Un match dans le match, celui des labels
La Journée des Champions, c’est la confrontation des chevaux, bien sûr, mais c’est aussi celle des hommes, de ceux qui font ces champions, qui les façonnent, les préparent, les drivent ou les montent ; de ceux qui les possèdent également –car, sans propriétaires, pas de champions, ni même de courses, d’ailleurs–, et, bien sûr, de ceux qui les ont fait naître et élevés. Or, parmi ces derniers, un certain nombre fait le choix de frapper ses élèves de son sceau. Alors, à huit jours de l’échéance, offrons-nous un petit tour d’horizon, sous l’angle des suffixes, des protagonistes pressentis.
Avec les labels d’élevage, les chevaux sont, ainsi, comme signés. Leurs noms sont des blasons, indiquant une provenance, telle une A.O.C., une appellation d’origine contrôlée. Un élevage ayant un suffixe commun à tous les chevaux qui en proviennent, c’est, évidemment, une marque de fabrique et, d’une certaine manière, cela engage et compromet. Il faut, en effet, que les résultats soient là et s’enchaînent favorablement. En pareil cas, cela devient une promotion, une publicité. En prolongement, si la renommée est atteinte, cela se meut en un nom générique. On évoquera ainsi, sans entrer davantage dans le détail, les "Tillard", les "Gédé" ou les "Madrik".
© AprhLexie de Banville, le label Banville au sommetUne habitude du trot, non du galop
C’est, en l’espèce, une habitude du trot, non du galop (où certaines signatures d’élevage existent néanmoins mais de manière marginale). Elle tient à ce que les trotteurs, à la différence des pur-sang, sont nommés, comme l’on dit, à la lettre et qu’implicitement, le choix des noms est plus réduit. C’est en cela qu’un suffixe est souvent nécessaire, comme il peut l’être dans les rangs des selle français (les AQPS), tenus, eux aussi, par la lettre. En regard, si la lettre est une contrainte, elle est, en parallèle, un repère servant à distinguer aisément les générations. De même, le suffixe identifie l’élevage et la provenance. De la sorte, l’éleveur, dont le nom n’est pas le plus apparent sur les programmes et les listes, fait véritablement équipe avec son cheval. Le propriétaire a ses couleurs, l’éleveur a son cachet. Les deux font la paire. C’est un sport d’équipe.
Le propriétaire a ses couleurs, l’éleveur a son cachet. Les deux font la paire. C’est un sport d’équipe.
Il y a, principalement, deux types de suffixe, le plus répandu étant celui que l’on qualifiera de géographique, tiré du nom du lieu-dit ou de la commune où prend place l’élevage. Parmi les prétendants les plus en vue au Prix d’Essai – Etrier 3 Ans Finale (Groupe 1),
Malice Caillerie (Carat Williams) revêt ce profil, "La Caillerie" étant la ferme de polyculture, animée dans le Bessin, tout près de Bayeux, par Stéphane Léostic, l’éleveur de la protégée de Christophe Clin et Alexandre Buisson. Dans le Prix Albert Viel (Groupe 1), les
Magnum du Choquel (Hohneck) et autres
Mardouk de Godrel (Doberman) sont, pareillement, "domiciliés", le premier portant l’empreinte de l’élevage Bridault, en référence à l’adresse postale de celui-ci, rue du Choquel, à Racquinghem, dans le Pas-de-Calais, et le second celle, phonétique, de l’élevage Lasseur, basé au Haras des Goderelles, non loin du Haras du Pin, dans l’Orne. On ne présente plus les "Banville", de la famille Duprey, installée dans la Manche, à Catz, au "Petit-Banville", qui seront possiblement représentés par
Lexie de Banville (Real de Lou), dans le Prix du Président de la République - Etrier 4 Ans Finale (Groupe 1), et par
Kelly de Banville (Eridan), dans le Prix de Normandie - Etrier 5 Ans Finale (Groupe 1). Dans cette dernière épreuve, il y aura aussi
Kid Bellay (Goetmals Wood), délégué par l’élevage calvadosien de Philippe et Christine Debaudre, en écho au nom de l’endroit où tous deux habitaient naguère, en Seine-Maritime, et
Kapaula de l'Epine (Discours Joyeux), au suffixe inspiré du lieu-dit "La Croix-de-l’Epine", où Hubert Sorieux, l’éleveur de la jument, fit construire sa maison, en Ille-et-Vilaine. Dans le Prix René Ballière (Groupe 1), enfin, la liste des engagés regorge de noms construits sur le même modèle, tels ceux, pour n’en citer que quelques-uns, d’
Hussard du Landret (Bird Parker), l’éleveur breton de celui-ci, Jean Daniel, habitant "Le Landret", sur la commune de Plélan-le-Grand, aux confins des départements du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine, d’
Ibiki de Houelle (Love You) –"Houelle" est le label trot-galop de l’élevage de Franck Leblanc, en lien avec le nom de la ferme de ses parents, en Mayenne –, d’
Iguski Sautonne (Village Mystic), "Sautonne" étant le fief de l’élevage Touillet, dans le nord du département de la Vienne, ou d’
Idéal Ligneries (Repeat Love), en provenance du Haras des Ligneries, animé, à Croisilles, dans l’Orne, par Claude Legras.
Dans le Prix René Ballière (Groupe 1), enfin, la liste des engagés regorge de noms construits sur le même modèle
© ScoopDygaKid Bellay Un autre parti pris : le label qui évoque et suggère, celui qui illustre plus qu’il ne désigne…
Plusieurs types de suffixes
L’autre type de suffixe, le plus souvent utilisé, ne nous fait plus faire le tour des régions et des lieux, mais il est peut-être plus personnel encore, en ce qu’il consiste à contracter les prénoms familiaux et à faire de cet assemblage l’empreinte maison, voire à faire usage de son propre nom ou de celui d’un proche. Au départ du Prix d’Essai - Etrier 3 Ans Finale (Groupe 1),
Météore de Simm (Boccador de Simm) courra, ainsi, pour Stéphane Levoy et les siens, "S" comme lui-même, Stéphane, "i", comme son épouse, Isabelle, et deux fois "m", comme leurs filles, Marie et Mathilde. Dans le Prix Albert Viel (Groupe 1),
Mat Manathis (Booster Winner) représentera l’élevage de Xavier et Laurence Coulon, au gré d’un suffixe associant la terminaison des prénoms de leurs trois enfants. C’est un peu la même chose quant à
Madrid Haufor (Réal de Lou), pour les Bigeon, "Haufor" puisant dans les lettres qui constituent les prénoms des trois enfants de la famille, soit "H", pour Charles,"au", pour Audrey, et "for", pour Flore. Du côté de René Guézille et de ses "Guez", à l’instar de
Miriss de Guez (Uzo Josselyn), ce sont les premières syllabes du patronyme de l’éleveur qui font l’affaire. Peut-être
Loulou de Mye (Clif du Pommereux) va-t-il débuter sous la selle dans le Prix du Président de la République - Etrier 4 Ans Finale (Groupe 1) ; lui porte, tout bonnement, le nom de jeune fille de la mère de Gérard Vaixelfisch, son co-éleveur, en partenariat avec Daniel Larue. On termine avec le Prix de Normandie - Etrier 5 Ans Finale (Groupe 1), où
Katinka Aimef (Singalo) s’alignera aux initiales de son propriétaire-éleveur, Michel Fitoussi –M. F.–, et où
Kalif Landia (Un Charme Fou) sera fort des dernières lettres du prénom de ses éleveurs, Roland et Nadia Foucault.
Le Prix du Président de la République - Etrier 4 Ans Finale (Groupe 1) nous propose un dernier type de suffixe, à travers la candidature de
Lisbonne Dry (Singalo). C’est là l’élevage de Gérard Olivier et il est caractérisé par un adjectif anglais, "Dry", pour signifier la dureté et la résistance des sujets qui en sont issus. Le label se veut alors évocateur, suggestif. Il illustre plus qu’il ne désigne. C’est un autre parti pris.
© AprhKatinka Aimef, attendue dans le Prix de Normandie - Etrier 5 Ans Finale