Une "Jonquille" pour faire le printemps

Elle n’est pas la moins riche du peloton du Prix Henri Levesque, l’un des quatre Groupes 2 de la réunion de samedi à Vincennes, mais JONQUILLE DE MEAT a quand même des airs de Petit Poucet. Des quinze prétendantes à la succession d’IROISE DE LA NOE, elle est l’une des deux à avoir le moins couru (17 fois) et passe directement d’une victoire dans une course D à Enghien à ce semi-classique ouvert aux meilleures de sa génération. Son entraîneur-driver, Frédéric Guinhut, comme son éleveur-propriétaire, Hubert Babin, à la tête de petites structures en Anjou, s’apprêtent à vivre une première.

Que ce soit Frédéric Guinhut, installé à Jumelles (ça ne s’invente pas quand on évolue dans les courses), ou Hubert Babin, dont l’élevage est situé à une quarantaine de kilomètres dans le même département du Maine-et-Loire, ils ont en commun de longues années de travail, chacun dans son domaine, avec des hauts et des bas, faits de moments de doutes et d’espoirs. Alors, la présence de JONQUILLE DE MEAT (Aldo des Champs) au départ d’un Groupe II n’a absolument rien de banal. "C’est une récompense et un aboutissement de toutes ces années. C’est vrai pour moi comme pour son éleveur", estime l’entraîneur angevin, qui a fait son apprentissage chez Roland Dabouis avant de travailler plus de deux ans chez Jean Morice. C’est aussi une forme de reconnaissance que représente cette participation, avant même de savoir ce que sera la performance sportive de la jument dans le Prix Henri Levesque.
Pour ce type de structures d’entraînement, c’est-à-dire un effectif d’une petite quinzaine de chevaux (poulains compris), et d’élevage, qui n’a jamais dépassé trois poulinières et n’en compte plus qu’une seule aujourd’hui, se faire une place à ce niveau est une course de longue haleine où les élus ne sont pas nombreux.
Âgés respectivement de 52 et 68 ans, l’entraîneur et l’éleveur angevins apprécient le moment que leur permet de vivre JONQUILLE DE MEAT. Ils le doivent en partie à la dernière performance de la jument qui a agi comme une sorte de révélateur pour Frédéric Guinhut. Ce jour-là, pour sa rentrée après plus de cent cinquante jours d’absence, elle s’impose sans coup férir dans une course D et surtout fait afficher le chrono de 1’12’’5 sur 2.875 mètres en restant comme d'habitude ferrée, ce qui sera encore le cas samedi. "Je ne sais pas si elle est capable de faire le même chrono qu’à Enghien car le profil de Vincennes est différent, mais j’ai regardé pas mal de courses à Enghien et il n’y a pas beaucoup de chevaux qui ont trotté aussi vite sur cette distance", souligne l’entraîneur. Parmi ceux qui l’ont fait au même âge, à 5 ans donc, il n’y en a qu’un dernièrement, un peu plus tard dans la saison : HORSY DREAM (Scipion du Goutier) alors déferré des postérieurs. "La jument est bien et n’avait pas d’engagements très intéressants. C’est ce qui m’incite à tenter le coup pour essayer et se faire plaisir, poursuit Frédéric Guinhut. Ce dont je me suis rendu compte avec la course d'Enghien, c’est qu’elle garde sa pointe de vitesse pour finir même si le rythme a été soutenu. Or, une course comme samedi va rouler aussi je pense."
Le dernier break de cinq mois dont la jument a profité lui a permis de changer. "Elle a beaucoup évolué physiquement. Je crois que j’ai bien fait de lui donner ce break d'autant qu'elle n'avait pas de programme cet hiver, avance son entraîneur. Maintenant elle est toujours peu démonstrative au travail." Fidèle à sa façon de faire, il ne faut pas s'attendre à voir Frédéric Guinhut aux avant-postes : "Au fond de moi, avec un parcours fluide, je la vois terminer entre la cinquième et septième place. Il y a sûrement des rivales plus affûtées qu’elle. Le plus dur va être de ne pas se trouver dans les mauvais dos car plusieurs spécialistes du monté sont en préparation. On va faire petits bras et, si ça se passe mal, je ne vais pas insister."

D'ores et déjà la meilleure de sa famille

Sixième produit et deuxième qualifié de TULIPE DE MEAT 1'18m. (Gaulois Castelets), titulaire d'un podium sous la selle en tout et pour tout, JONQUILLE DE MEAT (Aldo des Champs) est déjà la représentante phare de sa famille sur trois générations. Issus d'une sœur de sa mère, ses cousins CORNULIER DU TAM 1'13m. (Du Bois de Santal) et DIAPASON DU TAM 1'13m. (Paléo du Fruitier) étaient les figures notables précédentes.

		Prince d'Espace 1'11''7	Himo Josselyn 1'13''3
	Aldo des Champs 1'11''4		Eden's Star
		Noumea des Champs 1'19''4	Dahir de Prelong 1'14''2
JONQUILLE DE MEAT			Harissa du Roumois 1'22''0
		Gaulois Castelets 1'14''8	Viking's Way 1'15''6
	Tulipe de Meat 1'18''4		Pandora 1'25''3
		Ficoide d'Aubier	Quiton du Coral 1'15''0
			Tiare d'Aubier

Comme pour Frédéric Guinhut, courir un Groupe 2 est une première pour Hubert Babin, que ce soit en tant qu'éleveur ou propriétaire, lui dont la casaque n'a fait son apparition sur les programmes qu'au cours de l'été 2022. "J'avais été associé sur d'autres chevaux mais je n'avais pas mes couleurs, raconte celui qui a fait sa carrière dans le monde agricole. Je les ai prises car je partage la propriété de "Jonquille" avec Jean-Yves Percher, un ami viticulteur à la retraite comme moi." C'est par les courses de pays auxquelles il participait que l'Angevin est venu à faire de l'élevage au cours des années 1980. "À cette époque, j’ai acheté une jument, MELISSA DE SASSY, qui m’a fait un poulain, le premier à naître à la maison. Il s'appelait TINO DE MEAT et a pris pas loin d'un million de francs. C'est ce qui m'a incité à continuer. Mais il a fallu être courageux bien des fois…", ne cache pas celui qui a tiré le nom de son label d'un village voisin de Doué-la-Fontaine. Aujourd'hui, Hubert Babin n'a plus qu'une seule poulinière, car il a dû se séparer de la mère de JONQUILLE DE MEAT, son dernier produit. "Elle n'a pas été heureuse à l'élevage jusqu'à la naissance de "Jonquille" et n'avait plus le droit d'être saillie, poursuit-il. Pour un éleveur comme moi qui n’ai donc plus qu’une seule poulinière, c’est beau de courir un Groupe 2."
Cette poulinière est la mère d'IDOLE DE MEAT, qui est à l'origine de la collaboration entre l'éleveur et l'entraîneur. "Je lui ai vendu de l'avoine qu'il est venu chercher chez moi et je lui ai alors proposé d'essayer IDOLE DE MEAT qui était débourrée. L'essai a été concluant", confie encore Hubert Babin, qui ne se départit que rarement d'une casquette. Celle-ci et JONQUILLE DE MEAT sont deux filles d'Aldo des Champs auquel l'éleveur a régulièrement été depuis qu'il a été stationné au Haras du Lion-d'Angers.
Frédéric Guinhut connaît bien les produits d'Aldo des Champs. "Quand j'étais prestataire chez Matthieu Abrivard, je me suis occupé notamment de l'un de ses fils, HALDO DES CHAMPS, rapporte l'entraîneur qui se consacre de nouveau entièrement à sa seule écurie. J’ai eu ensuite d’autres produits d’ALDO DES CHAMPS à m’occuper, tant et si bien qu’aujourd’hui mon effectif est composé à pas loin de 50 % de ses fils et filles. Ce sont des chevaux qui ont une particularité, c’est-à-dire qu’ils ont du caractère et du tempérament. Le matin, ils ne font pas spécialement voir beaucoup de choses. Mais ce sont des chevaux de courses l’après-midi." JONQUILLE DE MEAT entend en être un bon exemple samedi.

Le meeting d'hiver de JUST LOVE YOU (Love You) s'est interrompu brutalement le 13 janvier quand elle a été l'une des victimes de l'accident de circulation du camion de l'écurie Abrivard dans lequel se trouvait aussi Alexandre Abrivard. Si celui-ci espérait pouvoir aussi faire son retour à la compétition avant de devoir prolonger sa convalescence, la jument sera bien au départ samedi sur le parcours classique de Vincennes où elle est devenue lauréate de Groupe 1 en janvier 2023. Quand bien même elle n'a pas couru depuis trois mois et demi, la jument de Michèle Bliard qui sera drivée par son entraîneur Laurent Abrivard doit avoir sa place sur le podium.
Alors que les classiques sous la selle JOUMBA DE GUEZ (Carat Williams) et JESSY DE BANVILLE (Boccador de Simm) resteront ferrées, JOCONDE SIBEY (Timoko) sera elle pieds nus pour la première fois en respectant ainsi le programme fixé par son entraîneur Jean-Michel Baudouin - représenté aussi par JOLIE POUPEE (Quaker Jet) - depuis la fin de son meeting d'hiver quand elle s'imposait du minimum aux dépens de JAMAICA D'AURCY (Cristal Money) qu'elle retrouve. Sur la ligne de départ de ce Groupe 2, JEEGHA PRIDE (Charly du Noyer) aura aussi logiquement des ambitions pour une place sur le podium comme peut l'envisager JOLIE STAR (Love You), récente bonne gagnante à Laval.