Mathieu Porte et Lionheart, victorieuse croisade de l’amitié
"Je crois que je n’ai vraiment reposé les pieds sur terre que ce mardi. Une deuxième nuit m’aura été nécessaire pour sortir de mon rêve et bien réaliser." La lévitation céleste est terminée pour Mathieu Porte qui a remporté dimanche grâce à Lionheart son premier Groupe 1 dans le Prix des Élites. Les courses ont été au cœur de la vie du propriétaire mais sous des formes différentes. Cela donne au final une véritable pelote de fils réunis par les chevaux et les amitiés traversières de plusieurs décennies.
"C’est le plus beau jour de ma vie dans les courses", a répété à l’envi le propriétaire dimanche. Et lundi encore. Et mardi toujours : "Hier encore (lire lundi), je disais à des potes que je n’avais pas atterri. Avec une nuit de plus et une course que j’ai visionnée des dizaines de fois, voire une centaine, les choses sont plus claires. Dimanche soir, mon premier réflexe a été de lire 24h au trot pour vraiment commencer à réaliser." Mathieu Porte n’a pas encore quitté ses nuages et son bonheur dominical : "Forcément, je dirais que c’est la plus belle émotion que j’ai pu connaître sur un hippodrome. Elle dépasse les débuts victorieux de Lionheart à Lisieux qui m’avaient pourtant bouleversé. Il s’agissait du premier partant sous la casaque de l’Ecurie de Loradour et mon ami et compagnon de toute l’aventure Lionheart, Hugues Rousseau, m’avait accompagné. Cette victoire amorçait et scellait une histoire sous le rapport d’amitié."
Voilà, le mot amitié est jeté. Le sacre de Lionheart (Falcao de Laurma) est la consécration d’une amitié de plus de trente ans entre deux hommes, Mathieu Porte et Hugues Rousseau. Éleveur du poulain, le propriétaire du Haras du Mont Goubert et directeur général d’Arqana Trot figure dans tous les plis de l’origami qui dessine Lionheart.
Il a vendu le poulain et joué l’intermédiaire pour envoyer son élève chez Nicolas et Jean-Michel Bazire. Mathieu Porte relate : "Le cheval était vraiment très beau et, comme Hugues avait déjà entamé une collaboration heureuse avec Jean-Michel Bazire par Jushua Tree, il m’a proposé de demander aux Bazire de prendre le poulain. Au début, c’est Romain Congard qui s’en est occupé. Voilà comment est partie l’histoire." En fait non. L’histoire est partie beaucoup plus tôt. Chez un petit garçon du Var qui a découvert le mystère des courses en Dordogne. Drôle d’itinéraire.
L’itinéraire d’un enfant de la France hippique et du PMU
Le quinquagénaire Mathieu Porte a en fait toujours baigné dans les courses, éclairant en préambule : "J’ai effectué l’essentiel de ma carrière professionnelle au PMU". Mais pour en arriver là, il faut rembobiner le fil jusqu’à l’enfance. Comme toujours. "Pendant mes vacances quand j’était tout enfant, mon grand-père m’a fait découvrir le monde des courses… dans son PMU. Il vivait en Dordogne, dans le Périgord Vert, là où il y a un petit hameau du nom de Loradour. Je le suivais régulièrement au PMU pour le Tiercé du dimanche. Puis dès que j’ai été en âge de d’aller plus loin, je me suis intéressé aux origines, aux jockeys, aux entraîneurs. Cela m’a tout de suite beaucoup plu. L’exercice est vite devenu intellectuellement passionnant. Très vite, j’ai été plus attiré par le trot, par l’esthétisme de ses allures et ses courses." Cette primo initiation périgourdine parle à un jeune garçon qui vit et grandit, hors vacances, dans le Var. "Dès que j’ai l’âge de conduire, je fais tous les hippodromes de ma région, dans le Var, à Cagnes évidemment. Je vais aussi beaucoup à Marseille. En fait, je fréquente tous les hippodromes du Sud-Est. Puis je deviens étudiant en école de commerce à Brest. Je sillonne alors les champs de courses du Finistère et de la Bretagne. Je noue des contacts et apprends alors à driver. Je vais par exemple chez Alain Le Picard, décédé en 2020, et qui était installé à côté de Guingamp. J’adore ça."
Il y a à la même époque un autre stagiaire du nom de Hugues Rousseau. Le courant passe très bien : on a le même profil d’étudiant, le même âge, les mêmes centres d’intérêt. (...) Depuis, nous sommes restés copains.
Sa vie d’étudiant le conduit aussi à Paris. Mathieu Porte découvre Vincennes. Et va aussi à Grosbois où il sort des chevaux, notamment chez Jean-Luc Dersoir.
"Je voulais faire mon stage de fin d’étude dans le milieu des courses. J’ai la chance que Lyonel Fontenay, à la tête de Trotting Promotion, accepte ma candidature et me prenne en stage. Il y a à la même époque un autre stagiaire du nom de Hugues Rousseau. Le courant passe très bien : on a le même profil d’étudiant, le même âge, les mêmes centres d’intérêt. Nous étions au début des années 1990, il y a plus de trente ans. Depuis, avec Hugues, nous sommes restés copains. On connaît la suite : Hugues a continué à travaillé avec Lyonel, a repris Trotting Promotion, puis a géré la fusion avec l’Agence Française du Trot pour devenir le Arqana Trot d’aujourd’hui."
De son côté Mathieu Porte tape à la porte du PMU à sa sortie d’étude.
"J’ai été recruté, ce qui m’a permis de vivre ma vie professionnelle dans l’environnement qui me passionnait le plus, celui des courses."
En fonction dans différentes agences régionales du PMU, Mathieu Porte a commencé comme responsable commercial (en Bretagne), puis est devenu adjoint au directeur d’agence et enfin directeur d’agence. Son parcours est passé par la Bretagne, la Normandie (Rouen), le Sud-Ouest (Pau), la Bourgogne (Dijon), puis les agences de l’Île-de-France.
Le tournant de la cinquantaine, juste après le Covid, passe par là. Mathieu Corde veut voir ailleurs, s’ouvrir de nouveaux horizons mais sans avoir d’idées vraiment précises de ces nouvelles rives. Un plan social du PMU est ouvert. Ce sera l’opportunité de passer à l’acte.
"Je n’avais rien d’arrêté à ce moment-là, pas d’engagements professionnels avancés. Et je me rends compte alors, une nouvelle fois, que les courses me plaisent plus que jamais."
Les amitiés ont la vie dure. Mathieu Porte et Hugues Rousseau sont toujours bons amis. Ils se voient régulièrement. Le directeur d’Arqana Trot a monté de son côté le Haras du Mont Goubert et fait remarquer à Mathieu Porte il y a trois ans :
"Pourquoi tu ne t’occuperais pas de la partie commerciale du haras ? Tu as été dans le commerce et le relationnel toute ta vie. Je te propose de collaborer comme commercial. Tu défendras les étalons du haras, en assureras la promotion, noueras des relations avec les éleveurs, etc. On est partie là-dessus. Voilà comme je suis devenu le commercial du Mont Goubert."
© Aprh Les convictions du propriétaire Mathieu Porte
Mathieu Porte possède des chevaux depuis de nombreuses années, quasiment toujours en association. Sa casaque en nom propre est apparue sur les programmes en 2017 mais l’homme était copropriétaire antérieurement dans le cadre d’associations.
"Dès que j’ai eu la capacité financière de pouvoir devenir propriétaire, je l’ai fait. Je me suis lancé au départ en association et par la suite quelquefois seul. Je me suis vite rendu compte que l’association offrait les meilleures perspectives car cela permettait d’avoir simultanément des parts dans des chevaux différents. Quand vous n’avez qu’un cheval et qu’il est au repos, cela devient long entre les courses. Quand vous en avez plusieurs, forcément, il y en a toujours un qui est sur les programmes."
L'Ecurie de Loradour, un retour aux sources
Et Mathieu Porte crée en 2022 l’Ecurie de Loradour qui regroupe toutes ses activités hippiques (chevaux à l’entraînement, parts d’étalons, poulinières). L'effectif comprend actuellement trois chevaux à l'entraînement (Lionheart, Iacynthe Didjeap et une 2 ans) et deux poulinières. Loradour comme le petit hameau périgourdin de son enfance où il a découvert les courses, en accompagnant son grand-père au PMU.
50 ans, un vélo et un trotteur
Avant de lancer sa collaboration avec le haras du Mont Goubert, Mathieu Porte passe du temps avec son ami Hugues Rousseau.
"Lors d’une journée ensemble sur le haras, je lui confie mon envie d’acheter un yearling. Pour moi, c’était un achat spécial, un achat pour rêver. Je venais d’avoir 50 ans. J’étais à un moment particulier de ma vie et j’avais envie de me faire deux plaisirs, dans deux univers importants personnellement. Je me suis acheté un vélo - j’adore le vélo -, un Scott, une formule 1 du vélo. Et j’ai acheté un yearling." Le yearling sera
Lionheart.
Je réalise aussi que Lionheart est une chance absolue.
Lionheart, un nom comme une prédestination
"Nous étions au printemps, se rappelle le propriétaire.
Nous traversons les herbages. Je lui donne un budget. Il me propose alors plusieurs poulains parmi lesquels figure Lionheart. Et c’est lui que j’ai choisi. Il avait vraiment de très beaux tissus, très fins, à la façon d’un pur sang. Et quand Hugues m’a appris son nom, il est devenu évident que c’était lui. Le nom de Loradour de mon écurie provient du Périgord Vert, dans le nord de la Dordogne, le fief de ma famille où j’ai passé mes vacances dans ma jeunesse. Et c’est à quelques encablures du Château de Châlus, où est mort Richard Cœur de Lion lors de son retour des Croisades (N.D.L.R. : le 6 avril 1199). Il y a là-bas toute une route touristique qui s’appelle la route Richard Cœur de Lion que j’ai sillonnée de nombreuses fois, notamment en vélo. Alors Lionheart (cœur de Lion en Français), c’est un clin d’œil et une coïncidence extraordinaire. Ce nom fait que je ne pouvais pas ne pas m’en rendre acquéreur. Il y a un vrai clin d’œil avec le Sud-Ouest et l’Histoire. Et j’aime bien l’Histoire."
Lionheart, comme des signaux qui se font écho
La pose altière d’un souverain, le nom qui ramène à Richard Cœur de Lion et Loradour. Il y a encore d’autres arguments qui ont fait vibrer la sensibilité de Mathieu Porte lors de leur rencontre.
"C’est un fils de Falcao de Laurma qui me plaisait beaucoup. Il faut se rappeler que Falcao a été l’un des très rares de sa génération à battre à la régulière Face Time Bourbon. Il était aussi physiquement très beau et a été primé au concours de modèle. Enfin Falcao de Laurma est un fils d’Uniclove, peut-être le premier étalon dont j’ai acheté une part. En fait, Lionheart, c’est comme des signaux en boucles sur ma vie et mes coups de cœur aux courses. Quant au pedigree maternel, il me parlait avec la grand-mère, My Lady Way (Blue Dream), qui avait gagné Groupe 1 (le Prix d’Essai)."
Des investissements raisonnés à l’avenir
"Mes investissements et mes dépenses dans les courses seront toujours très maîtrisés, commente Mathieu Porte.
Je ne veux pas que la taille devienne telle que je passe dans un autre système avec la pression qui va avec. Je réalise aussi que Lionheart est une chance absolue. La probabilité de tomber sur un tel cheval est quand même très faible. Aucun autre investissement ne pourra générer un retour du même ordre. Néanmoins, je pense qu’il faut redonner à la filière qui m’apporte beaucoup. Je vais donc continuer à procéder à des achats mais raisonnés. Et cela sera surtout à vocation élevage, pour des juments ou des pouliches bien nées."
Actuellement, Mathieu Porte possède deux poulinières stationnées au haras du Mont Goubert. Il s’agit de la classique
Joke (Dollar Macker) et de
Juventa Mesloise (Eridan).
La production de Joke
◆ 2024 :
O’ Reillys Paddyhat (m. Just A Gigolo)
◆ 2025 : foal femelle de
Face Time Bourbon
◆ 2025 : saillie par
Jushua Tree
La production de Juventa Mesloise
◆ 2024 :
Olea Mare Nostrum (f. Boccador de Simm)
◆ 2025 : foal mâle (inscrit au stud-bood danois) de
Tactical Landing
◆ 2025 : saillie par
Frank Gio
© AprhSur le podium dimanche