Le 13 février 2025 date historique pour les courses
Les courses ont connu une semaine historique avec la validation jeudi par le Conseil constitutionnel de la loi de finance comportant l’amendement qui autorise de nouvelles formes de paris et jeux hippiques. Nous allons vous expliquer pourquoi les courses rentrent potentiellement dans une nouvelle ère. En résumé de cette séquence considérée par ses acteurs comme une grande victoire : "On a fait le job, c’est à eux de jouer" dixit Jean-Pierre Barjon, le Président de la SETF .
Le temps de l’action
Cela fait dix ans que le pari hippique est en crise. La baisse des enjeux et celle du nombre de joueurs en sont les symptômes les plus flagrants. Entre 2012 et 2023, le PBJ (Produit Brut des Jeux) des courses hippiques offline est ainsi passé de 2,5 à 1,73 milliards d’euros, soit une diminution de l’ordre de 30 % quand, dans le même temps, le PBJ tous jeux confondus (paris hippiques offline, loterie, casinos et jeux en ligne) progressait lui de 9,3 à 13,5 milliards d’euros.
Le constat est sans appel, le diagnostic est clair. Les sociétés-mères se trouvent dans l’impossibilité
"de remplir leur mission de service public : financer la filière agricole hippique". Soit par conséquent assurer une recette constante pour l’État. Et le Président de la SETF d'ajouter à propos des échanges avec l'État :
"On ne vient pas vous demander des subventions mais des moyens de pouvoir poursuivre le game".
Et pour cause : le cadre législatif du pari hippique remonte à la fin du 19ème siècle ! Précisément à la loi du 2 juin 1891 qui a pour objet
"de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux", très loin des usages de consommation du 21ème siècle, d’autant que le fossé s’est creusé avec les autres activités du secteur du pari :
→ 1988 : les machines à sous font leur apparition dans les casinos ;
→ 2010 : autorisation des jeux en ligne (paris sportifs, paris hippiques et poker) ;
→ 2019 : privatisation de la FDJ.
Autant de faits historiques qui ont été rendus possibles par les évolutions de la législation. En corollaire, les PBJ (Produit Brut des Jeux) sont passés :
- de 2,3 à 2,5 Mds € pour les casinos ;
- de 4,3 à 6,64 Mds € pour la loterie ;
- de 400 M€ à 2,33 Mds € pour les jeux en ligne.
"Il faut ouvrir les chakras du pari hippique." (Jean-Pierre Barjon, Président de la SETF)
Quand dans le même temps, les paris hippiques connaissaient eux une très sensible baisse (voir visuel ci-dessous). C’est donc aussi un véritable déséquilibre du secteur des paris et jeux qui en a découlé.
Le rôle des sociétés-mères
Si, par le passé, le PMU avait pris la charge des différentes négociations avec les parlementaires, car le sujet ne date pas d’hier, il est apparu indispensable aux Présidents Barjon et de Saint-Seine d’assurer ce lobbying nécessaire au nom de la filière et en qualité de "propriétaires" des courses, des datas et des droits qui vont avec. Il y a donc eu un changement radical de paradigme. Ils ont pour cela constitué une "task force" (appelée également la "dream team" au regard du succès rencontré) afin de parler d’une même voix aux députés et sénateurs.
La composition du groupe de travail :
◆ Jean-Pierre Barjon, Président de la SETF
◆ Guillaume de Saint-Seine, Président de France Galop
◆ Guillaume Maupas, Directeur des Courses et de la SETF
◆ Elie Henneau, Directeur Général de France Galop
◆ Pierre Préaud, Secrétaire Général de la FNCH
◆ Tanguy Courtois, Chargé d’affaires publiques de la FNCH
◆ Claire Pinson-Bessonet, avocate
◆ Cabinet Lysios Public Affaires
© SETF/Fance Galop
© SETF/Fance GalopLa filière hippique se devait de bénéficier à son tour d’une loi moins contraignante et adaptée
"aux nouveaux usages de consommation {...}, absolue nécessité pour pérenniser le modèle de financement autonome de la filière agricole hippique, et ainsi assurer sa survie", pour reprendre les termes utilisés dans le communiqué publié jeudi par la SETF, France Galop et la FNCH. En d’autre mots, ouvrir les
"chakras du pari hippique" comme l'a redit Jean-Pierre Barjon en fin de semaine.
Un parcours semé d’embuches
La composition de ce groupe de travail n’est qu’une étape de ce qui va se transformer en une véritable épopée parlementaire. Qui aurait pu en effet imaginer un tel scénario de course ? Dans le visuel ci-dessous, toutes les étapes sont répertoriées selon une frise chronologique détaillée depuis le mois de décembre 2023.
"On avait conscience d’être dans une course d’obstacle type steeple-chase à Auteuil, mais il nous était impossible d'imaginer qu'on allait nous rajouter un obstacle entre deux obstacles", résume en image Pierre Préaud, le Secrétaire Général de la FNCH, pour parler de cet enchaînement.
Parmi les embuches les plus inattendues, citons la dissolution de l’Assemblée nationale ou encore le vote d'une motion de censure et l’annonce en décembre d’un troisième gouvernement, avec la nomination de François Bayrou comme Premier Ministre, en l’espace de cinq mois. Autant de dossiers à reconstruire, à représenter, autant de convictions à remettre sur la table d’où un travail sans relâche de la part du groupe de travail. Et en point d’orgue au cœur de cette séquence, la menace d’une sur-taxation des paris hippiques aux effets mortifères pour la filière : on parlait de 80 M€ de moins dans les caisses.
"On a saisi la menace pour la faire reculer et plaider en même temps pour notre cause", dira à ce sujet Guillaume de Saint-Seine, le Président de France Galop.
On a saisi la menace pour la faire reculer et plaider en même temps pour notre cause. (Guillaume de Saint-Seine, Président de France Galop)
Une phrase qui change tout
Au-delà de toutes les considérations fiscales que peut générer un changement loi, l’un des sujets principaux pour Maître Claire Pinson-Bessonet a été la ré-écriture du texte de loi de 1891, consistant notamment à modifier la phrase autorisant "à prendre des paris jusqu’au départ de la course" en supprimant justement "jusqu'au départ". CQFD
© AprhLa manifestation du 7 novembre
© SETF/Fance GalopD’un mouvement de colère des socio-professionnels en passant par le projet de bloquer le périphérique parisien et aux doutes de certains de l’opportunité d’une grève, on se retrouva finalement plusieurs milliers à défiler dans les rues de Paris le jeudi 7 novembre. Les courses s’étaient arrêtées le temps d’une démonstration d’unité : un véritable acte fondateur et rarissime, également utilisé par la "task force" pour prouver le bienfondé de la demande d’une nouvelle règlementation.
Si le chemin a été semé d'embuches comme on vient de le voir, un député sensibilisé aux préoccupations de la filière a souligné l’efficacité de la démarche :
"Dans ce genre de projet, c’est un horizon de deux à quatre ans. On n’a pas le temps et là c’est allé vite. L’union de la filière a été un vrai crédit et lui a donné une vraie image".
De la verticalité à la transversalité
Les quatorze derniers mois ont également validé une nouvelle vision : la transformation d’un système vertical en un système transversal. À présent, les sociétés-mères se positionnent comme des fournisseurs à l’égard des différents opérateurs, lesquels pourront désormais inventer de nouveaux produits destinés à leurs clients, comme le live-betting ou la prise de paris sur des courses anciennes (un potentiel de 150.000 courses à anonymiser). On pense principalement aux casinos pour le sujet des courses passées et aux opérateurs agréés par l’ANJ, en particulier ceux qui ne commercialisent pas aujourd’hui de paris hippiques, soit plus de la moitié d’entre eux à date. Autant de nouveaux vecteurs de distribution des paris et jeux hippiques et par conséquent de potentielles ressources pour toute la filière. Un peu à l’instar d’un produit de consommation qui serait référencé dans de nouvelles enseignes de distribution. Il est encore trop tôt pour parler précisément de tel ou tel produit : ce sera aux opérateurs et autres casinotiers de faire preuve d'imagination, eux qui connaissent bien leurs clients. À ce sujet, et en guise de conclusion, Jean-Pierre Barjon définit bien la situation :
"On a fait le job, c’est à eux de jouer maintenant".
Les paris en direct : 50% des enjeux
Dans les grands ensembles présentés plus haut, la part des paris en direct sur le segment jeux en ligne représente 50% du volume total. Cela donne une idée du marché potentiel dans lequel le live-betting hippique pourrait tenter de se faire une place.
On a fait le job, c’est à eux de jouer maintenant (J.P. Barjon)