Le contrat de confiance entre la Mairie de Paris et la SETf
C'est certainement le sujet le plus discuté dans la grande famille du trot depuis des mois. Le feuilleton de la concession de l’hippodrome Paris-Vincennes a connu un épilogue favorable ce vendredi suite à une délibération favorable du Conseil de Paris. C'est reparti pour 30 ans. Mais à quelles conditions ? Selon quels termes d'engagement entre les deux parties ? Longtemps conduit dans la confidentialité propre à l’instruction d’un dossier aussi stratégique, il se révèle en pleine lumière dans un document public.
Il aura fallu attendre le dernier jour du Conseil de Paris, débuté mercredi, pour arriver à la délibération du "2025 DFA 37" soit "la signature d'une concession de services pour l'exploitation et la valorisation de l'hippodrome de Paris-Vincennes" pour reprendre exactement les termes de l'ordre du jour de la chambre d'élus de la capitale. Le débat démocratique de l'hémicycle parisien a duré quelques minutes, le temps pour Brigitte Kuster (Union Capitale) de louer la "qualité du dialogue débouchant sur le contrat de concession" et pour Douchka Markovic (Les Écologistes) de développer ses arguments contradictoires avant que Patrick Bloche, Premier Adjoint au maire, ne valide le choix de la Maire de Paris de s'engager. La délibération a été validée sur les coups de 15h ce vendredi 4 juillet 2025. C'est donc la fin d'un très long processus et d'un long travail mené par le Conseil d'Administration de la SETF et ses trois Directeurs. "Nous sommes heureux que toutes les conditions soient réunies pour permettre à l’hippodrome de Paris-Vincennes de continuer à faire rayonner les courses au trot", commente-t-on ainsi en haut lieu (voir interview en page 3) et c'est une nouveau chapitre qui peut s'ouvrir en même temps qu'un grand champ des possibles.
L'exécutif parisien s'est ainsi appuyé sur les termes d'un document complet détaillant les contours du contrat pour une durée de 30 ans et dont on propose de découvrir le contenu via ce lien. On y a apprend beaucoup de choses. Exposé des motifs conduisant à cette signature, le projet de concession soutenu par la SETF adopté ce vendredi par le Conseil de Paris fait donc suite à la publication le 11 juillet 2023 d’un appel à candidatures. Le document rappelle l’historique du site et ses caractéristiques (48 ha de superficie, des tribunes de 31.841 m2, etc.). Il précise aussi que la concession précédente (lancée en 1975) a permis de percevoir par la Ville de Paris en 2024 une redevance totale de 101.832 €. Il documente aussi le montant consacré par le locataire (SETF) à la rénovation et entretien du site : 115 M€ depuis 1975. La nouvelle concession programmée sur 30 ans est construite sur des critères budgétaires et d'activités.
La réaction de Jean-Pierre Barjon, Président de la SETF
"Le renouvellement de la concession de l'Hippodrome Paris-Vincennes est une immense fierté pour la SETF. C'est une histoire de 120 ans qui se prolonge, inscrivant notre futur dans ce site exceptionnel pour les 30 ans à venir. Ceci a été possible par l'engagement sans faille de nos équipes qu'il faut ici remercier et la capacité de la SETF à porter un projet ambitieux pour notre lieu mythique.
Courses, spectacle, sport, écologie... les atouts que nous offre ce site exceptionnel sont nombreux. Nous allons dès à présent travailler dans un esprit de collaboration et d'écoute avec la municipalité et les habitants pour révéler tout son potentiel.
2025-2055 : notre ambition est de nous inscrire dans une vision, un mouvement futur, et de continuer à faire de l'Hippodrome Paris-Vincennes un lieu vivant, ancré dans le cœur et la vie quotidienne des Parisiens."
Les impératifs du projet
Les données du projet de concession de services relative à l’exploitation, l’entretien et la valorisation de l’hippodrome de Paris-Vincennes sont précisées dans un cahier des charges initial qui imposait :
◆ un programme minimum de travaux prescrits par la Ville, dont le montant était évalué à 41,83 M€ HT (valeur 2023),
◆ un niveau de redevance forfaitaire de 5 M€ par an.
Mais parallèlement à ces enveloppes financières, le dossier a été examiné selon trois
"critères hiérarchisés, selon un ordre décroissant d’importance" :
■
Critère 1 : qualité du projet d’exploitation en fonction de sa capacité à contribuer au respect de la destination du lieu, à son attractivité et à son animation, à son ouverture à un public varié et à son intégration dans son environnement ;
■
Critère 2 : qualité du projet architectural et paysager : qualité et cohérence du programme proposé pour garantir l’attractivité et la mise en valeur des espaces concédés, en cohérence avec l’esprit du site et de son environnement ;
■
Critère 3 : redevance et viabilité économique de l’offre.
L'évaluation de l'offre de la SETF
Voici la réception critère par critère de l'offre finale de la SETF, déposée le 10 avril 2025 :
■
Critère 1 : "l’offre répond à l’activité principale de course de façon parfaitement adaptée, et, bien qu’elle manque encore de détails sur les modalités de mise en œuvre des activités, elle présente des idées intéressantes et pertinentes du point de vue de l’animation et de la diversité des clientèles visées, permettant de dynamiser un site actuellement peu connu du public parisien." Verdict : elle est
"jugée plutôt satisfaisante (...) la proposition est globalement pertinente mais aurait dû être approfondie sur certains points."
■
Critère 2 :
"le candidat répond globalement au programme minimum de travaux, bien qu’il se contente de présenter des intentions ponctuelles, notamment une ambition de mise en valeur du bâtiment principal avec création d’un parvis paysager. Cette absence de vision architecturale globale s’explique en grande partie par le fait que le candidat n’a pas encore désigné d’architecte au stade de la consultation, et l’on peut considérer que le projet sera approfondi lors de l’exécution du contrat de concession une fois l’équipe de maîtrise d’œuvre entièrement désignée." La réponse est jugée
"moyennement satisfaisante (...), certaines propositions du candidat manquant quelque peu d’ambition et les modalités de mise en œuvre restant incomplètes."
■
Critère 3 : la SETF a ici fait une proposition alternative à la demande de la Ville de Paris qui note :
"la proposition de mécanisme de redevance du candidat repose sur un montant de redevance forfaitaire ne correspondant pas aux attendus de la Ville (2 M€ annuels en moyenne au lieu de 5)." L'exposé des faits relève néanmoins au crédit de la proposition de la SETF que
"ce niveau de redevance forfaitaire bas, justifié par le candidat comme étant le maximum soutenable pour la filière, est en rupture complète avec le contrat historique et s’élève à près de 20 fois la redevance forfaitaire perçue en 2024." Puis, il est précisé :
"Au global, sur la base des calculs du candidat, le niveau de la redevance (fixe et variable) atteint en moyenne 2,8 M€ sur la durée du contrat et presque 3,5 M€ à son terme, en euros constants." On notera que
"la redevance forfaitaire est indexée sur les recettes d’exploitation hippiques du PMU enregistrées dans les comptes sociaux de la SETF". Concrètement, en cas de baisse des revenus de la SETF en provenance du PMU, sa redevance à la Ville de Paris sera revue à la baisse (avec un seuil maximal de 3 %).
En assemblée, ce vendredi, Patrick Bloche (Premier Adjoint au maire) a précisé : "
Il faut saluer l'effort d'investissement qui va être réalisé et on ne peut que se réjouir de la conclusion du fruit d'un gros travail des services de la mairie avec le locataire (la SETF) pour déboucher sur cet accord. 2 millions d'euros par an, c'est une augmentation sensible par rapport aux accords précédents."
La conclusion de l'exposé des motifs est ainsi favorable à l'offre de la SETF :
"Au vu de ce qui précède, malgré un niveau de redevance faible, l’offre du candidat présente des atouts en termes d’exploitation (diversification des activités permettant l’animation et l’ouverture à des publics variés) et de valorisation architecturale et paysagère. Il est donc proposé d’attribuer la concession de services à la Société d’Encouragement à l’Elevage du Trotteur Français."
©BrunoVandeVelde/SETF5 questions suite à cette délibération
24h au trot - Quel sentiment prédomine à la suite de cette délibération favorable pour le renouvellement de la concession de l’hippodrome de Paris-Vincennes ?
C’est avant tout un sentiment de satisfaction. L’hippodrome Paris-Vincennes est un site emblématique pour la SETF, par son histoire, la qualité et le profil de sa piste et sa place centrale dans le calendrier des courses au trot, en France et à l’international. Ce lieu unique, fort de plus de 120 ans d’existence, va poursuivre son activité pour les 30 prochaines années. Le Conseil d’administration s’est fortement mobilisé, en examinant en profondeur toutes les options possibles. La spécificité de Paris-Vincennes a clairement pesé dans la balance : son ancrage historique, sa résonance internationale et son rôle structurant dans la sélection du Trotteur Français ont constitué des atouts décisifs.
Nous sommes donc heureux que toutes les conditions soient réunies pour permettre à l’hippodrome de Paris-Vincennes de continuer à faire rayonner les courses au trot, dans la continuité et avec ambition.
Le Conseil d’administration s’est fortement mobilisé, en examinant en profondeur toutes les options possibles
Ce dossier a été central pendant plusieurs années, symbole de son importance. Quels objectifs ont été atteints ?
Pour être précis, ce sont près de cinq années de travail qui se sont écoulées depuis les premiers échanges, amorcés dès la période du COVID avec la Ville de Paris.
Ce projet a mobilisé l’ensemble des équipes de la SETF et de l’institution, qui se sont investies avec responsabilité, rigueur et détermination. Leur engagement a permis de constituer un dossier de près de 1000 pages, solidement construit, documenté et enrichi par des études et expertises externes.
Notre modèle économique et organisationnel, spécifique à la filière hippique française, est complexe. Il a donc fallu faire preuve de pédagogie pour en expliquer les enjeux. Nous avons pu compter sur des interlocuteurs à l’écoute, avec lesquels les échanges ont toujours été de grande qualité. Leur volonté de voir la SETF rester à Paris a été manifeste, et nous les en remercions.
Cette étape franchie marque surtout le début d’un nouveau chapitre
Est-ce surtout la fin d’un processus ou le début d’un nouveau ?
Cette étape franchie marque la conclusion d’un travail de longue haleine, mais surtout le début d’un nouveau chapitre. La concession obtenue pour 30 ans ouvre un horizon de long terme, qui doit nous permettre de développer des projets ambitieux et d'ouvrir ce lieu emblématique de l'Est parisien à de nouvelles pratiques. Ces cinq années de préparation ont fait émerger de nombreuses pistes de transformation. Il nous appartient désormais de les affiner, d’en évaluer la pertinence et de les mettre en œuvre progressivement, dans une dynamique de modernisation durable.
Quelles sont les prochaines échéances et comment va se construire le Vincennes du futur ?
La transformation de l’hippodrome de Paris-Vincennes s’articulera en trois grandes étapes :
1. Une phase d’étude et de programmation (environ 2 ans) : elle portera sur la modernisation des bâtiments et la définition d’un projet stratégique pour faire de Paris-Vincennes un lieu de vie animé, sportif et culturel, tout en préservant son identité de haut lieu des courses de trot.
2. Une phase de travaux (environ 2 ans également) : menée en étroite collaboration avec la Ville de Paris, elle visera à adapter les infrastructures aux normes d'aujourd'hui et aux nouveaux usages.
3. La phase d’exploitation : une fois les aménagements réalisés, commencera un nouveau cycle d’exploitation, avec le développement des nouveaux usages dont il est encore trop tôt de préciser la nature.
Quel rôle pour Enghien dans ce nouveau contexte ?
Le site d’Enghien, dont nous sommes propriétaires, a été sérieusement étudié dans le cadre du dossier, et il représente une véritable opportunité de développement complémentaire. Les études menées ces derniers mois ont mis en lumière plusieurs scénarios possibles. Dans les mois à venir, ces hypothèses seront soumises au Conseil d’administration, afin de déterminer les orientations stratégiques futures pour ce site, en cohérence avec l’évolution de Paris-Vincennes et le contexte générale de l'Institution des Courses Hippiques.