Liza Josselyn : est-elle vraiment une évidence ?
C’est l’étoile montante de la jeune génération, à Vincennes, lauréate lors de quatre de ses cinq sorties, notamment dans un tout récent Groupe 3, et frappant, maintenant, à la porte des Groupes 2. Liza Josselyn 1’14’’ (Ready Cash) était une étoile, du reste, avant même de briller en compétition, en tant que fille de deux vainqueurs de Prix d’Amérique. Pour autant, ce n’était pas gagné d’avance. Non seulement un tel croisement est rare, mais son résultat fut, jusqu’alors, le plus souvent décevant. Tout sauf une évidence, contrairement aux apparences.
"Liza Josselyn est un don du ciel !" s’est exclamé Jean-Michel Bazire, à sa descente de sulky, samedi dernier, après le probant succès de sa pensionnaire dans le Prix de Châtillon (Groupe 3). Il a précisé, ensuite, sa pensée, déclarant, en substance : "Quand on fait le croisement de Ready Cash avec Bélina Josselyn, on rêve, forcément. Et quand le fruit de cette union, Liza Josselyn, en l’occurrence, passe le poteau comme elle le fait, dès l’âge de 3 ans, cela devient un rêve exaucé."
« JMB » a parfaitement raison : aussi brillant que soit le croisement, on n’est jamais sûr d’en obtenir la quintessence. Sur le papier, cela semble couler de source, relever de l’évidence, mais, sur la piste, le résultat n’est pas nécessairement là, du moins aussi tôt, aussi rapidement. D’où cette sensation de rêve réalisé, d’essai transformé, de mission accomplie, aussi, en quelque sorte.
Quand le fruit d'une telle union passe le poteau comme elle le fait, dès l’âge de 3 ans, cela devient un rêve exaucé
Un oiseau rare
À plusieurs égards,
Liza Josselyn est un « oiseau rare », ne serait-ce qu’en tant que fille de deux gagnants de Prix d’Amérique. Car l’histoire nous narre qu’ils ne sont pas nombreux les produits issus d’une telle union et qu’ils le sont encore moins à tirer leur épingle du jeu.
Depuis la création du Prix d’Amérique, en 1920, dix-sept juments, seulement, ont remporté le championnat, parfois à plusieurs reprises, d’
Uranie (1926, 1927, 1928) à
Bélina Josselyn (2019), en passant par
Amazone B (1930, 1933),
Neulisse (1942),
Nébuleuse V (1943),
Cancannière (1952),
Gélinotte (1956, 1957),
Masina (1961),
Newstar (1962),
Ozo (1963, 1965),
Roquépine (1966, 1967, 1968),
Delmonica Hanover (1974),
Queila Gédé (1989),
Queen L (1993),
Ina Scot (1995),
Dryade des Bois (1998) et
Moni Maker (1999). Or, parmi celles-ci, sauf erreur ou omission, elles ne sont que deux, en plus de
Bélina Josselyn, à avoir mis bas un ou plusieurs produits nés des œuvres d’un vainqueur, comme elles, du Prix d’Amérique.
Seules Cancannière et Dryade des Bois…
Chronologiquement, la première est
Cancannière, qui eut une fille du crack
Jamin, double lauréat du Prix d’Amérique, en 1958 et 1959, baptisée
Une du Vivier, laquelle resta vierge de performances et ne perdura pas par sa production. La seconde est
Dryade des Bois, qui a eu, quant à elle, la bagatelle de six fils ou filles de gagnants de Prix d’Amérique. Ce furent, tour à tour, avec :
Ténor de Baune →
Myrtille des Bois et
Noirprun des Bois
Varenne →
L’Amérique
Jag de Bellouet →
Stepper des Bois, puis
Voltige
Coktail Jet →
Tiarella des Bois.
Un seul de ces six noms est passé à la postérité : celui de
Myrtille des Bois, non que la fille de Ténor de Baune ait réussi des exploits sur les hippodromes –elle n’a couru qu’une fois, à 3 ans, pour une victoire provinciale et un record de 1’18’’–, mais parce qu’à la reproduction, elle a donné le champion, plus que millionnaire en euros, détenteur d’un « chrono » de 1’09’’,
Voltigeur de Myrt, vainqueur, principalement, du Critérium des 4 Ans (Groupe 1) et du Prix René Ballière (Groupe 1). On remarquera, au passage, que
Voltigeur de Myrt est un fils d’
Opus Viervil, lui-même par
Jag de Bellouet, ce qui confère à son pedigree la présence de trois gagnants de Prix d’Amérique à la deuxième génération. Dans les pas familiaux,
Voltigeur de Myrt prétendra, à plusieurs reprises, à notre course phare, la disputant quatre fois, avec pour meilleur résultat une superbe place de deuxième, derrière
Up and Quick, en 2015.
Un diamant déjà ciselé pour « JMB »
D’ores et déjà gagnante de Groupe 3,
Liza Josselyn surpasse donc largement les autres produits nés de la combinaison de deux chevaux au palmarès du Prix d’Amérique. La rareté et la singularité de son profil s’en trouvent renforcées, d’autant qu’elle ne devrait pas en rester là, ce que confirme Jean-Michel Bazire, à mots couverts : "
Elle a progressé au fil des courses, gentiment, sereinement. Je pense que, maintenant, elle peut aller avec les bonnes. Ce sont des chevaux comme cela qui motivent et qui incitent à continuer encore."
Il hérite, dans un écrin, d’un diamant déjà poli, ciselé. Son rôle ? Le faire briller
Il semble que son mentor entretienne un rapport particulier avec sa protégée, sensible au fait, sûrement, qu’il a là, dans ses écuries, un joyau, une pierre précieuse, du fait même du prestige de ses origines, lui dont la marque de fabrique a souvent été de façonner des chevaux ne possédant pas forcément un bagage génétique d’exception, cela soit dit sans leur faire injure, tels un
Késaco Phédo, les « Guez » ou les hongres vedettes que furent
Aubrion du Gers et
Cleangame. Là, il hérite, dans un écrin, d’un diamant déjà poli, ciselé, et son rôle consiste à le faire briller de tout son éclat.
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Indy de Vive 1'11''9
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Viking's Way 1'15''6
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Ready Cash 1'10''3
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Tekiflore 1'19''8
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Kidea 1'18''2
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Extreme Dream 1'14''7
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LIZA JOSSELYN
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Doceanide du Lilas 1'16''8
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Love You 1'10''2
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Coktail Jet 1'11''2
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Belina Josselyn 1'10''2
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Guilty Of Love 1'17''1
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Lezira Josselyn 1'14''3
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Workaholic (US)
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Quezira 1'17''3
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©HarasduBoisJosselynLiza Josselyn foal avec sa crack de mère La règle est qu’il n’y a pas de règle !
Les juments ayant couru longtemps, à l’exemple de
Bélina Josselyn, qui a bataillé sur les hippodromes jusqu’à l’âge de 9 ans, quittant la compétition sur une victoire dans le Prix de Paris (Groupe 1), ont la réputation de ne pas s’exprimer tout de suite favorablement au haras, ce que justifiait le grand et éclectique propriétaire-éleveur que fut Daniel Wildenstein, dans une interview accordée à la revue « Trot Informations », voilà de nombreuses années : "
D’une manière générale, expliquait-il,
en résumé, une jument qui s’est beaucoup dépensée en course est, en fait, plus une compétitrice qu’une reproductrice. Il a fallu qu’elle fasse jeu égal avec les mâles. Pour ce faire, il a été nécessaire qu’elle se constitue un physique qui ne la prédispose pas à la reproduction (…)
Dès lors, que se passe-t-il ? Soit elle se met à bien produire à la fin de sa vie, soit la qualité saute une génération et se retrouve dans ses filles à leur tour devenues mères."
Belina n’a pas mis longtemps, en effet, à s’adapter à son rôle de poulinière
L’analyse est démentie, en l’espèce, par
Bélina Josselyn, ce qui fait dire à Pascal Bernard, l’homme des « Josselyn » : "
La jument n’a pas mis longtemps, en effet, à s’adapter à son rôle de poulinière, alors que l’on estime, pourtant, qu’en pareil cas, un temps d’acclimatation est nécessaire. Comme quoi, en élevage, il n’y a décidément pas de règle." Ou, s’il y en a une, c’est, précisément, qu’il n’y en a pas !
Bis repetita
Premier produit de Bélina Josselyn, Liza Josselyn est suivie par son propre frère, Mythique Josselyn, et par sa propre sœur, Nodessa Josselyn. Bélina Josselyn aura, à nouveau, un produit de Ready Cash, cette année, tandis qu’il est prévu qu’elle rencontre Idao de Tillard. Pascal Bernard persiste et signe, ainsi, dans la voie de l’ « Amérique » : « J’aime bien, sourit-il, ces unions entre gagnants de la grande course. » La séquence commence bien, en tous cas, et il n’y a pas de raison pour que cela ne dure pas.
©ProvinceCoursesLiza Josselyn lors de sa qualification à Caen ©ScoopdygaBelina Josselyn, exceptionnelle compétitrice et déjà super mère