Joachim Lelièvre, l'itinéraire d'un grand frère
Les Lelièvre trustent actuellement le podium des meilleurs apprentis français à l’attelé. Clarisse Lelièvre est deuxième alors que Joachim oscille entre la troisième et quatrième place. Aucun lien de parenté entre les deux. Joachim est, en revanche, le frère d’Enzo Lelièvre, numéro 1 des apprentis attelés en 2020. Voilà un modèle inspirant pour Joachim. Le titre, ou au moins le podium, est clairement sur la feuille des objectifs de l’année. Salarié chez Pierre Louis Desaunette, le jeune homme compte actuellement 40 victoires et est parti pour réaliser sa meilleure saison. Rencontre avec un Normand qui a vu du pays.
"Avec mon frère cadet Enzo, nous ne sommes pas du milieu des courses. Nous y sommes arrivés comme cela, sans raison" commence Joachim Lelièvre. Pas tout à fait sans raison, sommes nous tenter de corriger après avoir pris connaissance du cursus du lad-jockey qui totalise dix victoires en 2024. L’homme de 26 ans a déjà fait une boucle professionnelle qui l’a conduit de sa Manche natale à rejoindre Pierre Louis Desaunette il y a cinq mois, dans la Manche toujours, après être passé par le Sud-Ouest.
Dès mes 14 ans, j’ai commencé à sortir des chevaux
Et le commencement se niche dans l’entité familiale, pas complètement étrangère aux courses. "
Mes parents ont tenu pendant longtemps un bar tabac PMU, nous apprend Joachim Lelièvre.
Et tout jeune, ils m’emmenaient avec mon frère sur les hippodromes. Ils avaient des amis fans des courses et c’était donc notre loisir du dimanche. Nous habitions à Saint-Clair-sur-l’Elle, près de Saint-Lô et on allait par exemple à Saint-Martin de Bréhal. Un de nos amis, l’entraîneur Thierry Aline, nous a vite pris en stage mon frère Enzo et moi. Dès l'âge de 14 ans, j’ai commencé à sortir des chevaux, comme l’a fait mon frère après moi. Et c’est parti comme cela."
Repères sur Joachim Lelièvre
◆ 26 ans
◆ 1 fils de 4 ans
◆ frère aîné d’Enzo Lelièvre (meilleur apprenti attelé en 2020)
◆ 40 victoires à l’attelé (766 courses)
◆ a participé à 120 courses montées
◆ 1ère course : 26 novembre 2013 à Mauquenchy avec Toscan des Corons (Invar) pour l’entraînement de Thierry Aline
◆ 1ère victoire : 6 octobre 2019 à Graignes avec Ezabiau de Goulet (Mourotais) pour l’entraînement de Daniel Delaroche
L'interview
24h au Trot.- Vous avez finalement suivi le cursus classique en passant dans une école des courses ?
Joachim Lelièvre.- Tout à fait. J’ai intégré à 14 ans l’école de Graignes (Campus AFASEC). J’y ai fait mes 4ème et 3ème avec des stages chez Thierry Aline. J’ai ensuite commencé un Bac Pro mais je me suis vite rendu compte que l’école n’était pas faite pour moi et suis passé directement salarié à 16 ans. Je suis alors allé dans le Sud-Ouest, près de Toulouse chez Gérard Marty, par l’intermédiaire de Thierry Aline. Cela a été un vrai bouleversement dans ma vie. Je me suis retrouvé à 16 ans, sans permis de conduire donc, dans une région où je ne connaissais personne, à 700 kilomètres de chez mes parents. Heureusement, Gérard Marty et les siens m’ont pris sous leurs ailes. C’est une écurie très familiale et je n’en ai que des bons souvenirs. Aujourd’hui encore, je les ai très régulièrement au téléphone. J’y suis resté deux ans et demi.
Je me suis retrouvé à 16 ans dans une région où je ne connaissais personne, à 700 kilomètres de chez mes parents
Vous avez alors couru mais vous ne réussissiez pas à gagner. Pas trop difficile pour un jeune qui rêve de victoires ?
J.L.- Si. J’ai eu un moment de doute et j’ai arrêté le métier quelques mois en 2018 avant de reprendre, cette fois en Normandie, dans l’Orne, chez Daniel Delaroche. J’y suis encore resté deux bonnes années. Le Covid est arrivé et j’ai dû gérer des problèmes de santé et familiaux. Nouveau break alors, court de deux mois, avant de repartir chez Emmanuel Varin. Et c’est là que je me suis vraiment déclenché. J’ai beaucoup appris, beaucoup drivé pendant plus de deux ans.
Vous avez déjà un sacré bagage. Qu’est ce qui vous motive aujourd’hui avec cette expérience ? L’entraînement, la casaque et les courses ?
J.L.- C’est vrai que je commence à avoir un peu de métier. Ce qui me porte aujourd’hui, c’est clairement les courses. J’adore mener en courses. J’ai la chance d’avoir dorénavant beaucoup d’entraîneurs qui me font confiance et m’apportent pas mal de montes. On m’appelle aussi avec les pros.
Pensez-vous avoir évolué avec votre expérience ?
J.L.- Oui, c’est certain. J’ai beaucoup couru chez Emmanuel Varin pour qui j’ai été la première monte les week-ends. Je courais tous ses chevaux et c’est comme cela que j’ai appris avec des profils de partenaires très différents dont des chevaux compliqués. C’est ce qui m’a aidé à m’améliorer. Je débriefe toutes mes courses, qu’elles soient bonnes ou non, par vidéo pour apprendre de mes erreurs. Cela occupe toute ma vie. Je peux être vendredi à Toulouse, samedi à Strasbourg et dimanche à Cagnes. Je vis à fond pour les courses. Je considère que j’ai de la chance d’être dans le top 3 des meilleurs apprentis de France. D’autres travaillent autant que moi et n’ont pas cette chance là. Il faut la saisir.
Le regard de Pierre Louis Desaunette
Ils se sont croisés à l’école de Graignes. Joachim Lelièvre et Pierre Louis Desaunette sont des amis de longue date. "Pierre Louis est un grand copain", nous déclare Joachim. "Il recherchait du personnel il y a quelques mois et je n’ai pas hésité. Je savais qu’il allait me faire confiance à la drive." L’entraîneur de son côté nous parle "de quelqu’un d’autonome en qui on peut avoir confiance. En course, il arrive souvent à bien démarrer ses partenaires".
©AprhJoachim Lelièvre Quel profil de chevaux vous attire le plus ? Les jeunes chevaux qu’il faut régler ou les concurrents d’âge qui peuvent courir souvent ?
J.L.- Les jeunes sans hésiter. Quand j’étais chez Emmanuel Varin, je m’occupais de tous les poulains et j’ai par exemple eu la responsabilité de qualifier les générations des « J » et des « K ». J’aime m’occuper des poulains, du débourrage à la qualification. Chaque cas est différent, il y a beaucoup de variété dans ce travail. Il faut tout passer en revue, de la ferrure, au mors, en passant par les protections et l’équilibre. Tout doit être précis. Je pense que cela m’a aussi beaucoup aidé à progresser.
Parlez-nous de cette saison. Vous étiez-vous fixé un objectif ?
J.L.- Je veux cette année me battre pour le titre de meilleur apprenti de France ou, au moins, monter sur le podium. Pierre Louis (Desaunette) me soutient dans ce projet et on va se donner les moyens de relever le défi. Mon frère a été meilleur apprenti de France en 2020 et j’aimerais bien que nous devenions les deux frères à l’avoir fait. Ce serait une première d’après mes recherches. Je pense que cela n’a jamais été fait. J’espère par ailleurs passer professionnel cette année ou en début d’année prochaine. Ensuite, il s’agira de faire ma place comme pilote. Je sais que cela sera difficile mais mon idée actuelle est de me consacrer à la drive.
Joachim Lelièvre, 3ème au classement des apprentis attelés (au 5 août 2024)
1️⃣. Thomas Ducos : 150 points
2️⃣. Clarisse Lelièvre : 140 points
3️⃣. Joachim Lelièvre : 116 points
Que deux frères soient sacrés premier apprenti national est effectivement un scénario rarissime.
J.L.- Et nous sommes partis de rien dans les courses, en tant que frères. Tout ce que nous avons réalisé est le fruit de notre seul travail. Mais il ne faut pas oublier que la réussite personnelle dans ce métier est aussi collective. Je tiens à remercier les entraîneurs qui me font confiance, et en particulier Pierre Louis Desaunette, mais aussi les gens de l'ombre qui apportent leur contribution : mes collègues à l’écurie, les chauffeurs qui nous emmènent aux courses. Ma réussite n'est pas que mienne, elle est aussi celle de beaucoup de gens et de mes amis qui m’encouragent.
Quelle relation entretenez-vous avec votre frère qui est installé entraîneur ?
J.L.- Je le vois tous jours sur la plage d’Utah Beach où nous nous entraînons avec Pierre Louis, avec aussi Emmanuel Varin, les frères Terry et d’autres. On est très proches et soudés. On n’est pas une journée sans s’appeler. Je dis chapeau pour tout ce qu’il a déjà réalisé à 23 ans.
Et vos parents ? On en revient au début de votre histoire puisque tout a commencé avec eux.
J.L.- Ils me soutiennent énormément. Ils ont vendu leur Pmu dans la Manche pour s'installer à Colleville-Montgomery, près de Ouistreham dans le Calvados. Ils sont toujours très présents à mes côtés et aux côtés de mon frère Enzo.
Joachim Lelièvre hors piste(s)
◆ Réseaux sociaux ou jeux vidéos ?
Réseaux sociaux
◆ Follower ou influenceur ?
Follower
◆ Le plat dont vous ne vous lassez jamais ?
Les pâtes carbonara, tout simplement.
◆ Un sport que vous aimez bien suivre ?
Le foot. Je suis un fan du PSG.
◆ Une personne qui vous inspire ?
Dans les courses, je citerais deux personnes. Je suis fan d’Eric Raffin et suis très fier de mon frère Enzo.
◆ Un voyage que vous aimeriez faire ou un pays que vous aimeriez découvrir ?
La Suède. Pour notre métier, cela me semble un voyage à faire notamment pendant le week-end de l’Elitloppet. Cela a l’air grandiose.
◆ Une préférence musicale ?
Je suis classique. La bonne musique française me va très bien.