Trois profils d'éleveurs réunis par la victoire
Les gagnants des trois Groupes 1 à l’Étrier de dimanche à Vincennes mettent en avant la réussite d’une jeune garde d’entraîneurs trentenaires que sont Thomas Levesque, Alexis Grimault et Mike Izzo comme nous l’avons souligné dans notre précédente édition. S’ils ont ce point en commun, Lexie de Banville, Kalif Landia et Jezabelle Bie, les trois vainqueurs en question, sont en revanche issus de trois élevages structurellement très différents, avec des histoires d’éleveurs qui le sont tout autant, que ce soit la famille Duprey, Roland Foucault ou Jean-Philippe Izzo. Dimanche, ils ont été réunis dans la même quête du Graal d’une victoire au plus haut niveau.
La spécialité de l’Étrier peut difficilement rêver plus belle mise en avant que lors de cette réunion à Vincennes entre le sacre du meilleur 3 ans dans le Prix de Vincennes, troisième et dernier classique de la saison pour cette promotion, et le début de la compétition Cornulier Races avec les Prix Jag de Bellouet et Bilibili, qui délivrent les premiers tickets qualificatifs pour le prochain Prix de Cornulier (le 20 janvier). Dimanche, cette valorisation a rimé avec émotion quand étrier rimait lui avec diversité.
Une diversité de profils d'éleveurs
On veut parler de la diversité des profils des éleveurs vainqueurs des trois Groupes 1 à savoir la famille Duprey, sous la mention GAEC du Petit Banville, associée à Thomas Levesque pour
Lexie de Banville (
Real de Lou), Roland Foucault pour
Kalif Landia (
Un Charme Fou) et Jean-Philippe Izzo, en association avec Martine Bounieux et Jean-Pierre Ensch, pour
Jezabelle Bie (
Dijon). La première est à la tête d’une structure professionnelle d’une vingtaine de poulinières en complément de l’élevage de bovins sur des terres de la Manche. Le deuxième s’est lancé après avoir cédé sa ferme de Préaux en Mayenne à son fils et n’a que deux juments. Installé sur la Côte d'Azur depuis plus de trente ans, le troisième venu aux courses par le jeu est à la fois propriétaire et éleveur sans sol, dont la passion s’est transmise à son fils, Mike, entraîneur public depuis deux ans.
Le Petit Banville, un label de plus en plus classique
Comme lors de la Journée des Champions du 23 juin, l’élevage du
G.A.E.C. du Petit Banville est reparti de la réunion aux multiples Groupes de dimanche à Vincennes avec une nouvelle mention de Groupe 1 qu’il doit de nouveau à sa pépite
Lexie de Banville, co-élevée avec Thomas Levesque et avec lequel la famille Duprey partage aussi la propriété. En l’espace de six mois et après son succès dans le Prix d'Essai-Étrier 3 Ans Finale, la fille de
Real de Lou a donc remporté deux des trois classiques réservés à sa génération à l’Étrier, sachant que l'entourage de la pouliche a volontairement fait l’impasse sur le troisième, le Saint-Léger des Trotteurs à Caen en octobre. C'est dire si elle domine sa promotion.
"Elle fait des performances exceptionnelles", confie admiratif Benoît Duprey à propos de
Lexie de Banville sans oublier de mentionner la 4ème place de
Kelly de Banville (
Eridan) dans le Prix Jag de Bellouet-Cornulier Races Q#1, elle qui a été la dauphine de
Kyrielle des Vaux (
Rolling d'Héripré) dans le Prix du Président de la République-Étrier 4 Ans Finale.
Lexie de Banville fait des performances exceptionnelles. (Benoît Duprey)
En l'espace de trois ans, c'est la quatrième victoire au plus haut niveau de cet élevage manchot.
Ganay de Banville (Jasmin de Flore) dans le Prix de l'Étoile 2021 et
Jessy de Banville (
Boccador de Simm) dans le Prix de Vincennes déjà en 2022 ont en effet montré la voie à leur cadette. Les racines de cette réussite remontent au début des années 1990 quand Jean Duprey diversifie son élevage entre vaches laitières et poulinières trotteuses sur quelque deux cents hectares dans le pays de Carentan. Celui qui a longtemps présidé la société des courses de Graignes a depuis passé le flambeau à ses fils Benoît et Damien. Aujourd'hui, le cheptel s'est développé sous leur action et est composé d'une vingtaine de poulinières, en propriété ou en association comme c'est le cas de la désormais double gagnante de Groupe 1.
"Avec Thomas Levesque, nous sommes très liés et travaillons volontiers ensemble. Lexie de Banville est le fruit de ce partenariat. On a acheté sa mère ensemble. Tous ses poulains vont chez lui", explique Benoît Duprey, passé par toutes les émotions ces derniers dimanches à Vincennes avec la grave blessure de
Ganay de Banville le 17 novembre dans le Prix de Bretagne-Amérique Races Q#1.
"Les dernières nouvelles sont plutôt bonnes. Il faut attendre un mois après l’opération pour être sûr qu’il soit pleinement guéri", confie l'éleveur normand qui espère voir "
Ganay" poursuivre sa carrière d'étalon.
Aux origines de Lexie de Banville
Fille de l’étalon chevronné
Real de Lou (Jag de Bellouet), dont elle est le premier gagnant de Groupe 1 au monté,
Lexie de Banville est très marquée de l’élevage Levesque puisque ses trois premières mères en sont issues, à savoir
Cannebière (
Orlando Vici),
Kergoas (Jet du Vivier) et
Belgrade (Levorino). Celles-ci ont transmis à leur parentèle l’aptitude au trot monté, à l'image notamment de
Nénuphar (Sébrazac),
Loctudy (Extrême Dream) et autres
Ulysse (
Love You), lauréat du Prix de Normandie.
Roland Foucault : c’est toujours Noël avant l’heure
À quelques jours de Noël, cette réunion placée sous le signe de l’Étrier est un nouveau cadeau avant l'heure pour
Roland Foucault. Un an après avoir assisté à la victoire de
Kalif Landia dans le Prix de Vincennes, ce qui était son premier Groupe 1, l’éleveur mayennais n’aurait manqué pour rien au monde dimanche la tentative de son champion dans le Prix Jag de Bellouet-Cornulier Races Q#1. À douze mois d’intervalle, la réussite a été la même pour le mâle entraîné par Alexis Grimault et monté par Benjamin Rochard. On ne s’habitue pourtant pas à de telles émotions si l’on en juge le commentaire de l’éleveur dimanche :
"J’ai vécu une semaine sans pression mais, en revanche, les dernières minutes, avant le départ et pendant la course, ont été terribles. Je me demandais même si j’allais réussir à descendre les marches des gradins". On peut comprendre.
Le maire de la petite commune de Préaux en Mayenne, celle précisément où est installée la famille Bossuet, n'est pas destiné en effet à élever un cheval double vainqueur de Groupe 1 en ce sens qu'il n'a que deux poulinières. À la naissance de
Kalif Landia, cet ancien agriculteur à la retraite n'en avait même qu'une seule ! Celle-ci est donc la mère du futur classique et s'appelle
Tina Landia (Instant Gédé). C'est la première à porter ce label, né de la contraction de la fin de son prénom et de celui de son épouse Nadia.
© ScoopDygaCornulier Races C'est aussi la première à lui apporter des satisfactions puisqu'elle se classera deuxième d'un semi-classique pour l'entraînement de Dominique Mottier.
"Beaucoup d’éleveurs avec un cheptel important souhaiteraient avoir de tels résultats. Moi, novice et avec une seule poulinière, j’arrive à avoir un tel poulain. Je pensais que c’était mission impossible", nous disait-il au printemps.
Je sais très bien qu’avec les chevaux, un plus un ne fait pas forcément deux. (Roland Foucault)
L'éleveur mayennais a donc pleinement conscience de la chance qui l'accompagne dans cette démarche d'éleveur à laquelle il pensait depuis son plus jeune âge mais dans laquelle il s'est lancé seulement une fois à la retraite en veillant à bien s'entourer, qu'il s'agisse de Lesline Morineau, qui a la charge des poulinages, Carine Romarie qui prend en charge les poulains et Alexis Grimault qui gère l'entraînement et qu'il consulte pour les croisements.
"Je les écoute et n’hésite pas à me remettre en question. Je sais très bien qu’avec les chevaux, un plus un ne fait pas forcément deux !", dit-il encore modestement. Ces derniers mois, son cheptel a doublé puisque
Hera Landia (Ludo de Castelle), la soeur aînée de "
Kalif", a rejoint leur mère dans les prés de leur éleveur.
Aux origines de Kalif Landia
Petit-fils de l’étalon vedette Love You par son père Un Charme Fou, dont la mère est la semi-classique Ma Crown (Full Account), ce qui en fait un proche parent d'Idéal du Pommeau (Ready Cash), vainqueur du Grand Prix de l’UET 2022, Kalif Landia est le quatrième produit de Tina Landia (Instant Gédé), placée de Groupe 2 au monté. Cette dernière a produit précédemment Hera Landia (Ludo de Castelle), double placée de Groupes 1 sous la selle (2ème des Prix d’Essai et de Vincennes).
Les paris gagnants de Jean-Philippe Izzo
Si
Lexie de Banville et
Kalif Landia avaient déjà leur nom inscrit au palmarès d'un Groupe 1, ce n'était pas le cas de
Jezabelle Bie. Et pour cause ! La jument de
Jean-Philippe Izzo était pour la première fois de sa carrière au départ d'une épreuve de ce niveau dans le Prix Bilibili-Cornulier Races Q#2, dans une spécialité où elle a disputé deux mois plus tôt seulement ses premiers Groupes 2.
"C'est un rêvé éveillé, a encore du mal à réaliser vingt-quatre heures plus tard l'éleveur-propriétaire azuréen.
Il y a tout dans cette victoire ! J'ai toutes les satisfactions en même temps. Mon fils entraîne la jument dont je suis éleveur et propriétaire avec la famille Ensch, mes amis. Je ne peux pas rêver plus. Jamais, je n'aurais programmé gagner un Groupe 1 !"
Il y a tout dans cette victoire ! Je ne peux pas rêver plus. (Jean-Philippe Izzo)
C'est pourtant bien ce à quoi Jean-Philippe Izzo, ancien arbitre professionnel de football, est parvenu avec cette fille de
Dijon, auquel elle donne son premier gagnant à ce niveau. Lui qui a repris depuis un an l'institution cagnoise qu'est "La Cravache" en face de l'hippodrome de Cages-sur-Mer a comme toujours fait un pari.
"L'élevage est en effet une forme de pari, avance-t-il.
N'ayant pas les moyens d'acheter des yearlings aux ventes, on garde à l'élevage les bonnes juments que nous avons fait courir pour espérer faire naître des chevaux pour aller aux courses. C'est le cas par exemple de Missrev, la grand-mère maternelle de "Jezabelle", qui nous a gagné un Quinté+ à Vincennes avec Nicolas (Ensch)."
Celui dont la casaque noire et rouge rappelle son attachement à l'OGN Nice, son club de coeur, s'est donc lancé dans l'élevage il y a une vingtaine d'années, la plupart du temps en association.
"J'ai deux ou trois poulinières que nous avons gardées avec leur carrière de courses, avec Jean-Pierre Ensch et Raymond Bonnel, l'éleveur des "Bond" qui est de très bons conseils pour les croisements. Mes juments sont en pension au Haras de la Paumardière en Mayenne", décrit-il.
Aux origines de Jezabelle Bie
Fille d’une gagnante de Quinté+ à Vincennes,
Missrev (Acteur Tilly), qui a aussi donné au haras
Deepstack (
Royal Dream), titulaire de plus de 157.000 €,
All In Las Vegas (
Magnificent Rodney), double gagnante en 25 courses, compte à ce jour deux qualifiés sur six naissances. Avant
Jezabelle Bie, elle a donné le jour à
Hautentica (Sam Bourbon), titulaire de 10 succès (dont six au monté).
© AprhTrophées remis dimanche