Arnaud Barentin, l'homme de la transformation
Il est certainement le moins connu du triumvirat dirigeant la SETF aux côtés du très exposé Guillaume Maupas et de la communicante Valérie François. Et pour cause, il est le dernier arrivé. Arnaud Barentin est en place depuis un peu plus de deux ans seulement et, s'il se fait plus discret que ses deux homologues, il est pourtant au coeur de nombreux dossiers d'actualité. La prudence et la rigueur budgétaire avec pour but le maintien des allocations, c'est (notamment) lui. Le dossier de la concession de l'hippodrome de Paris-Vincennes ? C'est aussi lui. La gestion des accords d'entreprise ? C'est encore lui. En charge de la "transformation et des fonctions supports" comme le stipule officiellement son poste, ce parisien quinquagénaire père de deux grands enfants nous livre son regard sur l'actualité.
1.Le maintien des allocations comme boussole
24hautrot : Alors que les socio-professionnels s’inquiètent du maintien des allocations pour cette année en raison des résultats du PMU du premier trimestre, que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Arnaud Barentin : Les résultats de 2024 de la SETF vont être arrêtés par le Conseil d’Administration (CA) début mai. Mais on sait déjà où l’on va atterrir. La part de notre contribution nette PMU est connue. On connaît aussi les éléments sur les encouragements car les décisions prises tout au long de l’année permettent d’être exactement là où on l’avait prévu. Le seul sujet sur lequel on avait quelques doutes était la manière dont on maîtrisait notre modèle de charges propres à la SETF. Mais on est plutôt en-deçà de que l’on avait prévu dans le budget. Le niveau de nos charges fixes est en effet en nette décroissance en deux ans de près de 10 M€. Du coup, le résultat d’exploitation de 2024 va être assez nettement excédentaire, à hauteur de plus de 10 M€. Ça nous permet d’être serein sur l’atteinte des résultats de 2024 et sur notre capacité à vivre les aléas des résultats du PMU sur les années 2025 et 2026.
Qu’est-ce que cela signifie-t-il concrètement ?
Pour 2025, l’équation sera tenue. Il n’y aura pas de baisse d’allocations. On est en capacité de le garantir aujourd’hui, puisque nous avons construit notre budget sur des bases inférieures à ce que le PMU nous disait et que nos résultats de 2024 sont bons. Nous allons tout faire pour que cela se prolonge. À court terme, les bases financières de la SETF sont saines. Depuis 2018-2019, nous avons un très fort redressement des fonds propres qui dépassent aujourd’hui 100 M€ et zéro endettement. La situation financière est donc très saine, avec une structure qui a su prendre tout au long des deux dernières années les bonnes décisions pour rester sur la bonne trajectoire.
Malgré tout ce qu'il se passe en 2025, il n’y aura pas de baisse d’allocations cette année. On est en capacité de le garantir aujourd’hui.
Quel regard portez-vous sur la situation du PMU ?
En novembre dernier, il y a eu des débats au moment de l’approbation du budget 2025 du PMU que l’on trouvait raisonnablement trop optimiste et décorrélé des tendances observées depuis septembre 2023, avec un décrochage assez net des enjeux, ce qui a conduit à ce que les représentants de la SETF ne valident pas le budget du PMU. Dès février 2024, on avait fait un point d’alerte au PMU en disant que l’on pensait que le budget 2024 ne serait pas tenu. Or, celui-ci se solde par une performance en baisse de 15 M€ sur la contribution nette et surtout de 25 M€ sur l’EBITDA, lequel mesure vraiment l’écart entre la performance économique prévue au budget et celle qui a été effectivement réalisée. Je passe beaucoup de temps à analyser tous les documents transmis pour la préparation des différentes instances du PMU, ce qui m’amène à siéger à ces instances qui préparent le CA du PMU. Cela permet notamment de challenger les informations qui nous sont transmises par le PMU dans une période où la tendance est malheureusement en décroissance au niveau des enjeux et de la performance opérationnelle. À la suite du CA du PMU du 25 novembre 2024, les sociétés-mères ont diligenté trois audits.
Pour quels résultats ?
Les conclusions de l’audit comptable ont été partagées par les commissaires au compte. La lecture brute des chiffres est la même pour tout le monde, mais les conclusions ne sont pas forcément identiques. C’est à chacun ensuite en responsabilité de décider ce qu’il doit faire. À la lecture brute de ces chiffres, nous avons estimé avec le CA de la SETF qu’il était de notre devoir d’avoir une approche plus prudente. Quand on analyse finement une partie des immobilisations incorporelles qui sont aujourd’hui inscrites dans les comptes du PMU, il nous paraît plus sage et prudent de déprécier une partie de ces immobilisations qui ne vont pas générer de valeur dans les années à venir. Quand on a des actifs incorporels qui ne génèrent pas de valeur, le principe de prudence comptable conduit à les provisionner. Le CA du PMU de la semaine dernière a arrêté les comptes et l’Assemblée Générale du 10 avril doit les approuver. Dans le prolongement de tout ce que nous avons répété maintes et maintes fois, les représentants de la SETF au CA du PMU n’ont pas voulu valider l’arrêté des comptes présentés.
2. La transformation
Comment définissez-vous votre rôle ?
Je suis salarié de la SETF. Mon domaine d’intervention est donc la SETF. Mais l’un des enjeux de mon recrutement est de repositionner la société-mère en responsabilité sur l’intégralité de la gestion de l’Institution. C’est en particulier le cas du PMU mais pas seulement. Dans l’organisation de mon temps de travail, je consacre une part importante à l’Institution. Le niveau des charges communes sous pilotage des deux sociétés-mères est de plus de 600 M€ (avec le PMU, l’AFASEC, la FNCH, Equidia devenu HRM, le GTHP, l’ORPESC). L’essentiel de ma mission est consacré à cette gestion de l’ensemble des entités de l’Institution. C’est un travail commun avec France Galop et nous sommes d’ailleurs à 95 % d’accord sur le financement de ces charges communes. Cela nous a conduit à faire un certain nombre d’actions de transformation.
Qu’est-ce qu’il faut comprendre dans ce terme "transformation" ?
Mon titre a pu faire peur quand je suis arrivé dans une institution vieille de plus de 150 ans. Je ne suis pas là pour jouer au bulldozer et tout chambouler. Je suis là pour essayer de "réinterroger" des fonctionnements historiques et être capable de faire quelques mouvements.
©ScoopdygaArnaud Barentin avec Pierre Robert, Directeur d'HRM L’un des enjeux de mon recrutement est de repositionner la SETF en responsabilité sur l’intégralité de la gestion de l’Institution.
Avec quelle méthode ?
Le modèle économique n’a peut-être pas été remis en cause à certains moments. Aujourd’hui, on essaye de se poser la question quand on engage des charges de regarder ce qu’il y a en face en termes de produits pour s’assurer de la rentabilité du projet. En arrivant avec des yeux neufs, l’idée est d’être capable de remettre en cause des fonctionnements historiques. C’est un travail collectif, car seul je ne peux rien faire, avec Guillaume Maupas et Valérie François, ainsi que toutes les équipes de la SETF.
Pouvez-vous donner des exemples de transformation qui ont été réalisés ?
Je prends l’exemple d'Equidia devenue HRM. Depuis le début 2024, HRM a repris l’ensemble du périmètre de la partie vidéo qui était gérée par la SETF, notamment toute la régie de Vincennes. Par ailleurs, les nouvelles modalités d’organisation des flux entre les sociétés-mères et HRM ont été mises en place au 1er janvier 2024 afin de mieux responsabiliser chacun des acteurs dans la chaîne et donc intégrer dans le budget de chacun les dépenses liées à ses décisions.
Autre cas, historiquement, l’Afasec était financée par une partie du fonds des gains non réclamés. Depuis sept ou huit ans, elle est financée directement par les sociétés-mères avec la règle du 50/50, chaque société-mère finançant 50 % du déficit d’exploitation. Aujourd’hui, chaque société-mère paye son déficit propre. Par exemple, la SETF paye le déficit généré sur le site de Grosbois, là où France Galop paye le déficit sur ses écoles.
Quelle est la philosophie de ces actions ?
La philosophie générale est de responsabiliser chacun des acteurs en fonction des décisions qui lui sont propres. Ce travail a été l’une des premières grandes missions auxquelles je me suis attaché depuis mon arrivée au sein de la SETF. On travaille avec l’ensemble des équipes pour être plus efficace dans notre nouvelle organisation, dans la dissociation de nos deux métiers, puisque l’on a le régalien d’un côté avec l’organisation des courses et, de l’autre côté, on est exploitant d’hippodromes et d’un centre d’entraînement avec des contraintes différentes. Nous gérons chacun de nos hippodromes comme une BU (Business Unit) avec un compte de résultat propre en s'attachant à développer de nouvelles recettes. Il faut qu’il y ait des dépenses et des recettes en face pour réussir à équilibrer le dispositif.
Existe-t-il d’autres actions qui relèvent de cette transformation ?
On travaille notamment sur le site de Grosbois. Grosbois est une pépite mais une pépite endormie. Aujourd’hui, cela représente un centre de coûts pour la SETF. Un des objectifs qui m’a été donné par le CA et par la Commission de Grosbois est de dessiner une trajectoire qui vise à atteindre l’équilibre des comptes en travaillant non pas sur le modèle des charges mais en développant de nouveaux produits. On travaille ainsi sur le projet de développement d’une nouvelle clinique qui changerait totalement de modèle et sur une ouverture beaucoup plus large du site pour développer les ressources, notamment sur la période estivale avec des activités touristiques, même si ce ne sera pas simple d’arriver à l’équilibre.
Avec quelles économies à la clé ?
Quand on fait tout cela, on ne fait pas des économies conjoncturelles mais des économies structurelles et ce n’est pas au détriment des investissements. Évidemment, avec le projet de renouvellement de la concession de Vincennes, ce n’est pas le moment d’investir des sommes énormes. Mais la situation financière de la SETF est très saine. Nous avons donc une capacité à se développer, à générer d’importants programmes d’investissement et à se projeter vers l’avenir.
©Scoopdyga3. Le renouvellement de la concession de l'hippodrome Paris-Vincennes
Vous parlez du renouvellement de la concession de Vincennes. Où en est-on justement ?
Nous remettons à la Ville de Paris l’offre finale de l’appel d’offres en vue du renouvellement jeudi prochain (le 27 mars). L’objectif est que le dossier puisse être présenté lors du prochain Conseil de Paris qui a lieu sur trois jours début juillet.
Le chemin qui n’est pas terminé a déjà été long, n’est-ce pas?
Le sujet était tout en haut de la pile quand j’ai pris mes fonctions il y a un peu plus de deux ans. Dès le mois de janvier 2023, deux semaines après mon arrivée, j’ai eu ma première rencontre avec la Ville de Paris pour travailler sur le cahier des charges. On a plutôt bien fait les choses afin que ce cahier des charges soit exclusif pour l’exploitation des courses sur l’hippodrome, ce qui n’était pas gagné d’avance étant donné l’envergure du site de Vincennes. On a beaucoup œuvré avec les équipes de la SETF et le CA sur la manière d’avancer sur ce dossier. Depuis la première réunion, les membres du CA se sont emparés du sujet et ont compris les enjeux de la négociation sous-jacente.
Depuis la première réunion sur le renouvellement de la concession, les membres du CA se sont emparés du sujet et ont compris les enjeux de la négociation sous-jacente. (Arnaud Barentin)
N'est-ce pas le rôle du Conseil d’Administration ?
Depuis 2024, on essaye de faire vivre un peu différemment le CA en le plaçant face à son périmètre de responsabilité et au bon niveau de décision. C’est d’ailleurs un point de satisfaction de voir le niveau d’interaction en son sein. Il y a un débat qui est sain, il y a un vrai travail commun et constructif. Moi qui connais bien le milieu associatif, je m’aperçois qu’en termes de compétences et de connaissances, le niveau est élevé. Ces échanges sont nécessaires pour construire quelque chose en commun.