Vers un grand match au sommet du trot européen
C'est décidément d'actualité : il faut choisir son camp. Celui d’Horsy Dream ou celui d’Idao de Tillard ? Qui vote pour qui ? Sans oublier un possible troisième larron, un éventuel outsider, comme toujours. Il n’empêche que c’est l’explication entre Horsy Dream et Idao de Tillard qui, avant le coup, focalise l’attention dans le Prix René Ballière (Groupe 1). La confrontation entre le gagnant du Prix d’Amérique et celui de l’Elitloppet, au cours de la même année, y est sinon inédite, du moins fort rare. De la sorte, elle est le principal enjeu du championnat de dimanche.
Du jamais vu depuis plus de quarante ans
Il y a quarante et un ans que le vainqueur du Prix d’Amérique et celui de l’Elitloppet ne se sont pas rencontrés dans le Prix René Ballière. C’était en 1983, l’année de la victoire de Ianthin (Vésuve T), tout auréolé de son sacre suédois, qui survolait la course, de bout en bout, sur le pied de 1’14’’2 – égalant ainsi le record de la piste de Vincennes, préalablement signé par l’américaine Classical Way (Speedy Scot), dans l’édition 1981 du Prix de France –, pour s’imposer aux dépens de Lutin d’Isigny (Firstly) et d’Idéal du Gazeau (Alexis III), lauréat le dernier dimanche de janvier.
©ProvinceCoursesHorsy Dream / Idao de Tillard Onze doublés "Amérique-Ballière"
La passe de deux du Prix d’Amérique et du Prix René Ballière, la même année, soit celle que va tenter Idao de Tillard, dimanche, a été réussie à onze reprises, par le passé. Dans l’ordre chronologique, ce fut par Bellino II, en 1975 et en 1976, Ourasi, en 1986 et en 1988, Sea Cove, en 1994, Général du Pommeau, en 2000, Jag de Bellouet, en 2005, Bold Eagle, en 2016 et en 2017, et Face Time Bourbon, en 2020 et en 2021. Onze fois, donc, mais par, seulement, sept chevaux différents.
Cinq ans plus tôt, en 1978, l’avantage fut également au gagnant de l’Elitloppet,
Hadol du Vivier, brillant vainqueur, alors que
Grandpré, celui du Prix d’Amérique, était disqualifié.
Deux autres fois, depuis la création du Prix René Ballière, sous le nom de Championnat Européen, en 1967, l’explication eut lieu, mais le succès ne tomba pas dans l’escarcelle de l’un ou de l’autre des champions concernés. De la sorte, en 1977,
Bellino II (Prix d’Amérique) et Jean-René Gougeon durent s’incliner face à un
Fakir du Vivier transcendé par Pierre-Désiré Allaire, tandis qu’
Eléazar (Elitloppet) et Léopold Verroken devaient se contenter de la cinquième place. Enfin, en 1968,
Roquépine, qui avait remporté son troisième Prix d’Amérique quelques mois auparavant – une configuration dans laquelle était également
Bellino II dans le contexte à l’instant évoqué –, dut se contenter de figurer, concluant au septième rang, alors que l’américaine
Eileen Eden, gagnante de l’Elitloppet, montait in extremis sur le podium, à la troisième place.
Le syndrome Sugarcane Hanover
En d’autres termes, rien n’est joué et, surtout, rien ne dit que
Horsy Dream (
Scipion du Goutier) et
Idao de Tillard (
Sévérino) sortiront forcément vainqueurs, celui-ci ou celui-là, de la bataille. Un
Hokkaïdo Jiel (
Brillantissime), par exemple, tenant du titre, se tient en embuscade et saura tirer profit de la moindre défaillance des deux favoris, avec le même numéro derrière l’autostart – le 5 – que lors de son succès de l’an dernier. En conséquence, un
Hokkaïdo Jiel tout à fait apte à jouer les
Sugarcane Hanover, lequel, contre toute attente, on s’en souvient, vint arbitrer le fameux duel que se livrèrent
Ourasi et
Mack Lobell, aux Etats-Unis, dans le quasi mythique March of Dimes Trot. Or,
Sugarcane Hanover, clin d’œil du destin, à la présence pourtant exceptionnelle dans le pedigree d’un trotteur français, n’est autre que l’arrière-grand-père maternel d’
Horsy Dream…
Du pour… et du contre !
Si
Horsy Dream prend part, à 7 ans, à son premier Prix René Ballière, ce n’est pas le cas d’
Idao de Tillard, qui était en lice, l’an dernier, mais dont la tentative s’était soldée par une disqualification, le cheval ayant été poussé à la faute à la fin, sous la pression d’
Hokkaido Jiel, après avoir dû faire, il est vrai, un gros effort dans la montée. Il faut dire que son numéro 9 derrière l’autostart, tiré, cette fois, par son grand rival d’hier,
Izoard Védaquais (
Bird Parker), n’était pas favorable et ne lui avait pas occasionné le meilleur des parcours. Cette année,
Idao de Tillard est beaucoup mieux loti, avec le 4, là où
Horsy Dream est moins gâté, avec le 7.
Idao est, de surcroît, ici dans son jardin, n’aimant rien tant, comme en témoigne notre encadré qui suit, que le tracé des 2.100 mètres, avec départ à l’autostart, de la grande piste de Vincennes, où son unique bévue est ci-dessus relatée. En revanche,
Horsy Dream s’y est montré, jusqu’alors, moins performant.
Sur le parcours, avantage Idao
Le tracé des 2.100 mètres, autostart, de la grande piste est réputé comme étant le parcours de prédilection d’Idao de Tillard. En vérité, c’est un fait plus qu’une réputation, car, en six essais, le fils de Sévérino y compte cinq succès, principalement dans le Prix de France Speed Race (Groupe 1), en 2024, dans le Critérium Continental (Groupe 1), en 2022, et dans deux Prix Marcel Laurent (Groupe 2), tour à tour en 2022 et en 2023. Son seul échec est sa disqualification de l’année dernière dans le "René Ballière". En regard, Horsy Dream y est moins performant, puisque, en sept tentatives, il n’a gagné qu’une fois, à la faveur du Groupe 3 Prix de Boissy-Saint-Léger, en 2022, s’est classé troisième à deux reprises ou encore cinquième et sixième, voire a été disqualifié. Son meilleur temps sur le parcours est de 1’10’’1, là où celui d’Idao de Tillard est de 1’09’’4, enregistré dans le dernier Prix de France Speed Race (Groupe 1), dont il s’appropriait, ce faisant, le record.
© AprhPrix René Ballière 2023 Une victoire partout, oui mais…
À ce jour, Horsy Dream et Idao de Tillard se sont rencontrés trois fois, mais sans vraiment combattre. Le 11 février dernier, dans le Prix de France Speed Race (Groupe 1), sur le parcours de dimanche, le plus jeune d’entre eux s’est imposé, pendant que l’autre subissait les rigueurs de la disqualification à la fin, où il n’était pas dangereux, après avoir, cependant, mal voyagé. Inversement, onze mois plus tôt, dans le Prix de Sélection-Prix Face Time Bourbon (Groupe 1), Horsy Dream gagnait, tandis qu’Idao de Tillard était disqualifié à l’entrée de la dernière ligne droite, consécutivement à une gêne ; il s’apprêtait alors à en découdre avec son aîné ; frustrant… Enfin, dans l’édition 2023 du Prix d’Amérique Legend Race (Groupe 1), se partageant les faveurs des parieurs, ils furent, l’un et l’autre, malheureux, Idao de Tillard se montrant fautif dès le premier tournant et étant sanctionné, alors que Horsy Dream, contré, aux avant-postes, puis subissant la course, ne donnait pas sa pleine mesure et ne pouvait que se classer anonyme huitième. Une victoire partout, donc, mais le véritable duel est encore à venir. Sera-t-il, comme on l’espère, pour demain ?
Horsy, dans la spirale du succès ; Idao, de retour sur le théâtre de ses exploits
Pour autant, la forme récente plaide davantage en faveur d’
Horsy Dream, vraiment impérial, le mois dernier, en Suède, ainsi qu’à Enghien, dans le Prix de l’Atlantique. Depuis cet hiver, le fils de
Scipion du Goutier semble avoir franchi un cap, ayant surmonté des ennuis de santé récurrents, inhérents à un problème de trachée, qui, cela va de soi, le handicapaient. Vu deux fois, ce printemps, à Caen et à Solvalla,
Idao de Tillard n’a pas connu la même réussite que lors du meeting d’hiver, quoique son expédition scandinave comporte des excuses. De retour sur le théâtre de ses exploits, il est capable d’un numéro dont il a le secret.
Et maintenant, que le meilleur gagne !
Les circonstances du parcours, aussi, bien sûr, peuvent faire la différence. Mais, surtout, comme on a l’habitude de dire, que le meilleur gagne et que la vérité du jour soit imparable. Il reste que ce ne sera que celle du moment et qu’elle n’est nullement immuable, une revanche étant toujours possible, à plus forte raison dans des conditions différentes, d’endroit, de distance, de saison, etc. Le sport et la compétition sont ainsi faits et c’est tout ce qui en est l’attrait. Pour reprendre notre comparaison initiale, c’est comme le résultat des urnes : celui d’hier n’est pas forcément celui d’aujourd’hui, ni celui de demain ; et vice versa.
En résumé…
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Horsy Dream 1’08’’ ; 1.298.970 euros de gains ; 44 courses, pour 21 victoires, dont 4 de Groupe 1 : Elitloppet, Prix de l’Atlantique, Prix de Sélection-Prix Face Time Bourbon, Prix Ténor de Baune.
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Idao de Tillard 1’09’’4 ; 2.235.660 euros de gains ; 42 courses, pour 30 victoires, dont 7 de Groupe 1 : Prix d’Amérique Legend Race, Prix de France Speed Race, Prix de Sélection-Prix Face Time Bourbon (x2), Critérium Continental, Critérium des 5 Ans, Prix Ténor de Baune.
© Pauline Lefaucheux / Province CoursesLe sacre d'Horsy Dream à Solvalla Six enchaînements "Elitloppet-Ballière"
Le doublé, au cours de la même saison, de l’Elitloppet et du Prix René Ballière, à savoir le challenge dominical d’Horsy Dream, a été mené à bien six fois jusqu’à maintenant. D’abord par Hadol du Vivier, en 1978 ; ensuite par Idéal du Gazeau, en 1980 ; puis par Jorky, en 1981, et Ianthin, en 1983 ; enfin par Sea Cove, en 1993, et Exploit Caf, en 2008.