Jalna Robsons, la jument du supporter numéro un

En ce dimanche de gala à Vincennes avec ses trois Groupes 1 dans la spécialité de l’Étrier, Jalna Robsons fait figure si ce n’est de Petit Poucet en tout cas d’invitée de dernière minute au départ du Prix Jag de Bellouet - Cornulier Race Q#1. La jument qui vient de signer ses deux premières victoires à Vincennes dans des prix de série s’attaque à très forte partie face aux meilleurs de sa génération emmenés par Je M’Envole. Une ascension qui en fait l’une des belles et inattendues histoires de l’hiver, d’autant qu’elle court sous les couleurs de Stéphane Maignan, le premier supporter de l’écurie de Marc Sassier, et que Gaëlle Godard, sa partenaire, est aussi associée sur la propriété de cette jument au parcours atypique.

En proposant au personnel de son écurie de prendre une part d’une pouliche repérée dans un lot de qualifications à Laval qu’il remportait avec Jarida Géma (Dragon des Racques), Marc Sassier ne pouvait imaginer qu’un an et neuf mois plus tard Jalna Robsons, la femelle en question, serait au départ d’un Groupe 1. "C’est la première fois que je faisais ça", ne regrette surtout pas le professionnel mayennais. "Comme j’aimais bien ma pouliche, j’avais demandé à Hubert Combot si la sienne était à vendre, raconte-t-il pour expliquer son intérêt pour cette fille de Vanishing Point qui avait terminé deuxième de son lot. Deux jours après, il est venu à l’écurie pour que je l’essaye. Ce qui m’a plu, c’est qu’elle allait plus vite au troisième heat qu’au premier. Elle était compliquée mais on sentait un moteur. On a fait affaire." Le jour de cet essai, Gaëlle Godard est sollicitée pour faire un test au monté. "Elle m’avait bien plu et j’ai dit oui pour prendre une part", se souvient la jeune femme.

Dans sa démarche d’associer les membres de son écurie, Marc Sassier pense aussi à Stéphane Maignan. Tous ceux qui suivent les "Sassier" connaissent la silhouette de ce cinquantenaire, à tel point d'ailleurs que l'intéressé confie dans un grand sourire : "Tout le monde croit que je suis salarié de l’écurie !". Il n'en est pourtant rien. L'homme est magasinier dans une usine de remorques aux portes de Laval. Mais il consacre son temps libre à l'écurie mayennaise, entre autres pour conduire les camions à travers toute la France.
"Je le connais depuis que je suis tout petit. Bien souvent, c’est lui qui m’emmenait aux courses quand j’étais apprenti, se souvient Marc Sassier. C’est un ami de la famille, un vrai passionné." Cela fait une bonne trentaine d'années que Stéphane Maignan est en effet aux côtés des "Dreux-Sassier", un vrai supporter guidé seulement par sa passion. "Ce qui me plaît, c’est d’être avec les chevaux, avance-t-il tout simplement. Depuis que je suis tout petit, j’ai baigné dans ce milieu. Un jour, Jean-Louis Beillard, qui travaillait pour la famille Dreux, m’a proposé de l’accompagner aux courses. Depuis, je n’ai plus arrêté."
En évoluant dans cet univers depuis aussi longtemps et en étant autant passionné, Stéphane Maignan a été amené, presque forcément, à avoir des "bouts" de chevaux. Mais l'expérience avec des poulains n'avait pas été concluante. "Je n’en voulais plus", dit-il. Mais alors pourquoi avoir dit oui à la proposition de Marc Sassier pour Jalna Robsons ? "Parce que je fais confiance à Marc tout simplement, alors que je n'avais même pas vu la pouliche !", répond-il spontanément. L'histoire est en route et va connaître plusieurs chapitres qui vont mener son entourage - Marie-Annick Dreux fait aussi partie des associés - par bien des étapes. La première va mener la pouliche élevée dans l'Eure par la famille Robin (SCEA de la Moissandière) jusque dans le Sud-Est, chez Jean Uroz, qui travaille régulièrement avec la famille Dreux. Et qui assure alors son transport ? Stéphane Maignan bien sûr ! "Quand je l'ai descendue à Lyon pour que Jean Uroz la récupère, c'était la première fois que je la voyais !",



Le travail de l'entraîneur de Velleron va se révéler déterminant car la demoiselle qu'il récupère au printemps de ses 3 ans a du tempérament. "Jean a fait du super boulot et a même réussi à la faire gagner à l’attelé lors d'une réunion Premium à Cagnes-sur-Mer", se montre reconnaissant Marc Sassier chez qui Jalna Robsons est de retour à la fin de l'hiver 2022-2023. S'il en est un autre qui salue le travail de l'entraîneur du Vaucluse, c'est bien Stéphane Maignan. C'est en effet grâce à Jean Uroz que sa casaque marron, en référence bien sûr à celle de la famille Dreux (on n'est pas supporter pour rien !), et vert, la couleur d'Ahuillé, sa ville aux portes de Laval, remporte sa première course. "À 50 ans, je voulais avoir mes couleurs et c'est ce qui s'est passé, se réjouit-il. C’est pourquoi j'avais demandé à Marc, Marie-Annick et Gaëlle que la pouliche courre sous mes couleurs, ce dont je les remercie." Il était loin d'imaginer la suite.



La suite de la carrière de Jalna Robsons passe par ses débuts sous la selle ponctués par une troisième place à Enghien au mois de mars avant l'apothéose de cet hiver. Deux courses dans des prix de série sur le parcours classique de Vincennes, deux victoires dont la dernière en 1'12''6. "C’est une jument qui a du tempérament. Elle a un gros moteur. Vanishing Point, comme son père Ludo de Castelle, étaient des chevaux montés, des chevaux durs, des caractéristiques dont elle a hérité, disait Marc Sassier entre les deux dernières courses de son élève. Elle travaille à 90 % à l’attelé en ligne droite et on la monte pour la canaliser."
Après s'être assuré qu'elle avait parfaitement récupéré de ses derniers efforts (elle court à huit jours), l'entraîneur mayennais a validé jeudi la présence de la jument sur la ligne de départ du Prix Jag de Bellouet - Cornulier Races Q#1 dimanche. "Quelqu'un m’aurait dit ça il y a an, je l’aurais sûrement pris pour un fou, réagit Stéphane Maignan qui sera au volant dimanche pour conduire sa jument avec Marc Sassier. Courir à Vincennes, c’était déjà beau. Alors gagner deux fois de suite, vous imaginez. Et maintenant, courir un Groupe I... Mais le dicton ne dit-il pas jamais deux sans trois ? Pour faire comprendre à ma famille et à mes amis qui ne sont pas du milieu, je compare ses deux dernières victoires à des matches de foot de niveau national et dimanche elle joue la phase finale de la Coupe du Monde ! La finale, c'est le Prix de Cornulier !"