Emeraude de Bais plus éclatante que jamais

Logique. Imparable. Comme si cela était écrit. Les deux concurrents les plus titrés et attendus du Prix du Bois de Vincennes (Gr.3) se sont livré une sévère explication dans le final, à distance de leurs rivaux. Et la jument la plus en verve du moment, Emeraude de Bais, a pris le meilleur sur Horsy Dream. La logique a été poussée jusqu'à installer sur la troisième place du podium Usain Töll, possible arbitre annoncé et troisième de cette même épreuve l'an dernier.

Comme d'habitude serait-on tenté d'écrire, Emeraude de Bais (Repeat Love) a signé les meilleurs chronos partiels de fin d'épreuve. Voilà bien la signature de la représentante d'Hervé Carlus et de Lydie Nivard. Elle a, cette fois à son actif, un dernier kilomètre réalisé dans la réduction kilométrique d'1'10''3 et ses ultimes 500 mètres dans celle d'1'10''8. Aux termes d'un déroulement de course parfait pour cette ultra finisseuse, concocté par Franck Nivard, sans jamais voir le jour avant la ligne d'arrivée, elle est venue "chiper" la victoire à la fin à Horsy Dream (Scipion du Goutier), pourtant auteur d'une grande valeur. Mais ce dernier a bien été moins vite à la fin (1'11''0 son dernier kilomètre et 1'11''7 ses derniers 500 m). L'entraîneur de la gagnante, Benjamin Goetz, insiste d'abord sur ce point lors de notre debrief : "Elle a eu un super parcours pour aller chercher Horsy Dream. C’est ce qui nous fait gagner la course. C’est une jument qui s’adapte à tout et qui récupère très vite. Elle est gentille et cool. Vu ce qu’elle avait fait cet hiver, c’était sa course aujourd’hui et elle répond présent."

Tout comme son imparable finish, la régularité est sa marque de fabrique. Emeraude de Bais reproduit systématiquement sa valeur, en la haussant même petit à petit, comme une métronome. En signant la réduction kilométrique finale d'1'11''7, la lauréate égale son record sur le parcours établi lors d'une troisième place en rendant 25 mètres en février 2023. Devenue la jument la plus rapide d'Europe dernièrement en 1'08''3 à Cagnes-sur-Mer, elle n'était pourtant pas, selon son entraîneur, dans ses meilleures dispositions ce samedi : "Elle était peut-être un peu moins bien car elle n'était pas loin d’être en chaleur aujourd’hui. Elle le sera demain ou après-demain et c’était le petit doute avant la course."

Quid du programme à venir d'Emeraude de Bais ? La jument de 10 ans est invitée à Åby, dans la Paralympiatravet (Gr.1), le 4 mai. Mais il y a aussi le Prix de l’Atlantique (Gr.1) qui est une étape possible, le 20 avril, pour la pensionnaire de Benjamin Goetz. "On va voir pour établir son programme. Il faut aussi regarder comment elle récupère. Il y a vingt heures de route pour aller à Åby mais c’est tentant d’y aller. Soit on va directement sur la Paralympiatravet, soit on passe par le Prix de l’Atlantique", nous déclare ce samedi l'entraîneur.

Rattachée à une famille en or

Elevée par Alisson et Jérémy Christel, Emeraude de Bais est le quatrième et dernier produit qualifié de Haute Tension, une fille de Biesolo non qualifiée, et son deuxième vainqueur. La première était déjà fameuse puisqu'il s'agissait de Topaze de Gournay 1'11 (Kepler), placée semi-classique à 3 ans (4e du Prix Guy Deloison, Gr.2) et titulaire de 372.580 € de gains en fin de carrière. Haute Tension descend en droite ligne de la matrone Héra de Bellouet (Paleo), son arrière-grand-mère, en passant la branche de Nera (Tony M). Cette dernière a donné une descendance marquée pour une bonne part par le label "d'Or". C'est ainsi qu'on trouve la précoce Règle d'Or (Duc de Vrie), la grand-mère d'Emeraude de Bais, Valse d'Or (Florestan), dont la production comprend à plusieurs générations Rolling d'Héripré 1'10 et Gu d'Héripré 1'09, ou Dragée d'Or (Passionnant), d'où As Doré 1'11' et Bouclier d'Or 1'14.

Une gorgée de miel après l’amertume du Prix d’Amérique pour Hervé Carlus
Ancien entraîneur de galopeurs dans l’Ouest et le Sud-Ouest, Hervé Carlus vit une retraite heureuse éclairée des "éclats d’émeraude". Il partage la propriété de sa jument avec Lydie et Franck Nivard. Le copropriétaire est heureux mais nous parle aussi de sa déception de l’hiver, la 8ème place d’Emeraude de Bais dans le Prix d’Amérique Legend Race : "Ses résultats actuels me font un peu digérer la pilule du Prix d’Amérique. J’en ai fait des cauchemars pendant au moins trois semaines. On ne l’a pas utilisée comme il fallait dans le Prix d’Amérique. C’est quand même une course incomparable et c’est dommage. Depuis, évidemment, la jument s’est largement rattrapée. À Cagnes-sur-Mer, cela a été le top. Vous vous rendez compte ? Elle est devenue le trotteur français le plus rapide de tous les temps. Aujourd’hui, elle ne bat pas des fainéants. Horsy Dream est revenu au mieux et était l’un des favoris du Prix d’Amérique l’an dernier."
Concernant le tempérament de son Emeraude, il ajoute : "Elle s’impose d’elle-même. Elle est devenue hyper calme et passe beaucoup de temps à dormir. Je mesure que j’ai une chance inouïe. J’ai entraîné des chevaux toute ma vie et je sais ce qu’est le métier. Je partage cette jument avec mon ami Franck et toute cette histoire a été rendue possible grâce à lui et au formidable travail de Benjamin (Goetz)."

Battu de peu après avoir pris l'initiative en haut de la montée, Horsy Dream a séduit Pierre Belloche, dans ses deux costumes d'entraîneur et de driver : "Il réalise une très grosse performance. Rien à dire sinon peut-être la frustration d’être battu d’aussi peu. L’important est de le retrouver. Il est sur la montante et je sens qu’il va encore passer un palier. Il n’est sûrement pas encore à son meilleur niveau. Il est ferré (N.D.L.R. : des antérieurs) et, peut-être que déferré, il aurait gagné mais on reste sur notre ligne, que nous avons définie avec ses propriétaires : celle de ne le déferrer que pour les Groupes 1."
À l'image d'Emeraude de Bais, Horsy Dream aura le choix des engagements dans les semaines à venir. Pierre Belloche nous confie sur le sujet : "Soit on va sur le Prix Kerjacques (Gr.2), le 6 avril, soit on attend le Prix de l’Atlantique (Gr.1), le 20 avril. Ce sera aussi en fonction de sa récupération."

■ Usain Töll (3ème) a servi de couverture à la future lauréate depuis la montée. N’a jamais vraiment baissé de pied à la fin. Son driver Benjamin Rochard nous debriefe : "Je pense qu’on est à notre place quand on voit l’écart à l’arrivée. Même si je m’étais remis derrière Horsy Dream dans le dernier tournant, cela n’aurait rien changé. Il fait sa course et le chrono est super bon (1'11''8)."
■ Gamay de l’Iton (4ème) : animateur jusqu’en haut de la montée, a semblé alors rentrer dans les rangs avant de bien se relancer. Son pilote François Lagadeuc nous explique : "C’est un cheval très froid et quand j’ai laissé passer, il s’est repris. On est contents car il nous rassure. On était restés sur une mauvaise note à Vincennes. Au moins, cela prouve qu’il a encore envie de venir à Vincennes et qu’il a le moral. Sa performance est très bonne et il est battu par trois super chevaux."