Stéphane Levoy et Halfa se lancent dans le grand bain

Ils endosseront dimanche, dans le Prix du Calvados - Cornulier Races Q3 (Gr.2), l'habit du "petit poucet". Stéphane Levoy présente Halfa pour la première fois dans le cénacle du haut niveau, labellisé par l'estampille Groupe 2 collée à la course. La jument de 7 ans, confiée à son fidèle partenaire Alan Gendrot, est dans la forme de sa vie et reste sur deux succès. Habitués aux bains de mer, puisque les plages normandes sont les lieux d'exercice de Stéphane Levoy, l'entraîneur et sa représentante se lancent dans le grand bain dimanche.

Son nom est inextricablement lié, comme par un fil invisible, à l’illustre patronyme trotteur Viel. Il faut dire que Stéphane Levoy déroule une longue carrière au service de Paul Viel, auprès duquel il sera resté trente-huit ans. Installé à Coudray-Rabut, tout près de Pont-l’Evêque, sur un site voisin du haras et de l’ex centre d’entraînement de Paul Viel, désormais propriété de Benjamin Goetz, Stéphane Levoy porte deux casquettes : celles d’entraîneur et d’éleveur. Il exerce le tout sur un site d’une vingtaine d’hectares... sans piste d’entraînement (à découvrir dans notre entretien). Formé à l’école de Graignes, apprenti chez Roger Ledoyen (où il est entré l'année de débourrage des "P" comprenant un certain Podosis) puis deux ans chez Roland Dersoir ("qui m’a mis le pied à l’étrier pour courir et était très respectueux du personnel", nous confie Stéphane Levoy), il entre en 1985 chez Paul Viel. Il y restera jusqu’à la cessation de ce dernier. Des cinq pensionnaires dont il a actuellement la charge, trois sont des juments (trois sœurs qui plus est) en provenance de son ancien employeur, dont Halfa (Offshore Dream), la vedette de l’écurie, en lice dimanche dans le Prix du Calvados - Cornulier Races Q3 (Gr.2). "Quand Paul Viel a arrêté, il ne restait plus beaucoup de chevaux mais j’ai pu en récupérer certains en location dont Halfa, relate le professionnel. C’est une jument qui s’est beaucoup améliorée avec l’âge."
Comme pilote, Stéphane Levoy a remporté de belles courses associé notamment à quelques grandes figures "Viel" comme Kuza Viva (Prix du Plateau de Gravelle, Charles Tiercelin, Queila Gédé), Lana Svelte (Prix de la Marne, de Bar-le-Duc) ou bien Elivagar (3ème du Prix René Ballière). Son nom apparaît toujours dans la colonne des drivers, pour son propre compte. Il tournera bientôt cette page, comme celle de l’entraînement d’ailleurs. À 57 ans, il évoque à demi-mots la fin proche de son activité "compétition". "J'ai encore envie mais le corps commence à avoir mal, conséquence de mes différents accidents dont deux graves chutes en course."
24h au Trot.- C’est un peu une surprise de découvrir Halfa au départ du Prix du Calvados. Elle ne s’est encore jamais frottée à cette catégorie de chevaux – les meilleurs pour faire court. Qu’est ce qui vous a motivé pour tenter ce pari ?
Stéphane Levoy.- Elle est d’abord en très grande condition comme le prouvent ses deux récents succès. Et je n’ai pas tant le choix des engagements avec elle sachant qu’elle est hors distance sur 2.175 mètres. Elle disposait d’une course la veille (N.D.L.R. : le Prix de Sully ce samedi) mais ce n’est vraiment pas son truc. Et il y a encore le fait qu’il n’y a pas beaucoup de partants dans le Calvados. Halfa est vraiment sur la montante actuellement et je trouve que c’est le bon moment pour essayer. Elle est encore revenue de son travail à la mer ce matin (lire jeudi) avec beaucoup de gaieté et d’envie. Elle est très joueuse au paddock. De toute façon, Alan (Gendrot, son jockey) est quelqu’un qui réfléchit. S’il voit que c’est trop dur, il n’insistera pas et ne lui fera pas mal.

Vous vous êtes donné un objectif pour cette tentative ?
Pas vraiment. Je veux qu’elle fasse une belle course. C’est une sorte de test. Elle n’est pas du même niveau que ses adversaires, n’a pas la même classe, mais est tellement courageuse qu’elle est peut-être capable de surprendre. Avant le coup, si vous me dites qu’elle est cinquième, je signe.

Vous surprend elle lors de ce meeting ?
Pas vraiment. Cela fait quatre mois que je prépare le meeting avec elle. J’avais vu, avec son jockey Alan (Gendrot), qu’elle avait deux ou trois belles courses contre les seules femelles. Je l’ai travaillée plus intensément ces derniers temps. J’ai accentué son travail et elle l’a bien accepté. Elle a bon caractère et progresse aussi d’elle-même avec l’âge.

Scénario fiction : si Halfa venait à monter sur le podium et recevait dès lors une invitation pour le Prix de Cornulier, vous laisseriez-vous tenter ?
On n’en est pas là. Il faudra voir comment elle récupérera. Même si elle est qualifiée, je ne suis pas sûr de la présenter dans le Cornulier. Je sais ce qu’elle est capable de faire et elle a encore une bonne année à réaliser. À la fin du mois de mars et début avril, elle a encore plusieurs belles courses. Vu son état de forme, je ne voulais pas l’arrêter. Je profite aussi du fait qu’il n’y ait pas trop de partants dans le Calvados pour nous faire plaisir, sans prendre la place de quelqu’un.

Comment travaillez-vous ?
Quand Paul Viel a arrêté, j’avais trouvé une solution de location de boxes mais cela ne m’a pas convenu. Je suis donc revenu chez moi où je n’ai pas de piste. J’ai alors procédé à un tri et n’ai conservé que quelques chevaux à l’entraînement. J’en ai actuellement cinq. Il faut savoir que je travaille mes chevaux uniquement à la mer et sur l’hippodrome de Lisieux. Je suis à dix minutes de la plage de Deauville et quinze minutes de Lisieux. La mer est une chance. Il ne faut pas en abuser, surtout l’hiver à cause du vent et du froid, mais cela change les chevaux. Ils prennent un moral d’acier. Il faut maintenant ajouter que j’ai 57 ans et que je vais de plus en plus lever le pied côté entraînement. Je suis seul et, si on ajoute le travail associé aux poulinières, je ne peux aller au-delà de ce petit effectif. Cela me convient parfaitement et je ne regrette rien de ce choix.

Le label de l’élevage maison, "de Simm", renvoie aux initiales des prénoms des quatre membres de la famille Levoy : "S", comme Stéphane, le père ; "I", comme Isabelle, la mère, puis double "M", comme Marie et Mathilde, les deux filles. Là encore, comme pour l’entraînement, la maîtrise de l’effectif est consubstantiel de la réussite. "J’ai cinq poulinières et j’essaie d’avoir quatre juments pleines", nous apprend Stéphane Levoy. Agissant déjà, et de plus en plus, en qualité d’éleveur-vendeur, le professionnel peut compter sur un important réseau d’acheteurs, incluant notamment Philippe Allaire.
L’élevage est bâti sur des fondations "Viel" avec Poupée Charmeuse 1’14 (Hêtre Vert) en tête de gondole, la mère de la star de l’élevage Boccador de Simm 1’12 (Rieussec) et de Guérilla de Simm 1’13 (Brillantissime). L’éleveur développe sur ce sujet : "J’avais l’avantage de connaître les papiers de la famille Viel de l’intérieur. Quand j’ai eu l’opportunité d’acheter Poupée Charmeuse aux ventes de Caen, alors qu’elle était foal, présentée par Jean-Pierre René, un éleveur de la Manche, j’ai saisi l’occasion. Le plan était d’en faire une mère et cela a fonctionné. Quant à Après La Pluie (Gai Brillant), je l’ai achetée directement à Paul Viel." Après avoir vendu la fille d’Après La Pluie, Hinaya de Simm 1’12 (Boccador de Simm), Stéphane Levoy l’a rachetée pour l’élevage. La famille est vivante. Pour preuve, le 4 ans Kingsland de Simm 1’14 (Charly du Noyer) vient de s’imposer à Cagnes-sur-Mer mardi 2 janvier.
Même dans les achats extérieurs de Stéphane Levoy, l’empreinte Viel n’est pas loin. "J’ai achetée Divine Lignée (Ready Cash) lors d’une vente publique à l’Ecurie des Charmes parce qu’elle descend de la lignée d’Idylle Charmeuse 1’16 (Valmont). Je l’ai acquise pleine de Doberman (Prodigious), ce qui m’a donné Katchina de Simm 1’12. L'idée était de la croiser à Boccador de Simm." Les produits suivants (Laya, Matador, Narrateur de Simm) , tous par Boccador (dont Stéphane Levoy a encore des parts), présentent dès lors un inbreeding 5x4 sur la matrone Viel.
Abordons le champ des dix partants du Prix du Calvados - Cornulier Races Q3 (Gr.2) selon différentes catégories. En commençant par celle qui réunit, à coup sûr, les arguments les plus percutants pour décrocher le titre : la jeunesse.

Les "I" candidats au pouvoir
Deux 6 ans sont au départ. Idéale du Chêne (Bird Parker) et Inshore (Réal de Lou) sont de sérieux clients et portent avec eux l'audace de la jeunesse. La première est irréprochable et n'a trouvé qu'une autre championne de sa trempe, Ina du Rib (Uhlan du Val), pour la précéder dernièrement dans le Prix Bilibili - Cornulier Races Q2 (Gr.1). Elle sera la seule partante, ce dimanche, à proposer deux Groupes 1 montés à son palmarès. Un signe, ajouté aux autres, qui ne trompe pas et qui en fait la légitime favorite.
Sujet doué mais inconstant, Inshore vient de prouver lors de son retour dans sa discipline de prédilection, avec la cinquième place du Prix Bilibili - Cornulier Races Q2 (Gr.1), qu'il était de nouveau compétitif. Ce concurrent dur quand il est au mieux a une belle carte à jouer dans la perspective d'une participation au Prix de Cornulier (Gr.1), le 21 janvier. Pour lui, décrocher l'une des trois places prioritaires au départ de la grande finale, distribuées au trois premiers de cette épreuve qualificative des Cornulier Races, ne serait pas un luxe compte tenu de ses gains à hauteur de 300.000 €.

Les juments des seconds rangs
Alors même qu'elles déroulent des titres de premier plan, Hirondelle du Rib (Rolling d'Héripré), Happy And Lucky (Ready Cash) et Dynasty Péji (Prodigious) ont pour point commun d'être vouées aux seconds rôles ces derniers mois. Peuvent-elles cette fois contredire ce constat ? Dans cette hypothèse, c'est Happy And Lucky qui a montré les meilleures dispositions récentes.

Les italiens dans le rôle d'épices
Le retour de Vaprio (Adrian Chip) sous la selle, en France, est l'une des attractions de l'épreuve. Il a conclu successivement quatrième et deuxième des Prix de Cornulier (Gr.1) et de l'Île-de-France (Gr.1) lors du précédent meeting. Quelles différences par rapport à 2023 ? Il a désormais 10 ans et entrait dans le meeting parisien avec une victoire dans un Groupe 3 à Syracuse il y a un an. Comparativement, il n'a conclu que cinquième du même Groupe 3 en décembre. Quant à la 7 ans Blackflash Bar (Oropuro Bar), également sous l'entraînement d'Alessandro Gocciadoro, elle fait figure de candidate de classe de l'épreuve. Dotée d'un pur profil classique et titulaire de quatre Groupes 1 à l'attelé en Italie, à 3 et 4 ans, elle n'a plus le même brio désormais. Troisième dernièrement du Gran Premio Royal Mares (Gr.1), elle effectuera ses débuts avec l'ambition de relancer sa carrière. On peut parler de véritable pari dans son cas.

Les valeurs montantes
Candidates les moins riches de l'épreuve et néophytes au niveau Groupe, Halfa (Offshore Dream) et Gold Voice (Jag de Bellouet) affichent une forme exemplaire. Un point d'ailleurs qui participe à la décision de leur entourage de les présenter ici (lire à ce sujet l'interview de Stéphane Levoy pour Halfa). Auteure de bons débuts sous la selle en dernier lieu, sur la distance de 2.175 mètres, Gold Voice sera plus à son affaire sur les 2.850 mètres et intéressante à suivre à ce niveau.

Les juments en force

Alors que les deux dernières éditions du Prix du Calvados - Cornulier Races Q3 (Gr.2) ont été remportées par une même et seule jument, Fantaisie (Un Mec d'Héripré), les juments seront, une nouvelle fois, bien armées pour poursuivre leur (récente) mainmise sur le palmarès. Elles sont huit au départ, sur les dix partants, et concentre en leurs rangs la probable favorite en Idéale du Chêne.