Hussard du Landret, l'irréductible breton

Pour la seconde année consécutive, le Prix de Bretagne-Amérique Races Q#1, entaché malheureusement par la grave blessure de Ganay de Banville, est remporté par Hussard du Landret, à Vincennes, dimanche. À l'issue d'une bataille à couteaux tirés tout au long de la ligne droite avec le suédois San Moteur, sur lequel il a réussi à conserver un minime avantage au passage du poteau, le pensionnaire de Benoît Robin égale le record de la course détenu depuis 2021 par Face Time Bourbon en 1'11''4. C'est dire si le premier épisode de ces épreuves qualificatives a tenu ses promesses et lancé de la meilleure des manières la course aux Amériques Races.

Si l'histoire entre le Prix de Bretagne-Amérique Races Q#1 (Groupe 2) et Hussard du Landret (Bird Parker) a commencé il y a deux ans de cela sur une note amère en raison de sa rétrogradation de la deuxième à la cinquième place pour avoir été jugé responsable d'une gêne sur une rivale, le champion de Benoît Robin a depuis inversé l'histoire et la douche froide s'est transformée à chaque fois en une ambiance chaleureuse et réconfortante qui enveloppe ceux qui savent qu'ils seront au casting du dernier dimanche de janvier. L'an dernier, l'entraîneur mayennais avait décidé de driver lui-même son cheval avant de le confier pour la suite la suite du meeting à Yoann Lebourgeois.

Même si sa faute dans le Prix d'Amérique Legend Race (Groupe 1) fut une légitime frustration, l'hiver 2023-2024 s'est achevé de la meilleure des manières avec la victoire dans le Prix de Paris-Marathon Race, son second Groupe 1 après le Critérium des 5 Ans. Cette année, Benoît Robin a fait appel dès cette Qualif#1 au pilote normand, histoire sûrement de s'assurer au plus vite de la qualification, indispensable pour son cheval pour être sur la ligne de départ le 26 janvier prochain, alors que le règlement a justement évolué et renforcé le rôle des épreuves qualificatives. "J’avais bon espoir de le qualifier mais peut-être pas de là à le voir gagner, revient-il pour nous, même si je le sentais revenir vraiment bien au travail dans la semaine. Dans le Prix des Cévennes, j’ai vu qu’il avait besoin d’être actionné au travail, sans faire le fou non plus. Dès qu’on le met en mode course, comme je le disais encore cette semaine, ce n’est plus le même cheval."


En mode course, ce n'était pas encore en étant déferré des quatre pieds ce dimanche mais plaqué des antérieurs et déferré des postérieurs. En mode course, Hussard du Landret a été plongé dedans quand il s'est retrouvé le nez au vent dans le wagon de trois en plaine. "Benoît (Robin) m’avait dit que le cheval était bien, qu’il pouvait juste manquer d'explosivité un peu. Ce n’était pas prévu d’aller devant, commente Yoann Lebourgeois. Voilà ça s’est fait comme ça. Il a pris la tête sans forcer, d'autant que Björn Goop a repris son cheval (San Moteur). Quand il est bien, "Hussard" aime bien y aller même si, encore une fois, ce n’était pas prévu dès la première qualification. Il aime bien dominer et a été courageux pour résister à San Moteur. La qualification en poche, on peut travailler différemment. Benoît va gérer cela." À propos du programme à venir, l'entraîneur le définit ainsi à chaud : "Si on n’a pas d’ennui, il va courir les deux prochaines épreuves qualificatives, le prochain sûrement plus calme et le suivant en l’ouvrant un peu, avant de faire l’impasse sur la dernière (Prix de Belgique)".

D'où vient-il ?

Elevé par Jean Daniel, qui en partage la co-propriété, Hussard du Landret (Bird Parker) est le deuxième produit, en même temps que le premier vainqueur, de sa mère, l'inédite Anakine du Bellay (Look de Star). Celle-ci a eu ensuite comme deuxième gagnant Joyeux du Landret. C'est un grand "papier" historique, remontant à la matrone Ralène (1961-Carioca II), la cinquième mère, génitrice des trois classiques, par Quasipyl, que furent Fondon 1'19'' (Prix d'Essai et des Centaures, Saint-Léger des Trotteurs, deuxième du Prix de Vincennes), Gazon 1'17'' ("Président", "Centaures", deuxième du "Cornulier", ainsi que des Prix de Vincennes et des Elites) et Kaolino 1'17'' (deuxième du Critérium Continental). Propre frère de "Hussard", Mirage du Landret s’est qualifié à Laval en septembre.

En s'imposant ce dimanche, Hussard du Landret devient le huitième cheval à inscrire deux fois son nom au palmarès du Prix de Bretagne-Amérique Races Q#1, le premier depuis Davidson du Pont (Pacha du Pont) en 2018 et 2019, alors que Capitole (Passionnant) est le seul cheval à s'être imposé à trois reprises.
Mais s'il est un irréductible breton, c'est aussi parce qu'il est né et a été élevé dans le département de l'Ille-et-Vilaine par Jean Daniel, qui élève depuis plus de trente-cinq ans à Plelan-le-Grand. Une région très active au niveau de l'élevage de trotteurs, puisque dans un rayon d'une dizaine de kilomètres se situent aussi les éleveurs d'autres vainqueurs de Critérium, à savoir le malheureux Scoop d'Yvel (Quadrophénio) et Diego du Guelier (Kepler). "Comme pour beaucoup d’éleveurs, ma première poulinière était mauvaise, la deuxième un peu meilleure et ainsi de suite, nous avait-il confié après le Critérium des 5 Ans de son élève dont il a vendu la moitié à Benoît Robin. Mais mon activité professionnelle dans la génétique des bovins m’a été très utile. J’ai eu des chevaux qui ont pris plus de 100.000 € avant "Hussard". J’ai toujours acheté mes poulinières aux ventes car vous pouvez faire votre choix et n’avez aucune obligation. Je n’ai pas toujours réussi dans mes achats mais je n’ai jamais augmenté mon nombre de poulinières. Jamais plus de trois. Ma grande fierté est de ne m’être jamais dérobé à la loi du nombre tout en étant dans la qualité." C'est ainsi qu'il avait acheté la mère de Hussard du Landret, Anakine du Bellay (Look de Star), pour la somme de 2.000 € à la Vente Mixte de Printemps d'Arqana Trot en 2014.
En janvier dernier, les drapeaux bretons avaient flotté sur Vincennes le jour du Prix d'Amérique Legend Race pour soutenir Hussard du Landret et son entourage via une délégation de bus venus du coeur de la Bretagne. Le lien entre le Prix de Bretagne-Amérique Races Q#1 et les chevaux "bretons" qu'ils l'ont remporté, qu'ils le soient de naissance ou d'adoption par leurs propriétaires - est bien réel, puisque l'on se rappelle de la victoire en 2017 de Valko Jenilat (Kepler) qui courait alors sous les couleurs de l'écurie des frères Raffré.



Pour avoir un grand vainqueur, il faut bien souvent un grand dauphin et cela s'est encore vérifié avec San Moteur (Panne de Moteur) qui a donné une excellente réplique à Hussard du Landret pour son retour à Vincennes qu'il avait quitté il a onze mois par une brillante victoire dans le Prix du Bourbonnais-Amérique Races Q#2. Dimanche, il n'y a pas la victoire au bout du compte, mais il y a plus important aux yeux de Björn Goop, son entraîneur-driver, sur Equidia Racing : "C'est presque plus important de se qualifier que de gagner". Et le Suédois de poursuivre son debrief pour nous : "Il n’avait pas couru depuis longtemps et suis très content de sa course. Je pense qu’il va progresser là-dessus. On est qualifié et on a donc du temps pour le préparer, sans avoir besoin de faire des voyages. On avait loupé l’an dernier cette qualification, ce qui nous avait obligé à faire un autre aller-retour pour le qualifier. Même s’il avait gagné, cela l’avait fatigué. Là, on est bien. Demain matin, il repart pour la Suède".



Alors que, dans une course ouverte, on attendait de Josh Power (Offshore Dream) qu'il se qualifie, il doit se contenter de la 6ème place. Éric Raffin en prend la responsabilité : "J’ai mal drivé. Déjà, je suis parti un peu trop au large. Dans la descente, j’aurais dû rester sur un troisième rang à la corde. Si je cours pour être quatrième, j’y reste. Là, je suis ressorti. J’ai manqué de sang-froid. Le cheval court très bien, mais le driver n’a pas été bon". À l'inverse, Nicolas Bazire ne peut être que très satisfait de la performance de Hooker Berry (Booster Winner) qui n'est jamais aussi bon que dans le rôle de pisteur. "Le cheval était parfait et n’a pas pris dur, ce qui est important. Il finit bien. On est plus serein maintenant que l’on a la qualification, souligne-t-il, ce qui est encore plus important cette année avec le nouveau règlement." Ce n'est pas dans le clan de Just Love You (Love You) qu'on dira le contraire, à l'image d'Alexandre Abrivard, son driver : "C'est un grand moment. Nous revenons de loin après un début d'année compliqué. Sa performance dans le Critérium nous faisait penser qu'elle avait sa place à ce niveau. Elle a vraiment réalisé une belle fin de course, contournant ses adversaires. Ce n'est pas une victoire mais cette quatrième place à la même saveur. Elle tient son ticket pour la "belle" et, même si nous nous présenterons avec une chance d'outsider, cela signifie beaucoup de lui être associé dans le Prix d'Amérique".