Nodessa Josselyn : 740.000 €, à jamais la première
22 heures 15, l'ambiance de l'établissement de vente Arqana Trot s'alourdit, comme caressée par un souffle invisible qui ralentit tout. La salle, clairsemée une demi-heure plus tôt, s'est peu à peu remplie entretemps. 22 heures 20, le numéro 140 entre sur le ring. Nodessa Josselyn entraîne avec elle, sans le vouloir sans doute, le silence. La tension est palpable. La scénographie est parfaitement en place. Aux termes de quatre minutes d'enchères, le record d'Europe d'un yearling trotteur tombe. Il est "pulvérisé". La fille de Belina Josselyn est vendue 740.000 €.
Hugues Rousseau, directeur d'Arqana Trot, est à la manœuvre. "Voici la pouliche née de deux vainqueurs du Prix d'Amérique. C'est un cas très rare, une offre exceptionnelle" lance-t-il pour présenter la pouliche, fille de Ready Cash (Indy de Vive) et Belina Josselyn (Love You). Au fur et à mesure des relances, les mots "joyau" et "bijou" feront écho au bruissement de la salle, sourd et crescendo. La première enchère se fera à 110.000 €. Puis, elles montent vite jusqu'à 400.000 €, venant de tous les azimuts de la salle. Puis, le rythme se reprend. En haut de la salle, côté restaurant, deux groupes d'acteurs s'opposent à quelques mètres d'écart. Vincent et Christophe Martens sont entourés de leurs soutiens, Christophe a son téléphone rivé à l'oreille. Les deux font des signes pour monter. Florent Fonteyne (Trotting Bloodstock), avec les frères François, copropriétaires d'Horsy Dream (Scipion du Goutier), fait de même. Mais les deux doivent composer avec Sabine Kagebrant. Dans le couloir central, la représentante de la Stall Courant du Suédois Anders Ström, répond coup pour coup. Le premier à stopper est Florent Fonteyne. "On est allés à plus de 600.000 € mais on ne pouvait continuer", nous dit-il à chaud, la déception dans la voix, le souffle court. Le duel se poursuit. 700.000€. Sabine Kagebrant met encore une enchère, à 720.000€. Christophe Martens répond après avoir reçu un go de son téléphone. 740.000€. Silence. Sabine Kagebrant baisse les yeux et fait non de la main. C'est fini. Une salve d'applaudissements brise la tension, comme un élastique trop tendu casse. Nodessa Josselyn réagit sur le ring, comme apeurée. Le silence revient. Tous les regards vers le haut de la salle.
Christophe Martens frappe dans les mains autour de lui. Il a gagné. On apprend alors qu'il intervenait pour des propriétaires maltais avec en premier lieu Steve Farrugia, propriétaire de Kompany Vincent (Love You).
Les réactions
■ Vincent Martens :
"Je ne m'attendais pas à ça. On s'était fixé un prix et Christophe a géré par téléphone avec le client. C'est un grand honneur de participer à cette aventure. C'est un être unique, il a fallu mettre le prix. J'espère qu'elle sera bonne en course... Ce sera mon job d'ailleurs (rires)."
■ Christophe Martens :
"C'est un prix de fou. On se sent un peu fébrile là maintenant. On a un client qui détient une grosse entreprise à Malte, avec qui on a eu une réussite récente, et il voulait le top. On avait parlé d'une limite à 600.000€ mais il voulait aussi que je l'appelle pendant les enchères et il ne s'est pas arrêté. C'est sa décision. On est fier et content tout en se rendant compte de la responsabilité qui nous incombe maintenant. La pression va être là, pourtant il va falloir aller dormir, ça ne va pas être évident. Elle est magnifique. Son pedigree fait rêver. On verra si on peut aller en Amérique avec elle ou ses produits à l'avenir. C'est un grand investissement. Mais la priorité, tout de suite, c'est de l'assurer !"
■ Pascal Bernard (éleveur et vendeur) :
"J'ai vécu un moment exceptionnel. Sincèrement, j'ai envie de pleurer et je vais pleurer parce que c'est un moment magique qui me ramène cinquante ans en arrière, qui me fait penser à mon père, a tout ce qu'il a fait et ce que j'ai repris derrière lui sans rien connaître aux chevaux. Et puis, ce soir on fait un truc extraordinaire. Je suis content pour toute ma famille, pour mon père, pour toute l'équipe et je voudrais surtout remercier Didier Fouilleul, le responsable de mon haras qui s'occupe au quotidien des yearlings avec Edwige mais aussi Gaëlle, tous les jours du haras. C'est extraordinaire, je les remercie beaucoup. Quand j'ai vu les chiffres monter, je ne comprenais pas bien parce que pour moi 500.000 €, c'était déjà extraordinaire. Je suis très content car la pouliche va chez Christophe et Vincent que je connais très bien."
■ Eric Hoyeau et Hugues Rousseau de concert :
"Ce qui est assez fou c'est d'imaginer qu'il y ait encore quatre enchérisseurs au-dessus de 300.000€ ! Comme quoi, le principe de l'offre et de la demande est toujours roi avec les produits exceptionnels. C'est une fierté pour nous d'avoir organisé cette vente."
740.000 € : nouveau record d'Europe pour un yearling
Jamais un yearling trotteur n'avait encore atteint la barre des 600.000 € en Europe. L'enchère du jour pour
Nodessa Josselyn pulvérise donc les anciennes références et établit un nouveau record proprement historique. Le record sur le ring deauvillais était détenu dans ce créneau des yearlings par
Hunter Valley (Charly du Noyer), qui avait fait afficher 400.000 € en 2018.
©ProvinceCoursesPascal Bernard et Hugues Rousseau Niaouli de Wallis : un éleveur comblé au-delà de ses espérances
Le lot 103
Niaouli de Wallis (Hohneck) est remporté par Florent Fonteyne (Trotting Bloodstock) qui a dû monter jusqu’à 160.000 € pour l’obtenir. "
C’est un poulain qui m’a laissé une super impression quand je l’ai vu au Haras d’Ecouché il y a dix jours. Je l’ai acheté pour une association qui comprendra notamment Marius Coignard et Pascal Garreau. Je suis d’autant plus ravi que l’éleveur du poulain est un ami de longue date qui m’a soutenu dès mes débuts."
Nicolas Claverie est l’éleveur, avec son père, sous le nom de l’Ecurie de Wallis.
"Nous sommes éleveurs sans sol et avons nos chevaux au haras d’Alesa, chez Alexandre de Jésus. Il nous a fallu réduire notre effectif et n’avons plus que la mère de Kataki de Wallis et du poulain que nous venons de vendre, Niaouli de Wallis. Il est prévu que nous réinvestissions. Niaouli de Wallis a toujours été très beau, sortant de l’ordinaire. Notre élevage a été imaginé en hommage à mon grand-père, déjà passionné de courses et éleveur." Après avoir grandi sur l’île de Wallis, connue sous l'appellation de la réunion des îles de Wallis et Futuna, un petit bout de terre situé entre la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, Nicolas Claverie, désormais résident en Ille-et-Vilaine, décide de signer les représentants de son nouvel élevage familial par Wallis. "
Je suis très heureux que ce soit Florent Fonteyne, que je connais depuis longtemps et avec qui j’ai souvent travaillé, qui ait obtenu le poulain. Je souhaite maintenant le meilleur à son nouvel entourage. Quant au prix, il est au-delà ce que j’avais pu imaginer. Nous sommes comblés."
Lot 90 : un match Courant / Bivans
C’est un match de "gros bras" qu’a donné à voir le passage sur le ring du lot 90 New Winner (Ready Cash). C’est le propriétaire suédois Anders Ström (via sa stucture Stall Courant AB), fondateur d'Unibet et de Kindred group, qui a été le plus fort en mettant 190.000 € (bon signé par Sabine Kagebrant). Le sous-enchérisseur a pour nom la Scuderia Bivans d’Antonio Somma. Juste après Sabine Kagebrant signe un nouveau bon élevé au nom de Courant pour le lot 94, une pouliche nommée Newmarket (Face Time Bourbon).
Eric Bée, fidèle à la Beauvoisinière
Propriétaire de
Justin Bold (Bold Eagle), Eric Bée (Ecurie du Damier) a mis 135.000 € pour obtenir le lot 72,
Nesmile (Follow You), présentée par le Haras de la Beauvoisinière. Voilà donc un nouvel achat réalisé dans l’immense stock de Jean-Pierre Dubois. Le propriétaire nous apprend : "
C’est une pouliche qui m’a beaucoup plu lorsque je l’ai vue au haras. Son papier est exceptionnel et j’avais envie d’entrer dans cette grande famille dans une logique d’élevage, en association avec un ami éleveur."
Le coup de cœur de Jean-Pierre Micholet
Jean-Pierre Micholet laisse signer le bon d’achat à 120.000 € pour le lot 80 à Thomas Bernereau et se déplace bon train vers l’autre côté de la salle deauvillaise. Il y rejoint Sébastien Guarato, l’éleveur/vendeur de New Grass (Carat Williams), le premier produit de la classique Green Grass (Bold Eagle). "Nous allons nous associer à 50/50 sur la pouliche", nous apprend Jean-Pierre Micholet. "J’adore cette famille. J’étais fan de Green Grass et ai acheté sa sœur yearling (Magic America) que j’envoie chez Sébastien Guarato. Je suis même devenu propriétaire de leur mère, Tootsie Smiling. J’avais été voir New Grass au haras. Elle me plaisait beaucoup et l’idée est née de s’associer avec Sébastien (Guarato)." Eleveur sans sol, Jean-Pierre Micholet possède 4 ou 5 poulinières confiées au haras d’Ecouché.
Un premier Vandel chez Sébastien Guarato
Sébastien Guarato obtient le lot 53,
Nearco De Vandel (Carat Williams), pour 65.000 €. Il procède à l’achat en association avec Matthieu Millet (Ecurie Hunter Valley). De mémoire, aucun "Vandel" n’a jamais été entraîné par Sébastien Guarato. Un point confirmé par Antoine Besnard, l’animateur avec son fils Marc-Antoine du fameux élevage de la Tour de Vandel. Sébastien Guarato nous confirme aussi :
"C’est un beau poulain que m’a demandé de regarder Matthieu Millet. Il me plait, c’est aussi un fils de Carat Williams. Je vais donc en prendre une part. Et ce sera le premier Vandel que j’entraînerai."
©P.L - Province CoursesNiaouli de Wallis Un début de séance qui manque de souffle
Le lancement de la session a paru difficile. Sur les 50 premiers lots à passer sur le ring, seuls 24 sont vendus (48 %) avec un prix moyen de vente de 53.375 €. L’an dernier, lors de la même vacation, sur le même échantillon des 50 premiers lots présentés, 27 avaient été vendus (54 %) auxquels 2 amiables sont venus s’ajouter portant le total à 29 vendus (58 %) pour un prix moyen de 64.414 €.
Une histoire du jour
Marius Coignard achète le lot 29,
Napoli's Girl (Ready Cash), présenté par le Haras d’Ecouché (pour le compte de Jean-Pierre Barjon).
"Elle m’a tapé dans l’œil lors que je l’ai vue au haras. Son modèle me plaît aussi beaucoup" nous souffle l'entraîneur. Pascal Garreau accompagne l'acheteur et enchérisseur mais
"rien n’est encore fait et il reste maintenant à savoir qui fera partie de l’association autour de cette pouliche". Marius Coignard a été soutenu dans son choix par Séverine Raimond et Cyril Raimbaud, présents à ses côtés lors des enchères mais qui se cantonnent à un rôle de conseil.
Franck Weiss développe son élevage
Dans la grande distribution dans l’est parisien, Franck Weiss (intervenant sous la structure hippique W Racing Trot) est d’abord un éleveur dans l’âme. Il est aux côtés de Claude Guégan qui effectue en son nom l’achat du lot 14
Nacre du Mouthieux (Ready Cash) et nous explique :
"C’est mon ami Jean-Pierre Barjon qui m’a fait découvrir les courses et m’a mis le pied à l’étrier. J’ai désormais sept poulinières chez Clare Kelly. Tout me plaisait chez cette pouliche : son modèle et son papier." Propriétaire un temps de
Gama Bourbon, exporté avec réussite aux Etats-Unis, Franck Weiss investit donc désormais selon des perspectives d’élevage.
La sœur d’Hanna des Molles va chez Thierry Duvaldestin
Thierry Duvaldestin en association avec Philippe Beauvisage a mis 105.000 € pour obtenir le lot 24,
Nana des Molles (Fabulous Wood).
"Elle m’a plu lorsque je l’ai vue chez son préparateur (Elevage Madrik). C’est la sœur d'Hanna des Molles et nous l’avons peut-être payée un peu cher mais c’est la loi des enchères." L’underbidder, à 100.000 €, a pour nom Gaetano Pezone.
LES CHIFFRES APRÈS 143 LOTS
Alors que nous bouclons ces pages, la vente se poursuivait et voici les chiffres-clés provisoires après 143 numéros.
◆ Présentés : 143
◆ Vendus : 84
● % vendus : 58,74%
● Prix moyen : 64.548€
● Médiane : 50.000€
● Total enchères : 5.422.000€
©P.L - Province CoursesLes acteurs du lot 103 : Nicolas Claverie, vendeur, et Florent Fonteyne, acheteur