Un record et bien plus encore
Ce lundi 23 juin, au matin, le livre des records du trot s’est enrichi d’une nouvelle ligne : Jabalpur (Booster Winner) succède à Face Time Bourbon, Hokkaido Jiel et Vivid Wise As au rang de trotteur le plus rapide de Vincennes sur son tracé le plus véloce. 1’08’’7 en réduction kilométrique, nouvelle marque de référence pour un trotteur sur la piste mythique parisienne. Mais comment ce record s’est-il construit ? Éléments de réponse avec cette étude comparative, point d’orgue d’une incroyable journée résumée également en quelques chiffres et faits-clés.
"Sur 2.100m, on sait que c’est un avion à réaction". Les propos de Gabriele Gelormini à propos de Jabalpur (Booster Winner) résonnent encore plus fort au lendemain de l’exploit réalisé par le protégé de la famille Chavatte dans le Prix René Ballière. Les convictions sont une chose, les preuves en sont d’autres. Et force est de constater que Jabalpur a amélioré dimanche son record personnel de deux secondes et trois dixièmes. En temps total, c’est encore plus spectaculaire : il a trotté le même parcours cinq secondes et sept dixièmes plus rapidement que son précédent temps de référence. Si sa condition physique optimale a forcément joué, ce record est aussi l’histoire d’une course disputée dans des conditions parfaites, malgré un léger vent de face dans la montée. C’est aussi l’histoire de relais, involontaires, de trotteurs supersoniques, ayant propulsé Jabalpur sur les rails du triomphe historique.
Acte 1 : une descente à un train d’enfer
Lancés tels des bolides derrière l’autostart sur une piste parfaite, les acteurs du Prix René Ballière ont dévalé la descente de Vincennes à une allure folle. Le chrono instantané s’est littéralement affolé, 1'01''6 en vitesse de pointe (58,4 km/h), pour finalement annoncer 1’04’’3 à 1.500m de l’arrivée. Lors du record de Face Time Bourbon en 2021 (pris ici comme exemple), le leader Express Jet (Goetmals Wood), avait été flashé en 1’07’’.
Acte 2 : une prise de pouvoir de Go On Boy plus tôt que jamais
Conscient d’être allé très vite dans la descente, Éric Raffin reprend dans la montée Ibiki de Houelle (Love You) et accepte de céder la pole-position. Venu à son extérieur, Go On Boy (Password) prend naturellement le relai, sans effort apparent, mais se retrouve en tête plus tôt que jamais (ou très rarement) dans sa carrière. Le chrono affiche 1’06’’9 quand Étonnant (Timoko), leader de l’édition 2021, avait passé la marque des 1.000m en 1’07’’9. 2025 a toujours une nette avance sur 2021.
Acte 3 : des aspirations en or
Le parcours rêvé de Jabalpur se poursuit. Emmené sur un plateau par Hussard du Landret (Bird Parker), il se rapproche en souplesse de la ligne de tête dans la dernière courbe où Go On Boy (Password) fait afficher 1’08’’9, toujours sans forcer. Quatre ans plus tôt, Face Time Bourbon commençait lui son effort, réalisait un virage à très grande vitesse, comme seul lui savait le faire, pour prendre l’avantage sur Étonnant. Le chrono annonçait alors 1’09’’1 (plus proche de celui de dimanche). Mais finissant son parcours en solitaire, Face Time Bourbon ralliait le poteau sans en faire plus. Jabalpur, lui, après avoir profité de l’aspiration de Hussard du Landret, prend celle de Go On Boy et s’allonge de façon extraordinaire pour finir alors que Gabriele Gelormini lui a abaissé les œillères. Il s’envole vers un succès historique, couvrant ses 500 derniers mètres en 1’07’’4, soit trois dixièmes plus vite que Face Time Bourbon, chronométré en 1’07’’7 il y a quatre ans.
Les datas comparées des deux records
2025 vs 2021
● à 1.500m. du poteau : 1’04’’3 vs 1’07
● à 1.000m. du poteau : 1’06’’9 vs 1’07’’9
● à 500m. du poteau : 1’08’’9 vs 1’09’’1
→ Temps total : 2’24’’3 vs 2’25’’
◆ Partiel derniers 1.000m. : 1’09’’2 vs 1’10’’
◆ Partiel derniers 500m. : 1’07’’4 vs 1’07’’7
La question du record par les acteurs de la course
Gabriele Gelormini, driver de
Jabalpur (1er) :
"Ces chevaux-là ont tellement de facilité que, franchement, on ne s’est pas rendu compte qu’on allait à la vitesse d’un record. Mais sur une piste aussi parfaite et une météo propice à la vitesse, on l’a fait. Le départ a énormément pesé dans la balance. Néanmoins, vous m’auriez dit qu’on avait trotté 1’10’’, je vous aurais cru".
Alexandre Abrivard (6ème avec
Elegante Kronos) :
"Tout est tellement optimisé aujourd’hui : la piste parfaite, la météo, les sulkys, on va continuer d’en battre, c’est certain".
Mathieu Mottier (4ème avec
Keep Going) :
"Comme mes confrères, je n’aurais pas cru qu’on était allés à cette vitesse mais je ne suis pas surpris de ce que ce sont capables de faire ces chevaux".
Jean-Michel Bazire, sacré Champion des Champions
Il est éternel ce dont se réjouissent ses plus fervents supporters et il n'en manque pas. Vainqueur à trois reprises au cours de la réunion de dimanche dont le Prix Albert Viel avec
Mille Etoiles (Prodigious), où son nom n'était plus apparu au palmarès depuis 1998 et la victoire d'
Himo Josselyn (Cézio Josselyn),
Jean-Michel Bazire a été très logiquement désigné Champion des Champions à l'issue d'un vote des journalistes de la presse spécialisée.
"Heureusement qu'il ne monte plus", s'est amusé Mathieu Mottier lors de la conférence de presse d'après-courses. Sa drive dans le Prix Albert Viel, l'un des cinq Groupes 1, a été encore une fois un modèle du genre. Dans un premier temps, le Sarthois s'est bien gardé de se mêler à la bataille des premiers qui étaient "flashés" sur le pied de 1'02'' au bas de la descente. Mais, à la fin, c'est bien "JMB" qui a gagné après s'être rapproché dans la montée durant un temps mort.
"J'avais de bons chevaux à driver et leur préparation au cours des quinze derniers jours s'est très bien passée. Être toujours dans le "game" fait plaisir", a-t-il modestement commenté lors de la remise de ce trophée.
L'équilibre de Mathieu Mottier en haute altitude
C'est un chiffre qui dit beaucoup à lui seul. L'entraînement de
Mathieu Mottier avait cinq partants dimanche, cinq partants dans des Groupes 1, étant lui-même associé à quatre d'entre eux, le cinquième confié à Alexis Colette dans le Prix d'Essai-Étrier 3 Ans Finale dont le fils de Dominique Mottier a été le grand vainqueur en selle du
Météore de Simm (
Boccador de Simm).
©SETFDepuis que l'entraînement de l'écurie familiale est passé sous son nom, c'est-à-dire depuis 2020, l'ascension est remarquable, sans que cela n'affecte en rien sa carrière de pilote. Les deux se complètent même parfaitement et ce aussi au meilleur niveau. Sur les trente derniers mois, Mathieu Mottier a ainsi remporté 8 Groupes 1 comme pilote et 7 comme entraîneur, respectivement avec 53 et 33 partants, soit des taux de réussite à la gagne de 15 % et 21 %. Remarquable ! D'autant qu'il faut ajouter huit places dans les trois premiers comme pilote et cinq comme entraîneur.
L'an dernier, le Mayennais a hissé pour la première fois son entraînement dans le top 10 national (en nombre de gagnants) en passant pour la première aussi le cap des 100 victoires annuelles. Cette saison, après quasiment un premier semestre, il est sur des bases équivalentes : 54 victoires (vs 54), 64 deuxièmes et troisièmes places (vs 66) et 1,9 M€ (vs 1,3 M€).
Les résultats de son entraînement n'ont nullement d'impact négatif sur sa carrière de pilote, c'est tout le contraire. En 2024, Mathieu Mottier, non content de conquérir un troisième Étrier d'Or, n'a jamais gagné autant de courses (206). À 33 ans, il semble avoir trouvé son équilibre qui lui permet de tutoyer les sommets avec ses deux casquettes.
Sur les trente derniers mois, Mathieu Mottier a ainsi remporté 8 Groupes 1 comme pilote et 7 comme entraîneur
Un petit d'air d'Italie
Si le drapeau français a flotté sur Vincennes lors de ses finales du Championnat de France Étrier 3/4/5, il est un autre drapeau tricolore qui lui a fait de la concurrence au cours de l'après-midi. On a en effet beaucoup parlé italien dans l'enceinte des balances. Il faut dire que les propriétaires venus de la Péninsule ne manquent jamais une occasion de fêter leur victoire dans le temple du trot français. Dimanche, ils ont été particulièrement gâtés. On pense évidemment en premier lieu à l'écurie Tramontom Srl, animée par Tommaso Franchi, qui a vu sa casaque remporter un Prix René Ballière (Groupe 1) déjà entré dans l'Histoire de Vincennes avec le nouveau record absolu de la piste de
Jabalpur en 1'08''7 (lire en pages 1 et 2) ! Pour rappel, ce fils de
Booster Winner a été acheté yearling 18.000 € à Deauville où il était présenté par le Haras de Vire pour le compte de ses éleveurs, Alain Groult et son fils Pierre.
© ScoopDygaImage exceptionnelle de Nathan PaulinEt que dire de la casaque de la Scuderia Mistero S.R.L. de Giorgio Sandi (le label Di Poggio), dont le nom provient du trotteur italien
Mistero (Prince Hall) au palmarès du Prix d'Amérique en 1947 ? Après le succès de
Killiam Fromentro (Villiam), élevé en Normandie par François Meslin, dans le Prix J XII-J Twelve (Prix Jean-Yves Lecuyer) (Groupe 3), la pouliche
Mille Etoiles lui a apporté la consécration par un premier Groupe 1 sur le sol français dans le Prix Albert Viel. Une victoire obtenue avec une pouliche achetée à l'amiable par Gaetano Pezone pour Giorgio Sandi notamment pour son pedigree et son potentiel générique.
"Je me rappelle l'avoir vue courir ici à Vincennes en soirée, elle finissait 6ème d'une course de série bien composée, remportée par Magic America. Elle avait bien fini. J'ai alors tout de suite pensé à mes clients et en particulier M. Sandi qui lançait à cette époque son projet de création d'un élevage en France. Cette pouliche bien née correspondait à tous les critères recherchés et ils m'ont fait confiance", rappelait le courtier italien dans notre édition datée dimanche. Le trait commun de ses trois victoires "italiennes" est d'être obtenues avec des Trotteurs Français (
Jabalpur et
Mille Etoiles) pour deux d'entre eux tandis que le troisième (
Killiam Fromentro) est aussi "made in France".
Le jumelé Prodigious/Jean-Philippe Dubois du Prix Albert Viel
Première et deuxième du Prix Albert Viel,
Mille Etoiles et
Magic Man ont aussi en commun d'être deux produits du regretté
Prodigious, disparu voilà plus d'un an. Tête de liste nationale en 2015, ce dernier affiche une très grande constance dans sa production, ce qui lui a permis depuis de truster les podiums. Père de nombreux gagnants de Groupe 1, comme
Carat Williams et
Earl Simon qui sont devenus ses continuateurs au haras, on lui doit aussi les classiques
Vision Intense,
Valse Darling et
Darling de Reux entre autres. Autre point commun dans le couplé gagnant du Prix Albert Viel : ils proviennent tous les deux de l'élevage de Jean-Philippe Dubois dont
Prodigious aura été l'une des plus belles réussites d'élevage et en compétition. Le professionnel normand consolide ainsi encore un peu plus sa première place au classement des éleveurs de l'année, autant en termes de victoires (84) qu'en termes de gains (2,2 M€). Enfin,
Mille Etoiles et
Magic Man ont été tous deux qualifiés au Mans le même jour du mois de juillet de leur 2 ans.
Plus de 12.000 spectateurs
Malgré l'épisode de chaleur qui touchait la région parisienne comme une grande partie de la façade Ouest notamment, le public a répondu présent à Vincennes, dimanche, avec plus de 12.000 spectateurs. Outre le spectacle sportif sur la piste, les différentes animations tout au long de la réunion, de la performance de Nathan Paulin, le champion de la slackline dont la performance à 15 mètres au-dessus de la piste a marqué les esprits, comme La Marseillaise par la cantatrice Axelle Saint-Cirel et la grâce de la danseuse Victoria Dauberville en ouverture du défilé du Prix du Président de la République-Étrier 4 Ans Finale. Dans les tribunes sur la Scène des Champions, le show permanent des stars de danse a capté l'attention du public.