Avec Harry de Sassy, leur Elitloppet était à Éauze

Dans l’histoire qui unit au-delà des liens d’amitié quatre jeunes professionnels à travers Harry de Sassy, vainqueur de l’étape du Trophée Vert à Éauze, c’est un peu de la magie des courses de chevaux qui opère encore une fois. On ne prend sûrement aucun risque en affirmant qu’il ne courra jamais les plus grandes épreuves de Vincennes mais n’est-ce pas après tout le cas de l’écrasante majorité des trotteurs qui naissent chaque année ? Pourtant, il est un cas très particulier et même unique pour ses quatre associés. Ce qui est déjà beaucoup. On vous raconte son histoire alors qu'il sera dimanche au départ de l'étape d'Arras.

Il y avait comme un vent de fraîcheur à voir Mathilde COLLET, émue au point de trouver difficilement ses mots, venir à la rencontre de HARRY DE SASSY (Quaro) et Jules LEROULLEY alors que ces deux-là venaient de remporter l’étape du Trophée Vert d’Éauze dimanche dernier. "J’ai eu l’impression de gagner l’Elitloppet, dit-elle en souriant et en faisant référence à la grande course suédoise qui se déroulait à peu près au même moment à 2.500 kilomètres de là. On a défilé devant le public. Même s’il n’y avait pas beaucoup de monde, on était content." C’est un sentiment qui ne quitte pas non plus ses trois associés que sont donc Jules Leroulley, Charley HESLOUIN et Charley MOTTIER depuis que ce cheval élevé par les époux Bourdin dans le Calvados - Danièle Bourdin est la petite-fille de Louis Danneville, l’homme du label "Sassy" dont est issue notamment Odile de Sassy, qui deviendra la mère du grand étalon Sharif di Iesolo - a rejoint les boxes de l’entraîneur mayennais au début de l’année 2021 après que son premier metteur au point, Franck Bézier, a cessé son activité. "J'ai reçu Harry de Sassy en location avec une option d'achat, mais mon associé initial s'est désisté", raconte Charley Mottier. Il propose alors à Mathilde Collet, sa compagne de l’époque, et à son ami Charley Heslouin de s’associer. "Un jour, Charley m’a appelé pour me dire qu’il allait lever l’option sur ce cheval et me proposer de prendre un bout, témoigne ce dernier. J’ai dit oui. Je ne l’avais jamais vu mais c’est une confiance entre nous deux. On fait régulièrement cela."

"Je voyais le cheval faire des fautes à l’entraînement et, dans le même temps, Charley me poussait à acheter une part", en sourit aujourd’hui Mathilde Collet. C’est d’ailleurs sous les couleurs de celle-ci que Harry de Sassy passera sitôt après avoir gagné sa première course pour son nouvel entourage au Croisé-Laroche, le 1er mars 2021. Une course qui est gravée dans la mémoire de Jules Leroulley, le quatrième et… dernier associé. "Je m'en souviens très bien, dit-il. Il s'était pointé au départ et avait échappé, mais il avait gagné quand même ! Je venais d'arriver au sein de l'écurie de Charley (Mottier) et je l'avais vu trotter le matin à l'entraînement. Je l'avais aussi un peu trotté moi-même. Il était fautif mais dégageait quelque chose." Au point que le jeune apprenti va franchir le pas. "J'y suis allé au culot en demandant à Charley (Mottier) s’il y avait une part à acheter, raconte-t-il. Il m’a répondu oui et m’a vendu cette part sur la même base qu’il avait acheté le cheval. C’était un peu un cadeau car il avait vu entretemps les capacités de "Harry"." En course, Harry de Sassy démontre en effet un vrai potentiel et réalise un printemps 2021 presqu’idéal : six courses, quatre victoires de rang, deux accessits.



La seconde moitié de sa véritable première année de compétition sera dans la même tonalité, avec trois nouveaux succès dont un à Vincennes, le premier pour la casaque de Mathilde Collet. Les quatre associés ne peuvent que se réjouir de leur achat. "L’histoire est formidable", concède volontiers Charley Heslouin. "Pour ma part, je suis passager clandestin dans le sens où je ne fais pas grand-chose, à part payer les factures de pension, s’amuse-t-il. J’ai juste acheté une bride à ses couleurs. Mais je suis très heureux de le voir chez les autres prendre de l’argent et de vivre ce genre d’émotions."
Jusqu’au mois de mai de son année de 5 ans, Harry de Sassy évolue sous l’entraînement de Charley Mottier. "C’était très bien mais, comme Charley trouvait que le cheval était un peu souffreteux et que Jules s’installait, on a décidé de le mettre chez lui pour le pré-entraînement afin de bénéficier des bienfaits de la plage."

C’est l’une des autres facettes de cette histoire qui unit de jeunes professionnels dans un vent de fraîcheur au sein d'un métier qui en manque parfois sous le poids de la compétition. Quand l'un d’entre eux décident de s’installer à son compte, alors qu’il vient tout juste de passer professionnel, les trois autres sont en soutien pour l’épauler dans ce nouveau départ. "Je suis resté un an et demi environ chez Charley. J’avais l’intention de vite m’installer une fois obtenue ma 50ème victoire, revient Jules Leroulley, passé auparavant chez Charles Cuiller notamment. Je ne voulais pas attendre que l’on m’oublie pour le faire. Je considérais que quitte à se lancer comme entraîneur, il fallait le faire jeune." L'ancien pensionnaire du centre de formation du Stade Malherbe de Caen - "je n'ai aucun regret car je ne serais jamais devenu joueur de foot professionnel" - met ses paroles en acte et s'installe en 2022.
Parmi ses premiers partants, il y a un certain Harry de Sassy. "Charley m'avait toujours dit qu'il m'aiderait en me mettant des chevaux au pré-entraînement, ce qu'il fait d'ailleurs toujours, confie Jules Leroulley, forcément sensible à cette attention. "Harry" a fait partie des premiers." "Jules a l'occasion d'aller sur la plage avec ses pensionnaires et cela convient bien à "Harry", explique Charley Mottier. Je devais récupérer le cheval une fois prêt à courir et, comme Jules fait du très bon boulot, c'est tout naturellement que nous avons décidé d'un commun accord de lui laisser à l'entraînement."


À l'heure de la rentrée 2023 de celui-ci, Charley Mottier décide de laisser le cheval chez son jeune collègue. Un choix payant puisque Harry de Sassy s'impose d'emblée sur le gazon de Nort-sur-Erdre. "Tant que tu gagnes, tu le gardes !" Tel est le message de Charley Mottier à Jules Leroulley. Une injonction que le jeune entraîneur prend tellement au pied de la lettre qu'il reconnaît une certaine appréhension au fur et à mesure des courses "même si je savais que Charley disait ça en rigolant". Reste que l'histoire est savoureuse. Vainqueur ensuite à Rambouillet dans l'étape du Trophée Vert des Apprentis où il permet à Alexandre BODIN de passer pro, il est battu à Sablé-sur-Sarthe la fois suivante avant de récupérer la victoire après enquête !



La volonté de bien faire et ne pas décevoir ses associés est constamment présente chez Jules Leroulley même si Harry de Sassy n'est pas un cheval comme un autre pour le jeune homme. "Moi qui ne suis jamais trop optimiste, bien souvent par peur d'être trop déçu, j'ai pleine confiance dans "Harry", dit-il, même si je sais très bien qu'il sera battu un jour. Il l'a d'ailleurs déjà été." Même s'il se dit passager clandestin dans l'histoire, Charley Heslouin est un observateur attentif : "Au fur et à mesure, Jules a toujours fait du super boulot. C'est normal que le cheval reste chez lui. Il prend son temps et toutes les précautions qu'il faut. En plus, ils s’entendent bien en courses". En sept associations, le tandem s'est en effet imposé à six reprises, la septième s'étant soldée par une disqualification.


La dernière victoire en date remonte à une douzaine de jours quand Harry de Sassy a donc remporté la 4ème étape du Trophée Vert à Éauze. Le circuit sur les meilleures pistes en herbe semble comme une évidence pour ce spécialiste qui a gagné 10 de ses 17 courses sur cette surface. "C'est le vrai bon cheval d'herbe", insiste son entraîneur. Mais trouver sa place au départ d'une étape n'est pas toujours une sinécure : on en veut encore pour preuve les quinze éliminés lors de l'étape de dimanche dernier à Alençon. À ce sujet, Jules Leroulley disait d'ailleurs dans le Gers : "Le plus dur a été d'avoir une place au départ d'une étape". Par conséquent, il ne fallait pas laisser passer cette chance et surtout, quitte à devoir faire 1.500 kilomètres aller-retour, gagner ! "Cette victoire dans le Trophée Vert lui ouvre de nouvelles portes", se réjouit Charley Mottier. "Ça apporte une saveur particulière de gagner une étape du Trophée Vert après avoir déjà remporté un Quinté+ à Feurs, commente pour sa part l'autre Charley. Il est en route pour le circuit, ça peut être vraiment intéressant pour lui."
Outre le fait d'offrir un cadeau d'anniversaire à Jules Leroulley, qui a fêté ses 26 ans trois jours plus tard, le Trophée Vert est aussi l'occasion de partager des moments. Mathilde Collet, qui poursuit sa carrière dans le Sud-Ouest, était ainsi présente à Éauze et le sera à Royan (le 14 juillet) si Harry de Sassy est de la partie, ne dit pas autre chose : "Je ne le voyais plus trop depuis que je suis ici. Alors, c’était trop cool de le revoir, de s’en occuper un peu et de le voir gagner". Le voir gagner, ses quatre associés en ont l'habitude puisque Harry de Sassy affiche plus de 48 % de réussite à la gagne !