Les mille vies d'Éric Fournier
Le 1er mars, cela fera un an qu'Éric Fournier a repris son activité d'entraîneur qu'il avait quittée en 2016. Pendant cette "pause", il n'est pas resté inactif, loin s'en faut. Il a ainsi accompagné le développement du métier d'agent en devenant notamment celui d'Éric Raffin. Sept ans d'une collaboration fructueuse marquée par cinq Sulky d'Or et un record de victoires en une année (351) sans qu'il n'en tire aucune gloire personnelle. Celui qui a été tour à tour palefrenier, employé, entraîneur particulier, transporteur ou encore prestataire de service (liste non exhaustive) est donc de nouveau entraîneur, celui de l'Écurie Minier, comme huit ans plus tôt, dont la casaque s'est distinguée récemment à Vincennes avec Ivorino d'Echal. Portrait.
Depuis bientôt un an, le nom d'Éric Fournier (53 ans) figure de nouveau dans la colonne des entraîneurs. Celui qui est originaire du Grand Ouest n'a pas tardé à retrouver l'enclosure des vainqueurs. Après les dix gagnants de l'an dernier, Ivorino d'Echal (Singalo) s'est ainsi imposé à deux reprises à Vincennes depuis le début de l'année avant de se classer 2ème mardi dernier. "En 2016, j'ai décidé de stopper l'activité d'entraîneur car je ne voyais pas quels chevaux allaient pouvoir me faire une bonne année. Avec le patron, on n’était plus sur la même longueur d’ondes. Je ne voulais pas que l’on se fâche et j’ai préféré arrêter. À ce moment-là, je ne dis pas que je savais que j’allais redevenir entraîneur un jour mais je l’espérais", confie Éric Fournier qui reconnaît une propension à changer d'horizon.
Je ne dis pas que je savais que j’allais redevenir entraîneur un jour mais je l’espérais.
Alors, est-ce la crise de la cinquantaine qui l'aurait poussé à décider de mettre un terme à son rôle d'agent en début d'année dernière ? Sa "team" emmenée par Éric Raffin, alors sacré Sulky d'Or pour la cinquième année consécutive, et Anthony Barrier, au-delà encore une fois des cent gagnants, surfait la vague du succès.
"J'ai ressenti une lassitude aussi bien mentale que physique, avance-t-il comme explication à sa décision.
C’est un métier très épuisant. Ce n’est pas un paramètre en particulier, ce sont plein de paramètres qui font qu’au bout d’un moment, quand vous pesez le pour et le contre, vous vous dites que vous allez arrêter-là." Agent un peu malgré lui
Cette décision a pu en surprendre plus d'un. Mais cela avait déjà été vrai quand il était devenu agent.
"Je sentais alors que ce métier allait se développer, revient-il,
mais ça ne me concernait pas personnellement." Et puis un jour, un coup de fil va tout changer alors qu'Éric Fournier est prestataire de service :
"Éric Raffin me fait la proposition de devenir son agent. On avait eu l'occasion d'échanger sur les agents quand j'étais encore entraîneur et je lui avais conseillé d'en prendre un. Au début, j’y crois sans y croire. Je me dis pourquoi pas".
Je suis heureux pour Éric (Raffin) et c’est toujours ce qui m’a fait avancer. Je ne l'ai pas fait pour tirer la couverture à moi.
Le pourquoi pas va se prolonger sept ans durant ! En filigrane, il y a la conquête du Sulky d'Or. Le cadet des fils de Jean Raffin le sera à l'issue de leur troisième année de collaboration, en 2019. Il va le demeurer les quatre années suivantes.
"Il fallait réussir à aboutir, juge-t-il avec le recul.
De ces cinq Sulky d'Or, je ne tire aucune satisfaction personnelle et ce n'est pas de la fausse modestie de le dire. Je suis heureux pour Éric et c’est toujours ce qui m’a fait avancer. Je ne l'ai pas fait pour tirer la couverture à moi." Durant toute cette époque, il est ainsi rare de le voir poser sur les photos de gagnants de ses pilotes, car la "team" Fournier s'est agrandie avec les arrivées d'Anthony Barrier quelques jours seulement après son confrère vendéen et de Christopher Corbineau.
"J'ai énormément de respect pour les entraîneurs qui en bavent, car préparer une course, quelle qu'elle soit, est un travail de longue haleine, avance-t-il,
si bien que, personnellement, je trouvais un peu déplacé d'être sur la photo alors que mon travail était simplement d'avoir passé un appel. Maintenant, ce n'est que mon avis. Je ne dis pas que les autres agents ont tort."
Autre temps fort de cette période : le record de victoires en une saison d'Éric Raffin qui le porte à 351 en 2021 après avoir égalé celui de Jean-Michel Bazire (345) deux ans plus tôt.
© ScoopDygaÉric Fournier et Éric Raffin "Égaler le record, puis le battre a été important, ne cache pas Éric Fournier.
L'année dernière, sans quelques mésaventures, il était en mesure de l'améliorer et il est bien parti aussi cette année. J’espère qu’il le battra un jour."
Mais les sept ans en question ont fini peser.
"La lassitude vient de plein de petites choses. Je m’imposais d’être là du 1er janvier au 31 décembre, je ne voulais pas m’accorder de vacances, raconte-t-il.
Ce n’est pas parce qu’Éric prenait des vacances que je pouvais en prendre. Anthony avait besoin de moi ou Alan avec lequel je travaillais aussi les dernières années. Je voulais continuer d’être là pour eux à chaque instant. Après, c’est moi qui me l’infligeais. Et puis au bout d’un moment, peut-être aussi parce qu'on vieillit, des réflexions d’entraîneurs ou même de jockeys à la suite d’une petite déception vous touchent davantage." Le clap de fin de la période agent intervient alors.
Entraîneur, un retour aux sources
S'il se voit revenir à l'entraînement, Éric Fournier envisage ce retour en tant que prestataire dans un premier temps.
"À ce moment-là, Julien Cormy a arrêté son activité d'entraîneur pour l'Écurie Minier. Je me suis alors dit : pourquoi ne pas retenter ?" Et voilà comment il replonge dans une activité sur laquelle il n'avait jamais tiré un trait.
"La difficulté du métier ne m'a en aucun cas freiné. Agent, j'entendais les réflexions d'entraîneurs qui disaient que je faisais un beau métier, que j’avais tout compris. Ça n'a pas été mon choix de me la couler douce quand j’ai décidé de devenir agent. Remettre les mains dans le cambouis me permet de montrer que je sais aussi quitter le confort et repartir au charbon. Les mêmes personnes disent maintenant de moi que je suis con d'avoir quitté ce métier d'agent. Les mêmes !", préfère s'en amuser Éric Fournier.
L'absence du contact quotidien avec le cheval manquait.
"Agent, j’avais la compétition, mais la pression n'était pas la même. Quand vous êtes entraîneur, vous avez tellement de satisfactions de gagner une course et encore plus à Paris. Vous avez alors tout simplement l'impression d'exister, estime-t-il même.
J'adore les chevaux. Je les aime même trop pour être un très bon entraîneur. Je ne dis surtout pas que les entraîneurs qui réussissent n'aiment pas leurs chevaux. Je dis juste que j'aime mes chevaux énormément."
Quand vous êtes entraîneur, vous avez tellement de satisfactions de gagner une course et encore plus à Paris. Vous avez alors tout simplement l'impression d’exister.
En l'espace d'un an, les chevaux de l'Écurie Minier sous sa responsabilité ont gagné 13 courses.
"Depuis le début de l'année, on est repartis sur des bases plus concrètes, juge Éric Fournier.
L'année 2024 a été moyenne, je dirais même moyenne moins. Depuis le début de la nouvelle saison, ça ne se passe pas trop mal. On a réduit la voilure. Aujourd’hui, l’effectif de chevaux à courir est d’une quinzaine, une trentaine au total avec les poulains." De quoi lui donner des premiers éléments réponses à ses attentes :
"Je voulais recommencer quelque chose et me prouver à moi-même, et pourquoi pas aux autres, que je pouvais regagner des courses et pourquoi pas avoir un jour un très bon cheval, car c'est cela qui m'anime. Je parle d'un cheval de tiercé, pas d'un cheval de Groupe, un cheval de Grand National".
Les chiffres d'Éric Fournier comme entraîneur depuis son retour (*)
→ 163 courses
→ 13 victoires
→ 14 podiums supplémentaires
→ 225.965 €
(*) chiffres arrêtés au 21/02/25
© AprhIvorino d'Echal