Idao de Tillard l'incomparable

Ni ses adversaires, ni son couloir numéro 7, ni le poids de l'histoire, ni le record de la course n'auront pu lui résister. Idao de Tillard (Severino) signe le doublé Prix d'Amérique Legend Race - Prix de France Speed Race en grand crack. L'impression visuelle est encore une fois folle et il signe le nouveau record de la course : 1'09''4 en réduction kilométrique.

Idao de Tillard continue d'écrire sa propre histoire. Dans pareilles circonstances, les comparaisons sont tentantes et d'aucuns cherchent à convoquer les souvenirs des plus grands. Idao de Tillard devient ainsi le sixième trotteur de l'ère moderne (depuis la nouvelle piste de Vincennes en 1993) à réaliser le doublé Prix d'Amérique - Prix de France après Coktail Jet, Moni Maker, Meaulnes du Corta, Ready Cash et Bold Eagle. Sa domination totale, teintée d'une forme de certitude de la conclusion des événements, rappelle celle des plus grands cracks de l'histoire Bellino II, Ourasi ou Face Time Bourbon pour ne citer qu'eux. Sa vitesse hors-normes et sa prise de position aérodynamique s'apparentent à celle de Bold Eagle et de Face Time Bourbon. Mais en étant tout ça à la fois, Idao de Tillard est surtout un être à part, finalement incomparable, en train d'écrire sous nos yeux

ébahis et admiratifs l'une des plus belles pages du trot mais aussi et surtout sa propre histoire. Idao de Tillard est plus fort que tous et que tout. Il est en fait incomparable.
Idao de Tillard établit ce dimanche, sur une piste parfaite, le nouveau record de la course de vitesse la plus attendue de l'année à Vincennes : 1'09''4, soit trois dixièmes plus vite que le précédent record de Vivid Wise As (Yankee Glide) en 2022. Le record absolu de Face Time Bourbon (1'09''1) est dans les jambes du crack de Thierry Duvaldestin. Le tout en donnant l'image d'un trotteur en parfaite décontraction (les oeillères n'ont même pas été abaissées) tout en étant totalement focus sur son objectif : celui de rallier la ligne d'arrivée en tête. C'est la huitième fois consécutivement qu'il le fait, la vingt-neuvième dans une carrière en tous points fantastique. Dans ce qui constitue sa sixième victoire de Groupe 1, Idao de Tillard devance Go On Boy (Password), superbe finisseur, et la tenante du titre Ampia Mede Sm (Ganymede).
Thierry Duvaldestin remporte la course pour la troisième fois après les triomphes de Ready Cash (Indy de Vive) en 2011 et 2013. Et ce succès a forcément encore une saveur particulière : "C'est surtout le sentiment du travail accompli. On avait moins de pression aujourd’hui et on l'a vécu différemment. Il avait l’air froid à mi-tournant mais une fois qu’il a déboité, au revoir. Il est super intelligent ce cheval." Clément Duvaldestin : "Dans le Prix d'Amérique, je l'avais drivé de façon offensive du fait de l'importance de la course, sans faire dans la demi-mesure, mais là, sur son parcours de prédilection, j'ai pris un peu plus de risques. En venant de derrière, il est vraiment impressionnant. Sa ligne droite a été incroyable, in-cro-ya-ble ! Il a dégagé une puissance extraordinaire. Je pourrais m'y habituer mais non c'est toujours plus intense. J'ai la chance d'être le seul à connaître ces sensations. Je savoure pleinement et je mesure la chance qui est la mienne."

La course
La descente est dévalée à très grande vitesse par Hooker Berry (Booster Winner) puis par la Suédoise Joviality (Chapter Seven), animatrice jusqu'en haut de la montée. Le premier mouvement est signé Vivid Wise As avant qu'Ampia Mede Sm ne doive contourner Delia du Pommereux (Niky). Dans le sillage de la tenante du titre, Idao de Tillard se rapproche en progression. Clément Duvaldestin son pilote commente : "J'ai eu la super course en fait. À la sortie du dernier tournant, quand je l'ai décalé, il a surgi comme il sait faire et le match était plié." Derrière la fin de course de Go On Boy est, comme il y a deux semaines dans le Prix d'Amérique Legend Race, fantastique : il conclut au deuxième rang. Ampia Mede Sm sauvegarde la médaille de bronze devant deux autres super finisseurs Emeraude de Bais (Repeat Love) et Hokkaido Jiel (Brillantissime).

Idao de Tillard, le label Chaunion

Idao de Tillard provient de l’élevage de Francoise Chaunion. Il est passé par le ring des ventes de Caen, où il a été vendu 27.000 euros, yearling. Il est signé par l’Elevage de Tillard, des deux côtés de son pedigree, fruit du rapprochement de deux gagnants de Critérium Continental (Groupe 1), Sévérino 1’11’’, son père –un « Tillard », même si son nom ne l’indique pas–, et Classe de Tillard 1’12’’ (Workahoklic), sa grand-mère. Avant « Idao », ces deux-là étaient deux des trois meilleurs représentants de l’élevage maison, le troisième étant le millionnaire Bonheur de Tillard 1’11’’ (Podosis), éclectique vainqueur des Prix de l’Atlantique et de l’Ile-de-France.

Emmenée par un impérial Idao de Tillard (Sévérino), l’arrivée du Prix de France-Speed Race-Amérique Races PMU (Groupe 1) se place sous le signe de l’étalon de tête Buvetier d’Aunou (Royal Prestige), élève de Jean-Pierre Dubois qui fut numéro un de nos étalons en l’an 2000 et qui est, ici, omniprésent dans le pedigree des trois premiers. Idao de Tillard représente, en effet, la lignée mâle de Buvetier d’Aunou, étant par Sévérino, lui-même fils de Gobernador –vainqueur de l’édition 2001 du Prix de France–, lequel a Buvetier d’Aunou pour auteur. De même, Ampia Mede Sm (Ganymède), troisième, a pour aïeul paternel Buvetier d’Aunou, par l’entremise de Ganymède. Quant à Go On Boy (Password), deuxième, sa mère est par Hasting, fils de Buvetier d’Aunou, tandis qu’Hokkaido Jiel (Brillantissime) est le fils d’un étalon ayant Buvetier d’Aunou pour grand-père maternel.
On soulignera également la réussite de père de mère de First de Retz, à cette place dans le pedigree d’Idao de Tillard, ainsi que dans celui de Koctel du Dain, lauréat, samedi, du semi-classique Prix Ephrem Houël (Groupe 2).




Pour les poursuivants d'Idao de Tillard, les places ont été particulièrement disputées, même si Go On Boy a réglé tout le monde, finissant 2ème malgré une roue crevée. Romain Derieux oscillait après course entre dépit et fierté : "Il fait une grande course d'autant qu'un adversaire m’a crevé la roue en descendant. On a donc fait 1600m avec une roue crevée. Il a été impeccable, rien à lui reprocher. Il va aller à Cagnes-sur-Mer maintenant (10 mars pour le Critérium de Vitesse).

Franck Nivard, 3ème avec Ampia Meda Sm : "La jument court bien. Dans l’ensemble j’ai eu une bonne course, un peu en dehors mais dans le dos de Delia du Pommereux qui m’a bien emmené. Elle a fini un peu fatiguée tout en étant courageuse pour conserver la 3ème place. Elle ne fait pas les valeurs de l’année dernière mais elle n’est pas loin non plus. Elle court bien aujourd’hui et nous rassure."

4ème, Émeraude de Bais a enthousiasmé son entourage, à commencer par son driver Robin Bouvier, pour la première fois au départ d'un Groupe 1 : "C’est magnifique, j’ai passé un super moment avec la jument. Avec une telle fin de course, on aurait pu espérer mieux si on avait été un rang plus près. Je suis malchanceux avec Eric Raffin qui me sort en descendant et me met un rang plus loin. C’est magnifique de doubler des chevaux de cette qualité dans la ligne droite et d’aller deux fois plus vite qu’eux. Je ne voulais pas décevoir mes proches et l’entourage : je n’ai pas de regret." Pour son entraîneur Benjamin Goetz, le sentiment semblait plus partagé, entre amertume et satisfaction : "C’est super, je pense qu’un jour on pourra peut-être les battre. Son driver a réussi à concrétiser aujourd’hui. On avait des regrets après le Prix d’Amérique et encore un peu aujourd’hui car elle était loin dans le parcours. Si on ne se fait pas sortir en descendant, on est un rang plus prêt et on aurait pu finir non loin d’Idao de Tillard. Il était pendu sur les reines dans le dernier tournant, n'ayant pas la place et les autres étaient partis il a fallu finir en dedans. J’espère qu’on sera plus heureux à Cagnes-sur-Mer pour sa prochaine course. Pas de Prix de Paris."

Hokkaido Jiel a quant à lui confirmé sa prestation dans le Prix d'Amérique tout en devant cette fois se contenter de la 5ème place. Son numéro 17 ayant joué contre lui pour son entraîneur Jean-Luc Dersoir : "Ce numéro en dehors, ce sont les aléas des courses mais c’est vrai que c’est rageant vu sa ligne droite : il était dernier à l’entrée de la droite et finit à la vitesse grand V ! Je pense qu’avec un meilleur parcours il aurait disputé les trois premières places. Il prouve que derrière Idao de Tillard il n’a rien à envier aux autres. La suite ? Pour le moment on s’était arrêté à ce Prix de France : on va discuter avec le patron pour décider si on continue sur le Prix de Paris, puis peut-être Cagnes-sur-Mer. C’est le cheval qui va nous guider selon sa récupération. Ses deux dernières courses sont fabuleuses même si l’on est un peu déçu de n’être que 5ème, mais la façon dont il prend cette 5ème place est top."
Après avoir validé ses trois plus grandes cibles de l'hiver, Prix Ténor de Baune - Prix d'Amérique - Prix de France, Idao de Tillard fera l'impasse sur la dernière finale des Amérique Races Pmu, le Prix de Paris Marathon Race. Il devrait en revanche être au départ du Prix de Sélection, qui lui sera ouvert pour une dernière fois, la limite d'âge étant de 6 ans. Ensuite Cagnes-sur-Mer est une possibilité aussi pour lui avant, pourquoi pas l'Elitloppet en mai à Solvalla ? C'est une option évoquée par son propriétaire Cyril Sevestre après la course : "Idao rentre un peu plus dans l’histoire avec le doublé Prix d’Amérique-Prix de France, avec la manière de surcroît aujourd’hui. C’est sensationnel. Je n’ai pas de mot car je n’ai jamais vu un cheval comme cela. Et avec le record de la course à la clé. Il avait déjà failli descendre sous les 1’09 dans le René Balliere au mois de juin. Le chrono on sait qu’il a dans les jambes. Le prochain rêve ? On va dire l’Elitlopp peut-être mais il faut voir. Thierry va voir, il n’y a pas d’urgence."



Même tonalité pour Françoise Chaunion, son éleveuse : "Rendez-vous compte : le record de l’épreuve, on est plus que bénis. Je ne sais pas dans quelle sphère on est... C’est magique : gagner l’Amérique et confirmer dans le Prix de France. Pourquoi pas voyager maintenant ? Il faut voir avec Thierry."

À ce sujet, Thierry Duvaldestin s'est quant à lui montré prudent : "L’étranger peut être une option, c’est le cheval qui nous dira." Les échanges avec Anders Malmrot, le patron de l'Elitloppet, se sont en tout cas poursuivis comme nous l'a confirmé le Suédois. L'invitation est lancée tout en précisant que le matériel d'Idao de Tillard devra être adapté pour la course : s'il pourra faire le heat avec sa reine à picots, ces derniers ne devront pas être présents sur sa rêne gauche pour la course.