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Jean Cottin
Actualité - 19.01.2024

Jean Cottin : des vies à entreprendre

Flamme du Goutier 1’09’’ (Ready Cash), son élève et représentante, est en lice, dimanche, pour un historique coup de trois dans le Prix de Cornulier. Un triplé jamais réalisé et même jamais tenté par une jument (N.D.L.R. : voir, à ce sujet, notre édition datée de mercredi). Cela va très bien à Jean Cottin, un homme de challenge s’il en est, un homme d’affaires qui s’est fait homme de cheval, un chef d’entreprise qui a découvert tard le monde des courses et de l’élevage, mais qui a eu tôt fait de l’apprivoiser, jusqu’à le décliner non seulement au trot, mais en plat et en obstacle. A la « Jean-Pierre Dubois », somme toute, ou à la « Daniel Wildenstein », au choix. Gros plan sur un homme à plusieurs vies, avec pour credo une même passion de la qualité et de l’excellence.

Jean Cottin est, maintenant, presque nonagénaire, mais il n’a pas l’âge de ses artères. Comme il aime à le dire, « en matière d’élevage, ce qui compte, ce n’est pas aujourd’hui, ni hier, mais demain, et c’est là tout l’attrait. » L’homme a tout compris et c’est, sans doute, parce qu’il raisonne ainsi, parce qu’il se projette, toujours, dans l’avenir, que celui-ci lui sourit.

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Jean Cottin

Gabin-Cottin : d’un Jean à l’autre, il n’y a qu’un pas…

Rien ne prédisposait, vraiment, Jean Cottin à devenir éleveur de chevaux de course. Il n’est pas né dans le sérail et sa vie professionnelle a été celle d’un chef d’entreprise, moderne et d’envergure, ayant eu jusqu’à neuf cents salariés, que ce soit en France ou à l’étranger, dans le domaine du bâtiment. Cela, c’était hier. Aujourd’hui, c’est l’élevage des chevaux, tout spécialement des trotteurs, qui est son moteur et, plus encore, sa vie. Originaire de la région parisienne, notre homme n’en puise pas moins ses racines en Normandie, dans le département de l’Orne, où ses parents achetèrent une petite ferme, l’année de sa naissance, en 1934. C’est là qu’il passa ses vacances d’enfant, au milieu des chevaux de trait et autres animaux. Il en fut à tout jamais marqué et adopta, dans son cœur, la région, le Pays d’Ouche, et l’endroit, baptisé « Le Goutier », dont il devait tirer, plus tard, l’appellation de ses élèves. Quant aux Bissons, qui ont donné leur nom à la structure d’élevage, c’est celui d’une ferme avoisinante, acquise en complément du Goutier, alors que le vocable désignant l’écurie de course, à savoir Saint-Martin, se réfère à l’ancienne commune locale de Saint-Martin-des-Aspres, devenue ensuite Les Aspres. Nous sommes là au pays de L’Aigle et de Moulins-la-Marche, à proximité de l’endroit où l’acteur Jean Gabin s’essaya lui-même, jadis, non sans réussite, tant à l’élevage de trot que de galop. D’un Jean à l’autre, il n’y a qu’un pas…

Un homme d’affaires devenu homme de cheval

"Si j’ai fait cela, c’est en souvenir de mon enfance, de mes parents et par amour pour cette terre à laquelle je suis viscéralement attaché." De la sorte, Jean Cottin s’est senti comme une vocation et il a pris les choses à bras-le-corps, selon une habitude qui est la sienne. D’homme d’affaires, il est devenu homme de cheval, l’un n’excluant pas l’autre du reste, en un parcours comme initiatique, celui d’un businessman en quête de ruralité. Et comme il s’y est bien pris ! En un quart de siècle, il a atteint les sommets, au trot, sa discipline d’élection, mais également au galop, aussi bien en plat qu’en obstacle (N.D.L.R. : voir, à ce propos, notre encadré). Un éclectisme qui n’est pas sans rappeler celui de Daniel Wildenstein, de Jean-Pierre Dubois, voire, plus lointainement, d’Alec Weisweiller, eux aussi lauréats au plus haut niveau dans les différentes spécialités. Voilà qui n’est pas donné à tout le monde.

À mes débuts, je ne connaissais rien aux chevaux

Jean Cottin était pourtant, initialement, un total néophyte, nous ayant avoué, un jour : "À mes débuts, je ne connaissais rien aux chevaux, ni à l’élevage ; c’est tout juste si j’avais entendu parler d’Une de Mai, c’est vous dire !" Qu’à cela ne tienne, en homme méthodique et de projet qu’il est, patient et persévérant, guidé par ce qu’il appelle lui-même sa passion de la qualité, il s’est bâti, progressivement, un élevage et une écurie de premier plan : "Lorsque j’ai commencé dans la partie, j’ai tout de suite voulu m’inscrire dans la qualité et la durabilité. Une recherche de la qualité qui doit s’effectuer en pratique comme en théorie. En termes d’élevage, cela implique de laisser la plus petite part possible au hasard, sur le terrain, en élevant bien, et, dans les croisements, en les étudiant et les disséquant comme il se doit, afin de les optimiser. Dans le monde de l’entreprise, on parle d’assurance-qualité, avec trois critères : décrire, d’abord, ce qui doit être fait ; faire, ensuite, ce qui a été décrit ; s’assurer, enfin, que cela a été fait. Or, c’est notre devise à l’élevage, tout en sachant qu’il subsiste une part de chance et que le domaine dans lequel nous opérons n’est jamais tout à fait maîtrisé, en particulier sur le plan génétique. Quant à la durabilité, elle suppose de viser à l’équilibre financier ou, du moins, de s’en approcher le plus possible. Même si je suis venu à l’élevage pour le plaisir, je ne peux mettre de côté l’aspect financier. C’est la condition sine qua non pour durer."


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Gérard Patin : l’homme de confiance

On ne se refait pas et, d’une activité à l’autre, Jean Cottin a la même analyse et la même façon de procéder. Cela lui réussit aussi parce qu’il sait s’entourer. A cet égard, Gérard Patin, son bras droit à l’élevage, est un homme clef. C’est lui l’homme de terrain, le responsable de l’Elevage du Pays d’Ouche, l’entité regroupant l’ensemble des sites normands de Jean Cottin, lesquels s’étendent sur quelque deux cents hectares et accueillent une trentaine de poulinières et leurs produits.

Gérard Patin (en photo en bas à droite entre Matthieu Abrivard et Hugues Monthulé) œuvre aux côtés de Jean Cottin depuis, maintenant, près de vingt-cinq ans. Initialement, c’est un homme du galop, puisqu’il a travaillé dix ans au Haras d’Ouilly, du temps de Jean-Luc Lagardère, et dix-huit ans au Haras de la Perrigne, chez Jean-Hugues de Chevigny. Jean Cottin l’a recruté à dessein, d’autant qu’à l’époque, il avait développé, en parallèle, un élevage pur-sang, qui devait lui donner les satisfactions que l’on sait. Gérard Patin s’est donc converti au trot et, éclectique, il s’y est fort bien adapté. Et puis, entre lui et son patron, le courant passe bien et il va de soi que cela a son importance. Tous deux forment ainsi un vrai binôme, un tandem de confiance, perfectionniste à souhait, dans lequel Gérard Patin, s’il est un exécutant, est, plus encore, un consultant.

Thierry Duvaldestin : l’entraîneur de toujours

Même si Jean Cottin a plusieurs entraîneurs, l’histoire dure depuis un moment avec Thierry Duvaldestin. Le mentor de Flamme du Goutier était déjà, en effet, celui d’Onyx du Goutier, qui apporta son premier Groupe 1 à la casaque de l’Ecurie Saint-Martin, en 2005, lorsqu’il s’adjugea feu le Prix de l’Etoile. Le professionnel ornais était même, alors, le driver du fils de Buvetier d’Aunou. Deux décennies plus tard, l’aventure commune continue avec la fille de Ready Cash, qui court pour entrer dans la légende, dimanche, et entraîner avec elle les hommes qui l’ont faite, c’est-à-dire, au premier chef, son propriétaire-éleveur et son entraîneur.




Ses 19 Groupes 1 d’éleveur

◆Les douze succès de Groupe 1, au trot, en tant qu’éleveur, de Jean Cottin, sous la bannière de la S.C.E.A. des Bissons :
● Prix de l’Etoile 2005, Onyx du Goutier.
● Prix d’Essai 2009, Scipion du Goutier.
● Prix des Elites 2009, Scipion du Goutier.
● Prix de Vincennes 2009, Scipion du Goutier.
● Prix des Centaures 2010 et 2011, Scipion du Goutier.
● Prix du Président de la République 2010, Scipion du Goutier.
● Prix de Normandie 2020, Flamme du Goutier.
● Prix de l’Ile-de-France 2021, Flamme du Goutier.
● Prix des Centaures 2021, Flamme du Goutier.
● Prix de Cornulier 2022 et 2023, Flamme du Goutier.
N. B. : cette douzaine de titres a été obtenue avec trois chevaux différents seulement et presque exclusivement au trot monté, Onyx du Goutier étant le seul à s’être imposé au plus haut niveau attelé.

◆Les cinq succès de Groupe 1, en obstacle, en tant qu’éleveur, de Jean Cottin, pour la même entité de la S.C.E.A. des Bissons :
● Prix Cambacérès 2020, Thélème.
● Prix Renaud du Vivier 2021, Thélème.
● Grand Prix d’Automne 2022 et 2023, Thélème.
● Grande Course de Haies d’Auteuil 2023, Thélème.

◆Les deux succès de Groupe 1, en plat, en tant qu’éleveur, de Jean Cottin, via la S.C.E.A. des Bissons, en partenariat, en l’espèce, avec l’Ecurie du Haras du Cadran et la S.A.S. I.E.I. :
● Coronation Stakes 2016 (Royal Ascot), Qemah.
● Prix Rothschild 2016 (Deauville), Qemah.
N. B. : au total, ce sont dix-neuf Groupes 1, toutes spécialités confondues, qui sont tombés dans l’escarcelle d’éleveur de Jean Cottin, depuis moins de vingt ans.

Pour faire le sixième

Si Flamme du Goutier passe le poteau en tête, dimanche, elle offrira donc un troisième Prix de Cornulier à l’Ecurie Saint-Martin. De la sorte, Jean Cottin deviendrait, dans l’histoire de la course, commencée en 1931, le sixième propriétaire à se l’octroyer à trois reprises avec le même cheval. Les cinq ayant effectivement réussi cet exploit, à ce jour, sont :
■ Camille Olry-Roederer, avec Souarus (1946, 1947, 1948)
■ Louis Baudron senior, avec Gardon (1955, 1956, 1958),
■ Maurice Macheret, avec Bellino II (1973, 1975, 1976),
■ Alfred Lefèvre, avec Kaiser Trot (1981, 1982, 1984),
■ et Michel Gallier, avec Jag de Bellouet (2004, 2005, 2006).

Le record général de victoires dans le Prix de Cornulier, toujours dans la colonne des propriétaires, est cependant détenu par la seule Camille Olry-Roederer, qui ajoute, aux trois succès de Souarus, ceux d’Eleagnus (1933), de Quinio (1945), de Quérido II (1966) et de Tabriz (1968, 1969), ce qui porte son total à huit titres.

Huit Groupes 1 en tant que propriétaire

En tant que propriétaire, sous les couleurs de l’Ecurie Saint-Martin, Jean Cottin compte huit succès de Groupe 1, au trot, avec ses propres élèves, Onyx du Goutier et Flamme du Goutier (x5), mais aussi avec la représentante de l’élevage Barbé, sœur d’Eridan et Krack Time Atout, Gunilla d’Atout, laquelle lui a offert le doublé du Critérium des 3 Ans et du Critérium des 4 Ans, en 2019 et en 2020.
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Sur le podium du Prix de Cornulier 2023 après le succès de Flamme du Goutier

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