... ©BrunoVandeVelde/SETF
Les couleurs bleu et jaune de la casaque de Jean Luck
Actualité - 16.02.2024

Les Jiel, une histoire de transmission

Le bleu et le jaune de la casaque de l’Écurie Luck sont des couleurs à la mode cet hiver à Vincennes. Sur la lancée du premier titre dans un Groupe 1 à l’attelé apporté l’été dernier à l’écurie créée par Jean Luck et aujourd’hui managée par son petit-fils Éric Frémiot, Hokkaïdo Jiel (Brillantissime) a approché de près le Graal d’une victoire dans le Prix d’Amérique Legend Race (Gr.1) en terminant deuxième du phénomène Idao de Tillard (Severino). Le renouveau de l’écurie, et de l’élevage sur lequel elle repose, est aussi symbolisé par la double participation de Lombok Jiel (Enino du Pommereux) et Logan Jiel (Village Mystic) au Prix Comte Pierre de Montesson - Critérium des Jeunes (Groupe 1). À la veille du grand rendez-vous de dimanche, Éric Frémiot a répondu à nos questions.

Aussi loin que remontent ses souvenirs d’enfance, Éric Frémiot a toujours accompagné son grand-père, Jean Luck, sur les hippodromes et notamment sur celui de Hoerdt dans la grande banlieue de Strasbourg, là où tout a commencé pour ainsi dire. Plus de quarante ans après le début d’une aventure unique dans le paysage du trot tricolore, qui a abouti à l’une des plus importantes écuries et à un élevage réputé, le petit-fils a pris le relais dans la gestion quotidienne de la structure tout en gardant cette complicité qui l’unit à son grand-père dans leur passion commune.

24H au Trot. Qu’est-ce que cela représente pour l’Écurie Luck d’avoir deux partants dans le Critérium des Jeunes avec Lombok Jiel et Logan Jiel ?
Éric Frémiot. Je ne dirais pas que c’est inattendu mais cela doit faire une quinzaine d’années que nous n’avons pas eu de partants dans le Critérium des Jeunes. La dernière doit être Quilea Jiel (Diamant Gédé), la mère de Logan Jiel, qui avait terminé sixième de mémoire. Avant, il faut remonter quasiment au début de l’écurie avec des chevaux comme Blizzard Jiel, Duc de Jiel et Flash de Jiel. Jusqu’à présent, l’écurie n’a jamais brillé dans cette épreuve. Espérons que cela change. On ne doutait pas de la qualité des deux poulains quand ils se sont qualifiés cet été. De là à savoir qu’on aurait avec eux deux partants dans le Critérium des Jeunes, c’est un peu inattendu avant le coup. Mais, vu la qualité montrée cet hiver, il est normal de les retrouver au départ avec des chances.
Dans cette génération, l’écurie a déjà qualifié une quinzaine d’éléments, ce qui tend à démonter une promotion de qualité. Est-ce vrai ?
C’est une bonne génération, c’est vrai. On a eu un petit creux dans des générations précédentes. Après, on a un peu modifié nos croisements.

Les "L" sont-ils les premiers fruits de cette évolution ?
Non. Il faut remonter plus en arrière. Vous savez, quand vous voulez rééquilibrer vos souches, cela demande du temps. Il fallait avoir les mères avant d’avoir leurs poulains. Ce processus était basé sur une réflexion que nous avons menée avec mon grand-père. Dès le début de la construction de l’élevage, il a toujours voulu aller au meilleur, que ce soit pour les poulinières qu’il a achetées car il est parti de rien ou pour les étalons auxquels il a eu recours. Au fil des années, on s’est peut-être laissé envahir par le nombre, à commencer par les poulinières. Comme nous avions aussi plusieurs étalons, nous avons voulu les soutenir, ce qui était normal. On n’a peut-être pas récolté totalement les fruits de cet investissement.

Comment s’est passée cette restructuration ?
Elle a été faite en concertation avec mon grand-père. Cela a commencé il y a une bonne dizaine d’années mais, encore une fois, il faut toujours du temps avant d’en voir les effets. Cela s’est fait de manière progressive, comme on le fait toujours. On a sélectionné et diminué le nombre de juments. On est ainsi passé d’une moyenne de cinquante poulinières à vingt-cinq. C’était nécessaire. En parallèle, on a commencé à réinvestir dans des parts d’étalons et des saillies extérieures pour dynamiser nos courants de sang.

On est toujours plus intelligent à plusieurs que tout seul


Cette démarche était-elle aussi guidée par la volonté de réduire les charges ?
Oui, on a voulu alléger la charge financière du haras. On a eu jusqu’à 250 chevaux. Aujourd’hui, on est davantage aux alentours de 150, ce qui n’est pas mal déjà. C’est un travail permanent de sélectionner mais ce n’est pas facile. Quand vous avez choisi les croisements et que vous avez des femelles qui, même sans être issues de souches exceptionnelles, vous ont fait plaisir en courses, c’est difficile de ne pas les essayer à la reproduction, d’autant que mon grand-père comme moi sommes passionnés par l’élevage. Ce travail a été fait en commun, avec l’apport et les connaissances de chacun. On travaille comme on l’a toujours fait, c’est-à-dire en coopération, que ce soit avec Xavier Martin à l’élevage ou avec Jean-Luc Dersoir à l’entraînement. On est toujours plus intelligent à plusieurs que tout seul. Après, on ne peut pas faire le croisement parfait pour toutes les poulinières, car on a des contraintes budgétaires forcément.


PARTANTS VINCENNES - Dimanche 18 Février
7 PX COMTE PIERRE DE MONTESSON - (17H05)
Premium - Att. - (1) - 200 000 € - 2 700m
1. LA JOYEUSE WICZG. Junod
2. LUCKY JACKSONJ-M Bazire
3. LEARN TO FLYF. Nivard
4. LOGAN JIELF. Ouvrie
5. LITTLE STAR FLEURYA. Collette
6. LILAS CASTELLEM. Mottier
7. LOMBOK JIELP. Y. Verva
8. LASH PERRINED. Thomain
9. LOPIGNAG. Gelormini
10. LOULOU DE MYER. Ch. Larue
11. LUCIANO MENUETY. Lebourgeois
12. LEMON TREEW. Bigeon
13. LOVINO BELLOE. Raffin
14. LOUISIANE DE BOMOB. Rochard

L'écurie Luck cet hiver à Vincennes

→ 82 courses (au 15 février 2024)
◆ 4 victoires
◆ 12 places sur le podium dont 1 sur celui du Prix d'Amérique Legend Race
◆ 37 fois dans les cinq 1ers dont 1 fois dans le Prix de France Speed Race

Plus qu'une écurie de courses, une équipe
Depuis ses débuts dans les courses à la fin des années 1970, Jean Luck, industriel alsacien passionné par les courses qui a géré son écurie comme une entreprise, a créé et développé une structure devenue une véritable référence, autant en courses qu’à l’élevage. Si son petit-fils Éric Frémiot, driver amateur dont le palmarès compte 119 victoires, est le gérant de l’écurie depuis plusieurs années, les deux hommes continuent à travailler main dans la main. "J’ai toujours suivi mon grand-père aux courses, se souvient le quadragénaire. Il a toujours voulu impliquer ses enfants et ses petits-enfants dans ses aventures professionnelles ou ses passions."
À deux, on partage les joies et les peines

En ce qui concerne les courses, Éric Frémiot a été le seul de ses petits-enfants à s’y intéresser, partageant ensemble cette passion, notamment celle de l’élevage. "À deux, on partage les joies et les peines, indique le petit-fils. C’est toujours plus facile de se remettre de mauvais moments quand on est plusieurs. On n’est pas toujours d’accord sur tout mais le but est de prendre le meilleur des avis de chacun. C’est long mais on y arrive quand même. On a eu des années plus creuses, comme dans tous les grands élevages, mais c’est là qu’il faut réinvestir, réfléchir un peu différemment." La singularité de l’Écurie Luck est aussi la fidélité qui l’unit à Jean-Luc Dersoir, entraîneur particulier depuis 1979. "Il m’a connu en culotte courte sur l’hippodrome de Hoerdt à fêter les victoires, sourit Éric Frémiot. C’est une fierté pour mon grand-père et pour lui d’avoir ce rapport qui dure. Bien sûr, ce n’est pas toujours rose mais le fait justement que cela dure depuis aussi longtemps montre que ce sont deux hommes intelligents qui s’écoutent mutuellement. Mon grand-père a toujours investi et fait progresser l’écurie et c’est, je pense, ce qui a motivé Jean-Luc Dersoir. Ce sont deux personnes qui se sont trouvées et qui vivent une belle aventure, assez rare d’ailleurs dans le milieu des courses." Alors que l’entraîneur approche des 70 ans, la question de la transmission des rênes de l’entraînement fait partie des réflexions obligatoires même si ce n’est à l’ordre du jour. "Jean-Luc n’a jamais été aussi jeune ! Gagner un premier Groupe 1 à l’attelé l’été dernier a été énorme pour lui comme pour nous", rappelle Éric Frémiot qui met aussi en avant le travail des équipes, de l’élevage à l’entraînement, de Grosbois à La Barbotière en passant par Benerville. Est-ce que, dans le contexte actuel des courses, un partenariat comme celui qui unit M. Luck et Jean-Luc Dersoir est encore imaginable ? "Ce n’est pas impossible mais il faut trouver la bonne personne. Tant que Jean-Luc sera en forme, on sera toujours là pour lui et lui sera toujours là pour nous", nous répond le gestionnaire de l'Ecurie Luck.

Du coup, Hokkaido Jiel incarne-t-il davantage les premiers résultats de cette nouvelle politique ?

Ce n’est pas tout à fait le démarrage mais il est venu assez vite. J’avais vu se qualifier à Grosbois Brillantissime qui m’avait beaucoup plu et je m’étais dit que, si un jour il était syndiqué, il serait bien de prendre une part. Il était important de ramener dans notre élevage le courant de sang de Ready Cash. Cette politique était aussi guidée avec l’espoir de sortir un étalon, ce qui est le cas avec "Hokkaido". C’est important pour un élevage d’avoir un étalon, ne serait-ce que pour faire fonctionner le haras pour la clientèle extérieure et pour certaines de nos juments.

Lombok Jiel et Logan Jiel sont issus de deux de vos très bonnes juments qui ont performé au plus haut niveau, à savoir respectivement Surabaya Jiel et Quilea Jiel. Pourtant, l’une et l’autre n’avaient pas donné au haras tout ce qu’on pouvait espérer d’elles. Pourquoi ?
Quilea Jiel est issue d’une souche que l’on a développée à partir de Top Lady, sa grand-mère maternelle. Jusqu’à maintenant, elle a eu des hauts et des bas dans sa production. Elle a fait beaucoup de femelles qui étaient moins bonnes. Hequileo Jiel, son deuxième mâle, était très plaisant poulain avant de connaître une baisse de forme. Il a été vendu mais revient plutôt bien actuellement puisqu’il a gagné cet hiver à Vincennes. Surabaya Jiel n’a pas eu trop de chance à l’élevage, avec des produits qui se sont accidentés. C’est forcément frustrant quand vous avez une jument de ce niveau. Fabulous Jiel s’annonçait bien avant de connaître des soucis poulain et il a subi ce handicap toute sa carrière alors que je pense que c’était un cheval qui aurait pu s’illustrer à un bon niveau. Même chose pour sa propre sœur par Ready Cash et sa sœur par Love You.


©Aprh
Éric Frémiot, paré des couleurs familiales
Les deux poulains au départ du Critérium ont-ils des caractéristiques de leurs mères ?
Lombok Jiel ne ressemble pas à sa mère physiquement. Surabaya Jiel était une jument hyper calme, facile à gérer. Lui est un peu plus "chaud" quand il arrive sur l’hippodrome. Il faut donc gérer l’avant-course mais il ne pose aucun problème en course. Son père, Enino du Pommereux, avait du sang dont il semble avoir hérité. Je dirais qu’il ressemble plus à son père de ce côté. Tout de suite, il a montré des qualités. Jean-Luc (Dersoir) a voulu le préserver mais, en plein meeting d’hiver, on est pris par le rythme des courses. On s’est posé la question d’attendre un peu et de viser la seconde moitié de l’année avec le Critérium des 3 Ans comme perspective. Le but du Groupe 2 qu’il a couru était de savoir s’il était capable d’encaisser ce type de course. Sa performance a validé sa participation au Critérium des Jeunes. Cette réflexion a valu pour "Lombok" car "Logan" est plus fait en cheval précoce. Ce dernier est d’ailleurs plus bouillant dans les aires de départ. Il a beaucoup de vitesse. Sans produire de cracks jusqu’à maintenant, Quilea Jiel a toujours fait des chevaux plutôt précoces.

Tout de suite, Lombok Jiel a montré des qualités

Dès lors, quel est votre état d’esprit ?
On part plutôt confiant dans une génération où, à mes yeux, s’il n’y a pas vraiment de leader, ce qui est compréhensible avec des chevaux qui viennent de prendre 3 ans. Il y a de très bons éléments, à commencer par Lovino Bello et Louisiane de Bomo. Nos deux poulains vont courir ferrés. Ils ne sont pas encore suffisamment matures pour accepter un allègement important de leur ferrure avec le plaquage intégrale par exemple, que ce soit morphologiquement ou dans les allures. Jean-Luc travaille ses chevaux en progression. Il ne travaille pas ses 2 ans avec l’objectif de courir le Critérium des Jeunes.


Plus généralement, le meeting d’hiver de l’Écurie Luck est satisfaisant jusqu’à maintenant, avec plus de 540 000 € de gains. Qu’en pensez-vous ?
Avec l’effectif que l’on a, c’est-à-dire pas très important (N.D.L.R. : 24 chevaux et 82 partants au 15 février inclus), ça va. Bien sûr, la deuxième place de Hokkaïdo Jiel dans le Prix d’Amérique booste l’ensemble. On avait logiquement des espoirs avec "Hokkaïdo" mais Ikuro Jiel nous fait aussi plaisir en gagnant une belle course montée avec l’apprentie de la maison Marine Beudard, ce qui lui a permis de remporter sa 50ème course. Dans l’ensemble, la plupart de nos chevaux ont performé. "Hokkaïdo" devrait aller sur le Prix de Paris Marathon Race. Le checkup effectué après le Prix de France montre que tout va bien. Je crois même que les analyses n’ont jamais été aussi bonnes de tout l’hiver, c’est donc qu’il est en forme. C’est difficile d’avoir des regrets quand votre cheval termine deuxième du Prix d’Amérique et cinquième du Prix de France. Le seul regret que l’on puisse avoir est qu’il n’ait pas réussi à garder sa place dans le dos d’Idao de Tillard en plaine dimanche dernier. Après, que se serait-il passé ? On ne sait pas…

Idao de Tillard : une bonne chose pour l’élevage
"J’ai acheté une part d’Idao de Tillard dès sa syndication car, pour moi, c’était déjà un cheval de Prix d’Amérique. C’est un crack ! Avec plus de deux cents grammes sous les antérieurs, il est autant capable de gagner sur un parcours de tenue que de vitesse. C’est une bonne chose pour l’élevage car cela ouvre la possibilité pour les éleveurs de croiser leurs juments avec un courant de sang différent, en dehors de Ready Cash. C’est une vraie opportunité."
© Aprh
Lombok Jiel

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