Ina du Rib, la tradition sous un filtre moderne
Elle est un peu comme ces grands films classiques en noir et blanc que la technologie moderne a su coloriser, comme pour mieux percevoir l'esprit et les saveurs d'antan. Ina du Rib (Uhlan du Val) a en elle cette tradition chevillée au corps de son éleveur-propriétaire-entraîneur Joël Hallais et la modernité du 21ème siècle empreinte de vitesse. Résultat, la voici désormais double lauréate de Groupe 1 et détentrice de deux records, a priori antinomiques de Vincennes, ceux des 2.175m et des 3.000m de la Grande Piste. Elle sera même la dernière de l'histoire à le faire.
Les prochains Critériums des 5 Ans et Prix de Normandie ne se disputeront en effet plus sur 3.000m mais sur 2.850m. Ainsi en a décidé la commission du programme de la SETF. Ina du Rib (Uhlan du Val) gardera donc à jamais ce record pour elle : 1'11''6 sur les 3.000m de la Grande Piste de Vincennes. Combien de temps gardera-t-elle celui des 2.175m ? Rien n'est moins sûr mais elle est donc devenue dimanche la co-détentrice du temps de référence avec Hanna des Molles (Village Mystic), trottant deux secondes plus rapidement en réduction kilométrique que son record longue distance. Cela fait d'elle une jument totalement unique dans le paysage du Trotteur Français : elle est la seule à revendiquer deux records sur deux distances aussi opposées. Voici donc une superbe ambassadrice de la tradition trotteuse, complète (c'est le moins que l'on puisse écrire) et tellement actuelle à la fois.
Cela fait d'elle une jument totalement unique dans le paysage du Trotteur Français
I.N.A. comme Institut National de l'Audiovisuel
On notera qu'INA est aussi l'acronyme de l'Institut National de l'Audiovisuel, lequel a pour entre autres missions d'être le musée et la boîte à archives de l'audiovisuel français. Notre Ina trotteuse est elle comme une page d'histoire du trot. Clin d'oeil.
Ina du Rib : du Joël Hallais à tous les étages !
Alors qu'elle venait de remporter son premier Groupe 1, le Prix de Normandie 2023, nous avions consacré un focus pedigree à cette nouvelle classique dans les colonnes de 24h au trot. Voici ce que nous en disions.
C’est du Joël Hallais sur toute la ligne ! Le grand professionnel normand est, en effet, tant au poste d’éleveur que de propriétaire et d’entraîneur dans la réussite d’
Ina du Rib et il délègue son gendre, Jean-Loïc-Claude Dersoir, sur la selle.
Ina du Rib est l’un des deux vainqueurs engendrés par
Tina du Rib 1’12’’ m. (Hulk des Champs), après la placée semi-classique,
Gélinotte du Rib 1’13’’ m., gagnante de trois courses et de plus de 100 000 €.
Ina du Rib et
Gélinotte du Rib sont, d’ailleurs, des propres sœurs, toutes les deux filles du classique
Uhlan du Val 1’10’’, décédé en 2024. Lui le septuple gagnant de Groupe 2 ou 3 et sextuple placé de Groupe 1, notamment comme deuxième du Critérium Continental, du Critérium des 5 Ans et du Prix de Sélection ou encore comme quatrième du Prix d’Amérique d'
Up And Quick.
Leur mère,
Tina du Rib, fut classique sous la selle, troisième, entre autres performances notoires, du Prix de Vincennes (Groupe 1). Elle est la propre sœur de la championne
Nikita du Rib 1’12’’, qui fit le doublé de Groupe 1 du Critérium des 3 Ans et du Critérium des 4 Ans. Notons que le pedigree d’
Ina du Rib demeure ouvert, sans inbreeding aux quatre premières générations.
Joël Hallais, gardien du temple
On l'appelle souvent "maître Joël Hallais". Le Normand est une référence absolue sur tous les tableaux. Il y a deux ans, invité d'honneur du Salon du Trot en Normandie (édition 2025 ce vendredi), il avait expliqué quelques-uns de ses préceptes : "
J'ai deux juments de base dans mon élevage : Unité de Vandel et Une Passion qui n'est autre que la grand-mère d'Ina du Rib. Cette lignée a toujours été très vivante. Concernant ma méthode sur les mariages, j'ai trois critères de sélection : l'aptitude à trotter, réalisant des mariages d'allures entre le père et la mère selon le principe du complément (une jument trottant gros avec un demi-ambleur et vice-versa par exemple), le caractère et le modèle. Et sur ses trois critères, je préfère toujours compléter plutôt qu'opposer."
Hommage posthume à Uhlan du Val
Cette victoire de Groupe 1 et ce record égalé offrent également à Uhlan du Val un hommage posthume, lui qui s'est éteint en décembre dernier. Comme cela arrive parfois, l'ancien champion de la famille Mégissier a d'ailleurs vu plusieurs de ses produits s'illustrer après sa mort, Ina du Rib étant son 4ème gagnant et le 3ème à Paris depuis le début de l'année.
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Islero de Bellouet 1'14''3
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Viking's Way 1'15''6
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Uhlan du Val 1'10''5
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Quenavora
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Indiana Beautiful 1'16''6
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Beautiful Somolli (US) 1'15''4
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INA DU RIB
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Dzeta des Pezeries
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Hulk des Champs 1'13''5
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Blue Dream 1'14''9
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Tina du Rib 1'12''0
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Olga de Riviere 1'16''9
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Une Passion 1'17''3
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Chambon P
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Maleinaise 1'19''8
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©JLL-SETFJoël Hallais Jean-Loïc Dersoir défie le temps
Tout autant qu’
Ina du Rib (Uhlan du Val), son jockey
Jean-Loïc Dersoir est un homme unique dans le paysage du trot tricolore. Trente-deux ans après avoir remporté à la fois son premier Prix de Cornulier et son premier Groupe 1 en selle sur
Tout Bon (Levorino), alors qu’il avait été sacré meilleur apprenti l’année précédente à 19 ans, le Normand est toujours aussi compétitif au plus haut niveau. Il l’a encore prouvé dimanche en remportant le Prix de l’Île-de-France, son dix-neuvième Groupe 1 dans la spécialité, le vingt-quatrième de sa carrière. Sur ses dix dernières montes à ce niveau, Jean-Loïc Dersoir n’a pas fait l’arrivée une fois seulement. Sinon, il est systématiquement rentré aux balances, s'imposant à trois reprises et finissant deux autres fois sur le podium. Des statistiques qui forcent le respect comme le personnage. Cette compétitivité est évidemment liée, mais c’est vrai pour tous les jockeys, à la qualité des chevaux auxquels il est associé. De ce côté-là, tant avec les pensionnaires de son beau-père
Hirondelle du Rib (
Rolling d’Héripré) qu’
Ina du Rib, il est gâté toutes ces dernières années et c’est d’ailleurs ce qui le pousse à continuer de monter alors qu’il a fêté ses 52 ans en novembre dernier, quand d'autres ont choisi de stopper leur carrière, ayant trouvé sa propre position à cheval avec l'évolution de la manière de monter.
"Chacun se fait sa propre position et fait en fonction de son physique et de ses possibilités", disait-il ainsi à notre confrère de
ParisTurf à la veille du Prix de l'Île-de-France.
Quand on est jeune, on savoure ces victoires de Groupe 1, mais on ne se rend pas trop compte. Arrivé à un certain âge et lorsque l’on ne monte plus beaucoup, on comprend beaucoup plus l’ampleur que cela a. (Jean-Loïc Dersoir)
Ces derniers temps, Yoann Lebourgeois, depuis l’été 2023 (à 38 ans) et David Thomain, au mois de mars suivant (à 35 ans), ont ainsi raccroché leurs bottes, alors qu’Éric Raffin a confié avoir pensé arrêter aussi sa carrière de jockey en cas de victoire de
Joumba de Guez (
Carat Williams) dans le Prix de Cornulier avant d'écouter la volonté de ses enfants de le voir continuer à monter.
C'est que la monte en avant, qualifiée encore de "nouvelle monte" une vingtaine d'années après son adoption par l'ensemble des pelotons, est beaucoup, beaucoup plus exigeante physiquement. Elle l'est sûrement encore davantage quand on ne monte plus aussi souvent que par le passé comme c'est le cas de Jean-Loïc Dersoir. Imaginez qu'entre ses deux dernières victoires de Groupe 1, se sont écoulés plus de 410 jours durant lesquels il n'a monté que 38 fois... C'est dire sa force de caractère pour continuer à se maintenir au top à un poids de forme de 58 kilos et donc à monter à 65 kilos sans aucune difficulté même s'il confie :
"Je n'ai pas besoin de faire trop attention à mon poids et même si je ne suis plus aussi régulièrement en selle que par le passé, je pallie cela par le footing, ce qui me permet de rester en condition".
Alors qu'il laisse volontairement de plus en plus sa place en course à ses filles, Clara et Léa, sur ses chevaux afin de former celles qui vont assurer la relève au sein de la famille, Jean-Loïc Dersoir incarne parfaitement la transmission entre tradition et modernité chez nos jockeys.
©ScoopdygaJean-Loïc Dersoir