Qui est vraiment Alessandro Gocciadoro ?

Vainqueur dimanche dernier d’un 4ème Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur en l’espace de cinq ans avec la casquette d’entraîneur, Alessandro Gocciadoro a comme apposé sa signature sur le début de la saison internationale. Italien, francophile et de plus en plus présent en Scandinavie, il est devenu totalement incontournable dans le paysage trotteur européen. Mais qui est-il vraiment ? Quel est son parcours ? Quel est son logiciel ? Pour percer le mystère Gocciadoro, nous avons reçu l’aide précieuse d’un homme qui le connaît très bien, le plus Français des pilotes italiens : Gabriele Gelormini.

Alessandro Gocciadoro aura 50 ans l’an prochain. Fils d’entraîneur, il est installé dans la région de Parme où il est né, dans le Nord de l’Italie et s’appuie également sur des antennes en Scandinavie et à Grosbois en France. Il compte aujourd’hui quelques 150 chevaux à l’entraînement et a gagné toutes les plus grandes courses italiennes, souvent plusieurs fois, en qualité d’entraîneur et parfois comme driver aussi. Marié à Sined, très présente à ses côtés dans la gestion de son entreprise et dans la dimension relationnelle et communication, Alessandro Gocciadoro a construit autour de lui une structure millimétrée, guidée par un objectif : gagner, partout, tout le temps.

24h au trot : Depuis quand connaissez-vous Alessandro Gocciadoro ?
Gabriele Gelormini : Je dirais depuis toujours. D’aussi loin que je me souvienne, nous avons toujours connu la famille Gocciadoro. Le père d’Alessandro était et est encore lui-même entraîneur. Il a toujours eu un bon cheval dans l’écurie mais la structure était modeste en termes de nombre.

Comment est-il devenu entraîneur ?
Très naturellement. Il a toujours voulu devenir entraîneur. Il a ça en lui, dans la peau. Il est totalement possédé par les courses, par les pedigrees, par l’entraînement. Ça l’obsède. C'est un passionné absolu.

A-t-il d’autres centres d’intérêt ?
Il adore jouer au tennis, avec un bon niveau. Ça lui permet de totalement décompresser.

Comment est-il devenu l’entraîneur incontournable qu’il est est aujourd’hui ?
Certainement grâce à ce dévouement total à son métier. Je pense aussi que les événements de sa vie professionnelle l’ont un moment poussé à voyager : il a alors beaucoup appris et a décidé de retranscrire le meilleur de ce qu’il avait vu à ses méthodes de travail. Depuis dix ans, sa progression est permanente et encore plus spectaculaire depuis cinq ans. N’a-t-il pas été l’entraîneur le plus riche d’Europe en 2022 ?

Quel genre de chef d’entreprise est-il ?
Au risque de faire dans le cliché italien, son équipe c’est comme sa famille. C’est même sa famille ! Ils sont tous très soudés, avec des missions très précises. Alessandro a un staff très large, en adéquation avec sa façon de travailler.

Justement, quelle est sa méthode de travail ?
Il l’a peaufinée au fil des années. Elle repose principalement sur le travail en sable fouillant, à allure modérée, et par lots très fournis (NDLR : jusqu'à une vingtaine d'éléments attelés). La dimension organisationnelle et industrielle est très impressionnante. Il porte également une attention toute particulière à la présentation et l’état physique des chevaux. Regardez-les quand ils arrivent en piste : ils sont splendides, souvent sans rien aux jambes et très libérés. Il adore travailler avec de grands pedigrees, réalise un travail spécifique à ses pensionnaires et ne court qu’à bon escient. En tout objectivité, c’est du grand art.

Il est passé par des moments plus compliqués aussi dans sa carrière (voir ci-dessous). Comment a-t-il réagi ?
Il a été affecté mais il a fait preuve de résilience, s’est remis en cause et est revenu encore plus fort.



Ci-dessous en photo, Gabriele Gelormini à gauche et Alessandro Gocciadoro à droite après une victoire tellement meeting d'hiver de Vincennes.
Comment est-il perçu en Italie ?
Comme une référence bien sûr. Mais il gagne tout alors il y a forcément des jaloux car il prend une grande place. Ce n’est certainement pas propre à l’Italie ce genre de réaction.

Dimanche, on a perçu une émotion particulière après sa victoire dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur. Vous étiez tout près de lui : pourquoi cette émotion ?
Primo car derrière l’armure, il y a un être sensible. Secundo, parce que Vernissage Grif (Varenne) représente beaucoup pour Alessandro. Le cheval est aujourd’hui âgé de 10 ans, ils ont vécu beaucoup de choses ensemble, des hauts et des bas, il n’est pas simple à gérer et Alessandro est son driver attitré. Ce Critérium de Vitesse était son grand objectif et il l’a atteint. Tout ceci mis bout à bout peut expliquer son émotion tout légitime.


Le fait de ne pas avoir encore gagné le Prix d’Amérique lui gratte-t-il la tête ?
Je ne crois pas vraiment. Il a en revanche dans sa ligne de mire l’Elitloppet : c’est son grand objectif. Il m’a même dit un jour : ‘Je suis jaloux de toi car tu as gagné l’Elitoppet et pas moi’. Il n’empêche, en mai dernier quand j’ai gagné avec Hohneck (Royal Dream), il était le premier à me prendre dans ses bras sur la piste pour me féliciter.



Vous avez travaillé avec Jean-Michel Bazire dans votre carrière. Les mettez-vous avec Alessandro Gocciadoro sur le même plan ?
Ils s’assoient à la même table, c’est certain, celle des très grands. Les méthodes sont en revanche assez différentes. Jean-Michel met un point d’honneur à fabriquer des chevaux aux origines parfois modestes ou communes quand Alessandro jure par des pedigrees exceptionnels. Mais ils sont assurément deux très grands hommes de chevaux qui auront marqué de leur empreinte l’histoire des courses au trot.