. On se demande même comment elle peut porter l’homme. C’en est même assez impressionnant. Ça va que je peux la monter à 58 kilos car je la monte à 58 pille, ça joue. Pour elle, c’est mieux. Elle est généreuse. Elle est incroyable surtout qu’on la pensait un peu défraîchie. Thomas n’était pas très confiant. J’étais dans le même état d’esprit mais, au heat, elle était pareille que d’habitude. Je l’ai montée comme si j’avais une seconde chance. À la limite, elle est presque mieux partie que d’habitude. Je l’ai montée en me faufilant. À la sortie du dernier tournant, quand je suis derrière les trois premiers, je sens que je vais gagner car j’en ai plein les mains. Une fois qu’elle a pris l’avantage, elle s’est un tout petit peu reprise car je pense qu’elle commençait à être fatiguée mais elle a été jusqu’au poteau car elle est généreuse."

D'où vient-elle ?

Son nom ne laisse pas de doute. Kandora Bella porte la signature du sarthois Rémi Boucret (les "Bello" et "Bella"). Deuxième produit de Doriana Bella 1'18 (Ready Cash), placée, elle a pour bisaïeule la matrone Enfilade 1'19 (Tarass Boulba), à l'origine directe d'Offshore Dream (Rêve d'Udon), double vainqueur du Prix d'Amérique sous la responsabilité de Pierre Levesque, et de Tornado Bello (Jag de Bellouet), millionnaire en euros, lui aussi confié à la famille Levesque.

		Goetmals Wood 1'11''9	And Arifant 1'16''5
	Prodigious 1'11''1		Tahitienne
		Imagine d'Odyssee	Buvetier d'Aunou (US) 1'14''4
KANDORA BELLA			Battante d'Odyssee 1'23''3
		Ready Cash 1'10''3	Indy de Vive 1'11''9
	Doriana Bella 1'18''9		Kidea 1'18''2
		Sylviana Bella 1'12''8	Love You 1'10''2
			Enfilade 1'19''4

L’exceptionnelle année de Thomas Levesque
Avec successivement Kyt Kat et Kandora Bella, Thomas Levesque a remporté les deux Groupes 1 montés du programme des 3 ans à ce jour. Il savoure cette réussite : "C’est magnifique de gagner un deuxième Groupe 1 cette année. La jument le mérite car elle met son cœur sur la piste. Je ne la pensais pas assez bien pour gagner. À l’entraînement, elle paraissait un peu fatiguée. Mais elle a un cœur plus gros qu’elle et c’est ça qui fait la différence, avec la belle monte de Camille. Ce sont des moments dont il faut profiter. Je sais que toutes les années ne seront pas comme celles-ci, avec deux Groupes 1 et une écurie qui tourne. On a trois fers de lance, ce qui change une écurie. C’est ma casaque mais je le vis comme celui de Kyt Kat. Je considère mes pensionnaires comme mes chevaux, qu’ils appartiennent ou pas à des propriétaires."


Les réactions des placées
■ Marc Sassier, entraîneur de Kaléda Géma (2e) : "Elle était au top aujourd'hui. J'ai changé ma façon de faire avec elle. Au printemps, je l'avais travaillée très dur pour le Prix d'Essai et elle n'avait été convaincante. Cette fois, je lui avais laissé beaucoup de fraîcheur, tout en travaillant évidemment. Elle s'est montrée extrêmement courageuse pour finir car les autres hormis la gagnante, n'ont pas refait de terrain sur elle dans le final. Nous n'avons vraiment aucun regret."
■ Guillaume Lenain, jockey et copropriétaire de Kyrielle des Vaux (3e) : "Je suis ravi de sa performance surtout qu’il s’agissait d’une vraie rentrée. En face où il y a eu un coup de tampon, je suis contraint de venir car elle s’est mise en route un peu trop tôt. Mais j’ai préféré y aller que de la contrarier. Je pense que cela lui coûte la deuxième place. Avec une course de rentrée, elle aurait peut-être même lutté pour la victoire. De plus, ce n’est pas la vraie droitière. Je la découvrais aussi et elle n’est pas très évidente avant le coup."

Le favori battu
Après avoir été relayé par Kifil de Bussy (Boccador de Simm) en tête de course, Kyt Kat a tenté de sortir des rangs après la marque du dernier kilomètre et s'est très vite éteint dans le dernier tournant. Thomas Levesque nous a partagé sa déception, tout en expliquant : "Avec Kyt Kat, je n’ai pas mon cheval du printemps. Il travaillait bien mais sa course précédente était moyenne et, aujourd’hui (samedi), sa performance est catastrophique car il est battu de bonne heure. Le Prix d’Essai a été une course très dure, peut-être qu’il faut lui laisser encore plus de temps."