Quel drôle de Gaspar !

Il aura su réaliser l'exploit jusqu'au bout. Déjà auteur d'une saison exceptionnelle ponctuée par six victoires d'étape, Gaspar d'Angis (Quaro) fait encore plus fort en s'octroyant aussi la Finale du Grand National du Trot 2023. La prouesse est inédite et d'autant plus majeure que Gaspar d'Angis a su s'élever en très haute altitude, faisant mieux qu'un lauréat de Groupe 1 comme Ganay de Banville (Jasmin de Flore), finalement 3ème au passage du poteau, devancé par Gendréen (Boccador de Simm) qui partait 25m devant ses rivaux huppés.

Il ne pouvait pas rêver meilleur épilogue. Traverser la France au gré des étapes proposées par le calendrier du GNT représente déjà une drôle d'épopée. Mais la conclure par un nouveau triomphe dans la capitale, et bien sûr le plus beau de la formidable série réalisée par Gaspar d'Angis, a de quoi émouvoir même le robuste breton Jean-Michel Baudouin, pourtant habitué à gagner le tournoi (4ème succès après ceux d'Oasis Gédé, Punch de Chenu et Elvis Madrik). Ce millésime 2023 aura forcément un goût à part. Celui de la progression permanente d'un compétiteur passé de bon élément à élément d'exception. En fait, on aurait pu titrer à chacune de ses victoires : "Gaspar d'Angis, plus fort que jamais." Car c'est exactement ce qu'il s'est passé au fil de ses onze participations (Finale comprise) et Gaspar d'Angis atteint aujourd'hui le sommet de la hiérarchie des meilleurs hongres français et peut-être même des meilleurs trotteurs français tout court. Ému et fier de voir son protégé s'imposer
de la sorte, Jean-Michel Baudouin nous a dit : "J’avais à cœur de gagner cette Finale. Je savais que mon cheval était splendide. J’ai dit à Eric qu'il était extraordinaire jeudi matin à l'entraînement. J’espère que Ganay de Banville se qualifie pour le Prix d’Amérique car je me dirais que j’ai un petit cheval de Prix d’Amérique.

Aujourd’hui il prouve qu’à deux nez au vent d'Inexess Bleu, c'est un grand cheval."

La course
Longtemps à l'extérieur du favori Inexess Bleu (Vittel de Brévol), lequel ne pourra soutenir la comparaison en final, Gaspar d'Angis (Quaro) passe à l'attaque en haut de la montée après avoir toujours été en bonne place, fort d'un départ canon. Éric Raffin concèdera après course : "Je la gagne au départ." Bien qu'ayant servi de dos en or à un trotteur comme Ganay de Banville, Gaspar d'Angis ne se laisse pas approcher. Mieux, il ne cesse de prendre le large et laisse Gendréen (Boccador de Simm) passer Ganay de Banville sur le poteau.

Quelle ascension !
Gaspar d'Angis souffrirait-il d'un mal bien français consistant à placer les chevaux, comme les hommes, dans des cases à vie. À écouter Jean-Michel Baudouin qui revendique un manque de considération de son champion, c'est comme si on avait laissé Gaspar d'Angis dans la catégorie des chevaux de Quinté. Sans plus. Pourtant, il écrit aujourd'hui une page inédite du trot en devenant le premier cheval à remporter six étapes plus la Finale ! Si les voyages forment la jeunesse, ils construisent aussi des carcasses en acier trempé et bonifient des progrès constants. La preuve avec ce drôle de Gaspar, à propos duquel Jean-Michel Baudouin concède : "Il y a un an, je ne vous aurais pas dit qu’il aurait fait ces performances-là. Il a gravi les échelons, me surprenant même par moment. Il a été formidable et sensationnel. Il va aller se reposer quatre semaines en vacances et on regardera la suite de son programme. Tout le monde est là, toute la famille. Je n’ai pas de cheval de Prix d’Amérique ni de groupe donc cela fait plaisir de gagner ce genre de course. C’est notre crack du moment. On va savourer avant de faire le point sur son programme dans la semaine avec Eric. J’ai un peu l’envie de faire l’étranger au printemps. Il voyage bien. Avant cela, s’il est bien, on va peut-être courir le Prix du Luxembourg. J’aimerais bien faire le Kymi Grand Prix et voir ensuite comment cela se passe. Je crois en mon cheval."




Éric Raffin, le complice de tous les voyages
À l'heure du débrief, le Sulky d'Or Éric Raffin s'est remémoré avec délice une saison exceptionnelle aux six coins de l'Hexagone : "Quelle année splendide. 7, c’est le record ! Maintenant, il se gère. Il court à trois ou cinq semaines, délai qu'il faut lui laisser pour sa récupération. C’est comme un galopeur. Je suis un privilégié d’être associé à un tel cheval. A Marseille il gagnait bien, ensuite il a regagné à Lyon, puis à St Brieuc à 25m de Horace du Goutier ; il courait top d'autant qu’il n’est pas trop droitier. Au Croisé, il a sauté un palier. Langon, regret de l’année, je n’ai pas pu profiter de son départ. Il est exemplaire. Nantes, superbe performance. J'ai voulu dépasser trop vite Alexandre (avec Harlem de Bucy) et j’ai fait trop vite, ce qui me coûte cher au poteau. On fréquente la province toute la saison alors la Finale du GNT fait partie des grandes courses de Vincennes. S’il faut aller à l’étranger on ira mais cette année, à la Rochelle, il est parti plein galop derrière la voiture derrière laquelle il ne faut qu'il s’affole de trop."

Extrait d'Histoire de Champions
Gaspar d'Angis permet au label d'Angis de Jean-Claude Lahoucine son éleveur, de retrouver les sommets côtoyés à l'époque avec Espoir d'Angis (3 vict. de Gr.2). Au terme d'une saison qui lui aura mis des étoiles plein les yeux, l'éleveur de Loire-Atlantique nous avait expliqué dans Province Courses l'Hebdo, au coeur de notre rubrique 'Histoire de Champions', : "Foal, puis yearling, Gaspar était un beau poulain, bien fait, dans la norme, sans problème particulier. Au débourrage, Étienne Hamard a vite décelé en lui du potentiel, beaucoup de vitesse. Après quoi, il a fallu se montrer patient, car le cheval s’est révélé difficile, compliqué. C’est un peu le problème de la famille. La mère avait de gros moyens, mais elle les perdait en course. Jean-Michel Baudouin, qui me l’a loué, et son fils ont fait de l’excellent travail, bien relayés par Éric Raffin. Les uns et les autres ont su le prendre et le comprendre."

D'où vient-il ?

Elevé par Jean-Claude et Marie-Thérèse Lahoucine, Gaspar d'Angis est un fils de Rêveuse d'Angis (Korean). Qualifiée, cette dernière n'a pas brillé en compétition avant de se révéler au haras comme poulinière en donnant d'emblée Boucanière (Rieussec) 1'14'' (80.000 € de gains). Rêveuse d'Angis est une sœur de Balou d'Angis (Hermès de Péricard) 1'11'' (140.000 €).

		Kiwi 1'11''2	Coktail Jet 1'11''2
	Quaro 1'13''3		Fantasia
		Encombevineuse 1'24''8	Workaholic (US)
GASPAR D'ANGIS			Ugorella 1'21''8
		Korean 1'12''6	Dahir de Prelong 1'14''2
	Reveuse d'Angis 1'18''7		Calmness 1'16''0
		History Jet	And Arifant 1'16''5
			Sherborne 1'17''7

Les placés
Propriétaire de Gendréen (2ème), Julien Grumetz était particulièrement ravi : "C’est sympa, on a poussé pour finir. C’est comme une victoire, il a été accrocheur. S’il a les coudées franches, peut-être qu’il aurait pu approcher le gagnant. Gaspar et Gendréen rivalisaient déjà ensemble l’année dernière. C'est du bon boulot de toute l’équipe : c’était l’objectif aujourd’hui et il a été amené au top."
Belle satisfaction aussi pour Matthieu Abrivard, son driver : "Super. On a vu un grand gagnant qui a voyagé à deux nez au vent d’Inexess Bleu. Je le découvrais aujourd’hui et il a été parfait. Il est facile et suit tous les trains. J’ai pris du plaisir. Il a fallu se bagarrer pour trouver le passage et il a bien rebondit sur le gagnant. J’ai fini en avançant. Top cheval."

Servant de valeur-étalon dans la course, le vainqueur de Groupe 1 Ganay de Banville (Jasmin de Flore) conclut 3ème après avoir fait illusion. Son entraîneur-driver Jean-Michel Bazire s'est dit satisfait de lui même s'il a perdu la 2ème place aux abords du poteau : "Il a fait une belle prestation. Troisième dans ce genre de lot c’est impeccable. J’ai eu un bon parcours. Il a eu une accélération devant les tribunes et j’ai réussi à me garer. Il avait un peu les jambes lourdes pour finir. C’est normal. Il devrait courir la prochaine "B" (Prix du Bourbonnais Amérique Races PMU Q2 dès dimanche prochain)."