Arnaud Chavatte : "La régularité est le socle de tout"
Installée depuis bientôt dix ans en Mayenne après avoir quitté la Picardie, l’écurie d’Alain et Arnaud Chavatte s’affirme de plus en plus parmi les plus performantes. Après deux années record en 2022 et 2023, avec 53 et 58 victoires, les sept premiers mois de 2024 et leurs 47 gagnants lui assurent déjà de faire mieux encore. Une réussite qui s’accompagne de ce qui devient de plus en plus une marque de fabrique, à savoir un taux de réussite à la gagne parmi les tout meilleurs du top 20 des entraîneurs. Décryptage avec le fils Arnaud.
24h au Trot - Que vous inspirent les statistiques de l'écurie Chavatte en juillet, à savoir 11 victoires et 11 places en 39 courses, sachant qu’on aurait pu prendre d’autres périodes avec des résultats assez similaires ?
Arnaud Chavatte : Tant mieux ! On est contents. L’année se passe admirablement bien. On a de bons chevaux et une bonne équipe. Quand on est aux courses, on est sous le feu des projecteurs, mais il est important de souligner le travail de l’ombre au sein de l’écurie qui est composée de neuf personnes en tout. Que ce soit mon père, Thomas (Constans) et tous les autres, ils font un travail extraordinaire.
Les chiffres de l’écurie Chavatte en 2024
◆ 56 chevaux
◆ 184 partants
◆ 47 victoires
◆ 25,5 % de réussite à la gagne
◆ 55 places
◆ 55,4 % de réussite sur le podium
◆ 901.345 € de gains
◆ 4.898 €/partant
◆ 16.095 €/cheval
chiffres arrêtés au 30/07
Cela reste quand même des stats impressionnantes, non ?
C’est sûr mais notre politique a toujours été d’essayer de viser juste, hormis les rentrées où l’on est parfois obligés de courir calmement. On essaye toujours et même de plus en plus d’aller aux courses à bon escient. Cela nous sourit. C’est notre façon de faire en déclassant un peu les jeunes et en essayant de pointer juste avec les "vieux", sans avoir peur de rester un mois ou deux sans courir. On cherche vraiment à être performants sur les hippodromes.
Avec 47 succès en cette fin juillet, le record de victoires de l'écurie, qui date seulement de l’an dernier avec 58 gagnants, est d’ores et déjà fortement menacé. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
On va faire mieux, c’est sûr. Nous avons eu la chance de récupérer de bons chevaux qui influent sur les statistiques de l’écurie. Les victoires appellent les victoires. Il n’y a pas meilleure publicité. Quand de bons propriétaires vous sollicitent et que vous recevez de meilleurs chevaux, cela vous fait évoluer forcément. Maintenant, il faut rester à ce niveau-là. Ce n’est pas facile. On a lutté pour réussir à arriver à obtenir ces résultats.
On a lutté pour réussir à arriver à obtenir ces résultats.
Cela fera dix ans l’an prochain que vous avez déménagé votre écurie en Mayenne. Quand vous avez pris cette décision, c’était avec l’idée de se retrouver à ce niveau ?
Oui c’était l’idée mais, après, il y a un monde en ce que vous pensez et ce que vous arrivez à faire. Quand on refait le parcours, il ne faut pas oublier que l’on a eu un peu de chance aussi, même s’il faut la provoquer, en se voyant confier certains chevaux. Je pense à
Jewel De Banville (
Magnificent Rodney) par exemple. Après, il y a du travail derrière bien sûr. Quand on est partis du Nord, c’était pour essayer de gravir les échelons et de s’agrandir, car on était bridés dans une région, le Santerre, où les terres font partie des meilleures terres de culture de France. Elles sont financièrement inabordables et ne sont pas à vendre de toutes façons. Moi j’arrivais à l’écurie après être sorti de l’école et il n’y a rien de pire que de commencer un métier à 18 ans où tu sens que tu es déjà à 150 % de tes capacités. Il y avait alors deux possibilités : soit je partais de mon côté et on se séparait avec mon père avec qui je m’entends très bien, soit on partait ensemble sur un projet plus important mais il fallait aller ailleurs. C’est comme cela que l’on s’est retrouvés en Mayenne.
Vous avez transformé une exploitation agricole en centre d’entraînement et d’élevage, c’est bien ça ?
On a tout créé, des pistes aux boxes, des paddocks aux chemins, etc. Pendant cinq ou six ans avant d’acheter, on faisait des allers-retours réguliers en Normandie notamment. C’est le projet d’une vie et il fallait que cela nous convienne à tous les deux et que l’endroit s’y prête de manière à pouvoir bien évoluer. Ce que l’on a trouvé à Saint-Léger était presqu’inespéré. Aujourd’hui, on aurait du mal à trouver l’équivalent. Les travaux ont duré près d’un an. On a essayé de faire au mieux.
A-t-il été facile de passer d’un établissement que vous connaissiez par cœur à un autre complètement neuf même si vous l’aviez imaginé ?
La première année d’installation en Mayenne a été extraordinaire et la suivante très bonne. Puis, on a été touchés par un problème sanitaire, avec la rhino à l’écurie. On est restés six mois sans courir. À partir de là, il faut se relever, surtout quand tu viens d’acheter. Nos propriétaires ont fait une mauvaise année, nous une très mauvaise. Les investissements se sont faits moins bien. Tu peux faire ce que tu veux, ça te suit deux, trois, quatre ans, parce que tu achètes moins de jeunes, tu en as moins ou pas qui rentrent. Quand on ne te voit plus pendant six mois, plus personne ne pense à toi. Petit à petit, on est remontés et en 2021 on a réussi à faire ce que l’on voulait faire. Il fallait atteindre ce niveau que l’on voulait.
Les Courlées : le lieu idéal
L'établissement des Chavatte père et fils se situe en Mayenne sur la commune de Saint-Léger, à une vingtaine de kilomètres de Meslay-du-Maine. L'ancienne ferme a été transformée en centre d'entraînement pour trotteurs, avec une piste ronde de 1.000 mètres et une autre de 1.300 mètres en ligne droite en sable également, 65 boxes pour un effectif de 50 chevaux à courir auxquels il faut ajouter les poulains, des paddocks avec abri, de multiples petits chemins pour l'échauffement, etc. Le domaine comporte aussi un bois où peuvent se promener les chevaux.
© P. Lefaucheux/Province CoursesAlain Chavatte Aujourd’hui, on peut dire qu'il y a un savoir-faire "Chavatte" identifié.
Cela tend à démontrer que l’on a trouvé un bon équilibre. En changeant d’établissement, on a tout changé : les pistes, la région, le programme de courses, etc. Il a fallu du temps pour se faire aux pistes qui étaient neuves. Ensuite, il a fallu trouver la méthode d’entraînement qui s’y prêtait le mieux. Si vous travaillez de la même façon d’une piste à une autre, vous avez tout faux. Tout ça en plus de la rhino ! Pour les engagements, je passe un temps fou et il a donc fallu que j’étudie le programme régional que je ne connaissais pas. Aujourd’hui, on a trouvé un équilibre avec des pistes qui se sont bien faites. On peut toujours améliorer, mais on est proche de ce qui se fait de bien je pense. Notre méthode ne se veut pas fatigante mentalement pour les chevaux. On travaille nos chevaux évidemment, mais on évite de les rentrer dans la routine. On essaye de garder de la fraîcheur.
Courir à bon escient est une façon de faire mais, si on ne vise pas les courses, ça devient très dur de gagner.
Les engagements sont-ils la clé de tout ?
Cela prend beaucoup de temps, surtout en plein été comme actuellement où vous avez des courses identiques à huit jours. Il faut bien choisir. Le choix de la course est à la base de la victoire. Avec les très bons chevaux, c’est tout simple. Le programme s’impose à vous. Mais, avec la majorité des chevaux, il faut aller sur leurs points forts, sinon vous faites fausse route. Il ne faut pas aller à contre-courant. C’est un travail très important. Courir à bon escient est une façon de faire mais, si on ne vise pas les courses, ça devient très dur de gagner, car la concurrence est très importante.
Le travail en famille n’est pas toujours réputé pour être simple. Qu’en est-il entre votre père et vous ?
Je sais, il y a plein de monde surpris que cela se passe bien entre nous deux. On a aucun souci dans notre relation. On s’entend bien. Il faut s’écouter et accepter de donner un peu les mains libres, ce qui est vrai dans les deux sens. C’est un projet commun que nous avons. Si on ne s’entendait pas, ça ne marcherait pas. On est tous les deux concernés à 100 %. On travaille ensemble même si on a un peu nos chevaux le matin. Mais un élément peut passer d’une main à l’autre, ce qui est une force. Avoir un autre œil est important. C’est vrai aussi avec Thomas (Constans).
Lors d’une récente séance de qualifications à Meslay-du-Maine, vous disiez avoir une génération de "M" exceptionnelle. Vous confirmez ?
Oui. On a des poulains très intéressants. Au fur et à mesure des années, on en essaye plus en quantité et surtout en qualité. C’est à la fois des achats que nous avons faits et des poulains issus de notre élevage et des propriétaires qui ont investi dans de bons papiers et nous les confient.
Comment voyez-vous la seconde moitié de l’année ?
Que l’on continue à avoir de tels résultats. Plus généralement, c’est réussir à toucher des chevaux, de très bons chevaux pour courir les meilleures épreuves. Courir les Groupes est bien sûr un objectif. Mais la régularité avant tout car elle est le socle de tout. Le reste viendra normalement.
Une quinzaine de poulinières
Quand les "Chavatte" ont décidé en famille de venir s'installer en Mayenne, il s'agissait non seulement de créer un centre d'entraînement mais aussi d'avoir une structure pour leur élevage, car leurs poulinières étaient jusqu'alors en pension en Normandie. "Mes parents ont commencé avec une ou deux poulinières, alors que je ne faisais pas encore le métier, se souvient le fils. Petit à petit, le cheptel a augmenté. Cela était aussi l’une des raisons de notre déménagement. Soit on stagnait dans notre élevage, soit on se développait. Aujourd'hui, nous avons une quinzaine de poulinières pour lesquelles nous allons à des saillies plus performantes qu'il y a quelques années. L’élevage est important dans une écurie. Si on regarde bien, tous les entraîneurs qui ont fait une carrière régulière et qui ont duré ont leur élevage."
© Facebook Ecurie ChavatteMatin à l'entraînement