L'Ecurie du Damier, tous les feux sont au vert
Depuis un mois, soit la mi-avril, elle est en tête du tableau des propriétaires. L’Ecurie du Damier affiche sur la période un total de 14 victoires et le taux exceptionnel de 40 % de réussite gagnante. Ce festival est orchestré par l’entraîneur particulier Jean-Rémi Delliaux, metteur au point dans l’ombre, mais aussi les quelque autres entraîneurs au service de l’Ecurie créée par Eric Bée. L'entité nordiste attend aussi le retour aux affaires durant l’été de son champion Justin Bold avec le Critérium des 5 Ans (Gr.1) en point de mire, le 14 septembre prochain. Rencontre avec Eric Bée, le propriétaire, et Jean-Rémi Delliaux, l'entraîneur.
Le motif de sa casaque - damiers verts et blancs - s'est décliné dans le nom de l’Ecurie du DAMIER il n’y a pas si longtemps, en 2020. Pour sa cinquième saison, la structure créée par Eric Bée continue son essor. Elle est sur des bases supérieures à l’an dernier (un exercice finalisé par 40 victoires et 941.000 € de gains cumulés). L’homme n’est pas un inconnu. Il a mis un pied dans les courses il y a plus de trente ans. Il s’est formé, a appris et noué des amitiés, comme celle qui le lie à Jean-François Senet chez qui il a eu ses premiers chevaux. Entrepreneur, à la tête d’une PME dans le secteur de la collecte et du traitement des déchets, Eric Bée a le tutoiement facile, n’aime pas les barrières et parle des courses avec enthousiasme : "J’adore les gens qui font le métier des courses. Je suis vraiment très respectueux de leur engagement, de ce qu’ils font. C’est un métier où rien n’est simple et il n’est pas question de rendre les gens jaloux. Nous avons eu la chance de croiser un très bon cheval comme JUSTIN BOLD. Il faut que cela dure."
Le top-4 des propriétaires du 13 avril au 16 mai
#. Propriétaire : courses – victoires – Gains (€)
1️⃣. Ecurie du Damier : 33 – 14 – 124.680 €
2️⃣. Yannick Alain Briand : 129 – 12 – 226.960 €
3️⃣. Ecurie Jean Paul Marmion : 53 – 11 – 236.080 €
4️⃣. Ecurie du Haras d'Erable : 50 – 11 – 217.020 €
Eric Bée : "Nous ne sommes pas dans l’intensif mais dans l’extensif"
24h au Trot.- Le début de saison 2024 est dans la continuité des années précédentes avec une tendance en hausse de vos résultats. Le bilan de votre dernier mois est renversant (14 victoires en 33 courses). Quelle explication pouvez-vous apporter ?
Eric Bée.- Le fait qu’on prenne notre temps avec nos représentants. C’est vraiment notre méthode. On ne court pas trop nos chevaux et nous avons par exemple laissé nos 3 ans, moyens au départ, prendre de la maturité. C’est facile pour eux à 4 ans dès lors qu’ils trottent un peu et qu’ils affrontent des adversaires qui ont couru 20 ou 25 fois. On est là en début de saison avec des chevaux qui n’ont pas trop de gains. Jusqu’à 20.000 €, cela va être facile pour eux. Voilà une explication au service de nos bons résultats qui s’enchaînent lors de ce printemps.
Votre effectif n’a fait qu’augmenter depuis la création de l’Ecurie du Damier en 2020. Où en êtes-vous ?
E.B.- On a une trentaine de chevaux à la maison (sur le site de Marck) mais tout n’est pas chez nous. Au total, on arrive à une petite cinquantaine de chevaux avec ceux qui sont en repos et chez d’autres entraîneurs. On ne va pas pouvoir tout garder d’autant plus qu’on a pas mal de "M" qui trottent. Il y a des chevaux qui vont faire la saison et que nous vendrons. On va peut-être se tromper à ce moment-là et ces chevaux feront aussi le bonheur d’autres propriétaires. Je suis là, on est là avec mon équipe pour prendre du plaisir.
Quelle est votre ligne directrice ? Quel principe suivez vous dans le domaine hippique ?
E.B.- Je suis passionné par les courses, la génétique, la race du trotteur. Je ne fais pas cela pour gagner de l’argent. Mes chevaux ne courent pas après l’argent. Il faut évidemment garder un œil sur l'équilibre des comptes mais je ne suis pas dans une logique de rentabilité. On n’est pas aiguisés comme une grande maison. Avec Jean-Rémi Delliaux, on ne travaille pas avec les mêmes méthodes qu’un entraîneur public. Notre truc n’est pas "d'usiner". Aujourd’hui, beaucoup exploitent de manière intensive alors que nous, nous sommes plutôt dans une démarche extensive. Soit dit en passant, je ne voudrais pas avoir des clients et rendre des comptes. Notre approche n’est pas celle d’un entraîneur public. Je ne m’entendrais pas avec des propriétaires et ils ne comprendraient pas pourquoi on court si peu.
L’effectif de l’Ecurie du Damier
L’effectif de l’Ecurie du Damier est désormais de l’ordre de 45 à 50 chevaux. La partie principale de l’effectif est confiée à Jean-Rémi Delliaux, entraîneur particulier (de l’ordre d’une trentaine). C’est lui qui a la charge de la perle et classique
JUSTIN BOLD (395.200 € de gains) mais aussi de
DORUN BEAM (235.770 €), d'
HELLO PANAME (216.115 €) et d’
INEDIT DU GADE (128.740 €).
Quelques chevaux sont confiés à des entraîneurs extérieurs au gré de rencontres et d’histoires particulières. C’est actuellement le cas de huit représentants :
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GADGET DU GADE et
LORENZO GEDE sont entraînés par Jean-François Senet
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JUPITER TURGOT par Charley Mottier
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JOLI ALEZAN par Arnaud Ledoyen
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KAMPALA DU DAMIER par Noël Langlois
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KHAN et
LYS DE VANDEL par Jean-Marc Gorain
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LYS DE LA BESVRE par Franck Chartier
Lord de Loiron, premier de cordée des 3 ans
Deux 3 ans de l’Ecurie du Damier ont débuté à ce jour :
LORENZO GEDE (
Orlando Vici), sous l’entraînement de Jean-François Senet, et
LORD DE LOIRON (
Royal Dream), sous celui de Jean-Rémi Delliaux. Ce
Lord est invaincu en deux tentatives (à Saint-Omer et La Capelle) et suscite de grands espoirs. C’est un 3 ans d’avenir pour Eric Bée qui nous déclare :
"Il fait de très belles choses le matin sans aller très vite. Pour l’instant, il a couru sans travailler et n’a gagné que sur sa classe. On va maintenant attendre un mois et demi ou deux mois avant de le recourir." Jean-Rémi Delliaux ajoute :
"On pourrait aller à Vincennes avec mais on va attendre après l'été. Et on en abusera pas cette année." Au total, Eric Bée parle de trois ou quatre 3 ans de qualité, ajoutant notamment :
"Nous avons aussi une fille de Bold Eagle, LIRYA DE REVE D'OR, qui sort du lot. Elle a eu un petit souci et elle ne sera vue que dans plusieurs mois. Le temps joue pour elle."
© ScoopDygaEric Bée Un site qui va se moderniser
Historiquement créé par l’Ecurie Mexique Ranch (fondée par Bernard Happiette), copropriétaire dans les années 2010 de
TAG WOOD, le site de l’Ecurie du Damier est le long de la plage, sur la commune de Marck, dans le Pas-de-Calais. Un nouveau barn va être prochainement construit à la place d’anciens boxes.
"Il sera plus fonctionnel et apportera plus de confort au personnel et aux chevaux" précise Eric Bée.
"Avec notre piste et la plage à quatre-cents mètres, on est super bien installés. Les chevaux travaillent avec beaucoup de confort grâce à la qualité des sols."
Cela veut dire que votre équipe travaille sans pression ?
E.B.- On peut le dire. Et dire aussi que notre outil de travail est adapté à cette logique. Nos chevaux sont préparés sur la longueur. On travaille sur une petite piste de 800 mètres et sur la plage voisine de quelques centaines de mètres. On n’a pas l’outil et l’expérience pour faire des 2 ans par exemple. Nos chevaux évoluent dans beaucoup de confort, notamment sur nos sols. Notre méthode correspond bien à nos chevaux avec beaucoup de temps passé dans le calme, en faisant beaucoup de foncier. Il y a une équipe de sept personnes à l’écurie pour une trentaine de chevaux, ce qui permet de présenter en courses des chevaux toujours en condition.
Et l’élevage dans tout ça ?
E.B.- Je n’y suis pas très engagé. J’ai trois ou quatre poulinières, souvent en partenariat avec des éleveurs que je connais.
Votre politique passe résolument par l’achat ?
E.B.- On achète facilement entre dix et quinze poulains par an, notamment chez Arqana Trot, que je considère comme un super partenaire. En fait, je n’invente rien. J’essaie de faire tout ça avec beaucoup de bon sens.
Sur le sujet de la politique d’acquisition de son employeur, Jean-Rémi Delliaux ajoute :
"Quand un cheval lui plaît, il n’hésite pas à mettre le prix. Il achète des yearlings avec des beaux papiers et investit beaucoup. Il mérite d’avoir la réussite en retour. Il n’achète jamais un cheval sans m’en parler. C’est un vrai passionné qui regarde les dernières courses de tous nos adversaires avant de courir. Il pourrait être pronostiqueur (rires)."
Totale confiance entre Eric Bée et Jean-Rémi Delliaux
Eric Bée et Jean-Rémi Delliaux se connaissent depuis plus de trente ans. "Je l’ai croisé à ses débuts chez Jean-François Senet. Ensuite nous étions toujours en relation quand il s’occupait de l’Ecurie Mexique Ranch." Bref, voilà une relation de trente ans dans les chevaux qui permet de comprendre le propriétaire quand il déclare au sujet de son entraîneur : "C’est quelqu’un qui n’est pas très démonstratif. Il est plutôt toujours dans la réserve. Il ne va pas prendre la parole quelque part. C’est un mec bien. Avec Jean-Rémi, on partage beaucoup nos avis et on travaille dans le partage." Eric Bée fait les engagements mais la décision de courir "est collégiale".
Né en 1970, passé par l’école de Graignes, en apprentissage dans le Nord chez M. Viale, Jean-Rémi Delliaux a le bagage complet d’un professionnel qui a aussi voyagé. Six ans en région toulousaine chez Jean-Louis Charlemagne, il a ensuite été au service de Jacky Bethouart. Il s’installe en 2003 comme entraîneur de l’Ecurie Mexique Ranch, sur le site où il est toujours aujourd’hui, au service de l’Ecurie du Damier. "Il n’y avait rien à l’époque sur le site", précise t-il. Pour Mexique Ranch, Jean-Rémi Delliaux a eu en charge Lear Fan, bon vainqueur parisien. Sur sa longue histoire commune avec Eric Bée, le professionnel confirme : "Je le connais depuis l’âge de 14 ans quand j’étais en apprentissage. Je l’ai toujours fréquenté dans les courses." Et peu avant 2017, quand Bernard Happiette, fondateur de l’Ecurie Mexique Ranch, décide de vendre son site, Jean-Rémi Delliaux se tourne vers Eric Bée. L’histoire de l’Ecurie du Damier peut alors commencer.
© ScoopDygaJean-Rémi Delliaux Un personnel venu du monde équestre
L’Ecurie du Damier s’appuie sur une équipe de sept personnes. Avec une particularité nous apprend Eric Bée : "À la base, ce ne sont pas des personnes qui viennent du milieu du trot. Jean-Rémi les a formées à sa façon." L’entraîneur explique pour sa part : "Il n’y a que des femmes autour de moi qui viennent du milieu équestre. On a une bonne équipe. Je trouve que ces personnes qui viennent des chevaux de selle sont plus douces avec les chevaux. Elles sont aussi très scrupuleuses dans l’application des consignes lors d’un travail par exemple. Gaëlle, qui a la responsabilité de Justin Bold et qui travaille avec moi depuis longtemps, a une très bonne main. Quand Justin Bold est ici, elle le sort à la mer tous les après-midi."
Focus sur Justin Bold
Au sujet de la trajectoire de l’élève de Jean-Pierre Dubois acheté 105.000 € lors de la vente du Prix d’Amérique 2022, Eric Bée explique :
"Justin Bold adore travailler sur la plage. Il va dans l’eau trois ou quatre fois par semaine. Il est fantastique à la plage. Sa santé n’a fait qu’évoluer dans le bon sens chez nous. Tous ses soucis de départ, dont ses sensibilités aux pieds, disparaissent. On lui a donné du confort et il a travaillé gentiment. Il est en train de nous rendre tout ça."
Jean-Rémi Delliaux décerne aussi des louanges à son meilleur pensionnaire :
"Je ne sais pas si on en retrouvera un comme lui. J’espère évidemment car dans les jeunes il y en a qui font un peu rêver. Justin Bold a un sacré mental. Il est très accrocheur et ne lâche jamais. Je pense qu’il va encore progresser. Quand on l’a reçu, il avait très mal aux pieds et tournait très mal à gauche. Avec beaucoup de soins et de temps, il est désormais bien à gauche."
Un possible retour de Justin Bold en Belgique
Arrêté trois semaines après sa victoire dans le Prix Ovide Moulinet (Gr.2), en février,
Justin Bold est actuellement stationné dans l’établissement de Tony Le Beller sachant qu’il effectue sa saison de monte à quelques kilomètres de là, au haras du Mont-Goubert, où il est complet. Le 5 ans travaille sous la responsabilité de Gaëlle, une salariée de l’Ecurie du Damier, spécialement détachée pour s’occuper du cheval. Elle a aussi à sa charge quatre ou cinq poulains (des "M"). Jean-Rémi Delliaux va travailler
Justin Bold de temps en temps comme il est allé le faire cette semaine. L’objectif est le Critérium des 5 Ans (Gr.1), le 14 septembre. L’entraîneur nous précise :
"Pour sa rentrée, tout dépendra de la condition qu’il affichera dans les prochaines semaines, en fonction de la fin de sa saison de monte. J’aimerais bien qu’il fasse sa rentrée en juin et je préférerais une épreuve pas trop difficile. Je pense par exemple à une course en Belgique, à Mons, même s'il devrait y rendre 25 mètres. Mons est tout près de la maison."
Eric Bée, PDG d’Astradec
Leader dans le Nord de la collecte et le traitement des déchets, sur tous les marchés (pour les professionnels, les collectivités et les particuliers), Astradec a connu une croissance fulgurante. Le groupe compte désormais 300 salariés. Organisé en filiales, le groupe est présidé et dirigé par Eric Bée. Cela n’empêche pas le fondateur de l’Ecurie du Damier de prendre des nouvelles quotidiennement de son écurie. "Je fais un point avec Jean-Rémi Delliaux tous les jours à 13 heures. J’arrive toujours à m’isoler 5 ou 10 minutes. Et je peux aussi faire un point le soir."
© AprhJustin Bold dans ses oeuvres à Vincennes