Le trot européen à l'heure "H"

Que d'aucuns n'ont-ils pas dit, il fut un temps, de la génération des « H », jugée moyenne, voire médiocre –par rapport à celle des « F », par exemple, ou à celle des « I »–, au prétexte de la diversité de ses vainqueurs au plus haut niveau… Or, c’est un véritable exploit qu’ont réalisé, au cours de ces six derniers mois, trois de ses différents représentants, en s’octroyant le Prix d’Amérique Legend Race, l’Elitloppet et le Prix René Ballière, soit trois Groupes 1 phares du premier semestre franco-scandinave. Sans compter les réussites parallèles d’autres sujets appartenant à cette promotion, en fin de compte remarquable.

Haut personnage du trot français, Albert Viel, on en conviendra, n’était pas né de la dernière pluie. Longtemps indétrônable, au palmarès des propriétaires et, plus encore, des éleveurs, il avait un sacro-saint principe en matière d’élevage : celui d’accorder sa confiance à des étalons ayant fait leurs preuves dans les courses inter-générationnelles, car c’est là la seule vérité, celle-ci consistant à étalonner les promotions entre elles, à relativiser, en quelque sorte, sachant que, dans l’absolu, l’homme n’est pas chez lui, ni le cheval.

Albert Viel : la preuve par l’exemple

Albert Viel en tira l’utilisation, sinon systématique, du moins régulière, des services du crack Buffet II, qu’il avait vu gagner, avec un extrême brio, un Prix de l’Etoile, face à ses cadets, ou encore un Prix de l’Atlantique, où il surclassait une exceptionnelle aînée du nom d’Une de Mai. Albert Viel et les siens obtinrent, tour à tour, de Buffet II, les Marco Bonheur, La Bourrasque, Rénoso, Turquetil et, cerise sur le gâteau, Ultra Ducal. Autrement dit, la preuve par l’exemple.

Un triptyque insolite et inédit

Dès lors, point de jugement prématuré, ni radical ; point d’assertion péremptoire, tant que mesure n’a pas été prise, à l’aune de la confrontation, la vraie, celle de la compétition intergénérationnelle, voire internationale.
À cet égard, le triptyque présentement réussi par les « H », dans
➤ Prix d’Amérique Legend Race (Hooker Berry)
➤ Elitloppet (Hohneck)
➤ Prix René Ballière (Hokkaido Jiel)
est un modèle de réussite, sorte d’insolite et inédit grand chelem, du moins réalisé par trois chevaux différents, au sein d’une même génération, française en l’occurrence. Car, au cours de ce dernier demi-siècle, voire au-delà, nulle trace d’un tel coup de trois.

A deux, c’est bien ; à trois, c’est mieux !

Il y a… quarante ans, en 1983, la passe de trois a bien été réussie, mais en duo, non pas en trio, Idéal du Gazeau (Prix d’Amérique) et Ianthin (Elitloppet et Prix René Ballière) se l’octroyant. Il reste qu’à trois, c’est encore mieux, car cela met l’accent sur la densité de la génération. En 2019, avec Bélina Josselyn (Prix d’Amérique) et Bold Eagle (Prix René Ballière), on est en présence de deux sujets différents, mais pour, seulement, deux titres. De même, en 1992, avec Verdict Gédé (Prix d’Amérique) et Vivier de Montfort (Prix René Ballière), ou, en 1984, avec Lurabo (Prix d’Amérique) et Lutin d’Isigny (Prix René Ballière). Pour le reste, ce sont des solos, mais au rendez-vous, simplement, de deux des championnats concernés : Face Time Bourbon, en 2021 et en 2020 (Prix d’Amérique et René Ballière), Bold Eagle, en 2017 et en 2016 (Prix d’Amérique et René Ballière), Jag de Bellouet, en 2005 (Prix d’Amérique et René Ballière), Général du Pommeau, en 2000 (Prix d’Amérique et René Ballière), Coktail Jet, en 1996 (Prix d’Amérique et Elitloppet)… Des exploits à part entière mais en mode "individuel" quand nos trois "housquetaires" soulignent la richesse globale de la promotion un temps décriée à tort et la profondeur de banc comme on dirait au football ou au rugby.

Pour enfoncer le clou

On se doit d’ajouter que Hooker Berry, Hohneck et Hokkaido Jiel ne sont pas des cas isolés dans leur génération. Ils sont, en effet, rejoints, par Horsy Dream (Scipion du Goutier), le vainqueur du dernier Prix de Sélection, et par Hanna des Molles (Village Mystic), triple lauréate de Groupe 1, l’hiver dernier, montée, notamment dans les Prix de l’Ile-de-France et des Centaures. Voilà qui ne fait qu’enfoncer le clou et crédibiliser notre propos.

Un palmarès qui parle pour lui

Nous résumons et rassemblons, ci-dessous, le palmarès de la génération des « H » dans les classiques ou Groupes 1 lui étant strictement dédiée. Entre parenthèses, après le nom des vainqueurs, celui des placés, si tant est qu’ils aient marqué de leur empreinte le semestre qui vient de s’écouler, en s’imposant dans un Groupe 1 mêlant les différentes promotions.
◼︎ Critérium des Jeunes-Prix Comte Pierre de Montesson : Havana d’Aurcy (2ème Hooker Berry).
◼︎ Prix Albert Viel : Helgafell (2ème Hooker Berry).
◼︎ Championnat Européen des 3 Ans : Helgafell (2ème Hanna des Molles).
◼︎ Critérium des 3 Ans : Hanna des Molles (3ème Hooker Berry, 4ème Hokkaido Jiel).
◼︎ Critérium des 4 Ans : Hastronaute (3ème Hohneck).
◼︎ Grand Prix de l’U.E.T. : Calgary Games.
◼︎ Critérium Continental : Hohneck (3ème Hooker Berry).
◼︎ Critérium des 5 Ans : Hussard du Landret (2ème Hohneck).
◼︎ Championnat Européen des 5 Ans : Héraut d’Armes (2ème Hohneck)