"Au sulky, c'est l'endroit où je me sens le mieux"
À 18 ans, Théo Briand sera le plus jeune des douze drivers au départ du Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (Gr.1), dimanche, lors de la réunion de clôture du meeting cagnois. Certes, il ne drive pas l’une des meilleures chances de la course avec le 6 ans italien Dylan Dog Font, positionné en seconde ligne derrière l’autostart avec le n°10, dans le sillage de son compagnon d’écurie le rentrant Alrajah One. Cette confiance qui lui est faite de disputer son premier Groupe 1 symbolise un début de carrière sur les chapeaux de roue, lui qui compte déjà 21 succès cette année.
Il a beau être encore un tout jeune homme, comme ne peuvent le cacher les traits de son visage, Théo Briand aurait presque des airs de vieux briscard, tant sa présence confine à l'évidence. Les observateurs des courses du Sud-Est plus particulièrement vous diront même avec leur faconde qu'ils l'ont toujours connu, ce qui n'est pas totalement faux. Cela ne fait pourtant que deux ans et demi que le fils de Yannick-Alain Briand et Sophie Blanchetière a fait son apparition au sein des pelotons après s'être fait la main dans les courses de poneys. Mais, depuis sa plus tendre enfance, il n'a pas manqué beaucoup de réunions de courses où l'écurie familiale était présente. Les hippodromes de la région notamment sont sa seconde maison.
En l'espace d'un peu plus de neuf cents jours, Théo Briand a remporté sa première course quinze jours après ses débuts, est passé professionnel quatorze mois plus tard avant d'enchaîner aussitôt par un premier succès dans un Groupe avec Fronsac (Laetenter Diem). Il a parallèlement été sacré champion de France des apprentis à l'attelé dès sa première saison pleine en 2023, a gagné franchi le cap des 100 victoires un an plus tard et fait partie du top 10 des drivers depuis le début de l'année !
On a l’impression qu’il a 30 ans mais il n’en a que 18. (Yannick-Alain Briand)
"On a l’impression qu’il a 30 ans mais il n’en a que 18", rappelle pourtant à juste titre Yannick-Alain Briand quant à la trajectoire ultra-rapide de son fils aîné. Théo lui-même aurait presque du mal à réaliser :
"J’espérais un bon début de carrière mais je n’imaginais pas passé pro aussi vite, gagner cent courses dès ma deuxième année, etc. C’est un peu irréel à mes yeux."Tout cela est pourtant bien réel.
"Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance depuis mes débuts, poursuit le jeune homme.
C’est aussi du travail. Depuis que j’ai 15 ans, je travaille. Forcément, ça paye. Avec l’expérience que j’ai acquise, je sais mieux analyser mes courses, les chevaux auxquels je suis associé. Je sais ce que je peux faire et ne pas faire dans un parcours avec tel ou tel type de chevaux. J’ai beaucoup regardé de courses avant de commencer à driver en compétition et emmagasiné beaucoup d’infos. Cela me sert. "
Une capacité innée
Cette "culture" est servie par une capacité innée, un instinct de pilote qui ne s'acquiert pas.
"Il est doué et a le sens de la course. C'est inné, note le paternel.
On ne l’a su quand on l’a vu courir. Il y en a qui sont toujours dans les mauvais coups, lui cela lui arrive rarement. C’est comme au foot : certains ont le sens du but, d’autres pas."
En qualité de "buteur", Théo Briand a des stats plutôt flatteuses, puisque son taux de réussite à la gagne depuis ses débuts est de 12,5 %, ce qui témoigne aussi d'une réelle qualité à gérer la pression.
"En règle générale, je la gère bien, reconnaît-il.
Je n’ai jamais tremblé avant une course. Même avant le Prix Médusa, la première course importante que j’ai gagnée à Vincennes, j’étais serein. Une fois sur le sulky, tu oublies tout. Il y a juste l’envie de bien faire qui peut me mettre un peu de pression. C’est plus particulièrement le cas quand je suis appelé par des entraîneurs pour lesquels je n’ai pas l’habitude de driver. Au sulky, c’est l’endroit où je me sens le mieux. J’ai entre guillemets le sens de la course, donc je suis bien, je me sens à l’aise."
Un travail sur soi
Son tempérament de gagneur et sa volonté de percer avec le patronyme qui est le sien -
"avant de te lancer, tu appréhendes un peu quand tu portes ce nom. Mon père a gagné près de 3.000 courses comme pilote, plus de 3.500 courses comme entraîneur. C’est impressionnant", ne cache-t-il pas - lui a joué des tours à ses dépens à plusieurs reprises, avec à la clé des mises à pied.
"Au début, je n’arrivais pas à me contenir dès qu’il y avait un petit truc qui n’allait pas, confie-t-il sans détours.
J’ai travaillé sur ce point. Mon agent Enzo (Bodineau) m’a beaucoup aidé. J’avais de la frustration et je ressentais parfois de l’injustice. C’est encore le cas aujourd’hui. Mais j’arrive à comprendre que je ne peux rien y faire. Je continue à dire ce que je pense mais j’essaye de ne plus m’énerver."
Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance depuis mes débuts. (Théo Briand)
Quelques repères
(au 8 mars 2025)
→ 1.081 courses
→ 136 victoires : 8 en 2022 - 52 en 2023 - 55 en 2024 - 21 en 2025
→ 1ère course : le 4 septembre 2022 à Feurs avec Folie de Bourgogne (5ème)
→ 1ère victoire : le 18 septembre 2022 à Oraison avec Héron de Jullou
→ Meilleur apprenti de France attelé en 2023
→ Passé professionnel le 22 novembre 2023 avec Kolibri à Marseille-Borély
→ Remporte son premier Groupe 3 le 26 novembre 2023 avec Fronsac à Salon-de-Provence
→ Gagne sa 100ème course le 1er novembre 2024 avec L'Etoile de Pame à Lyon-La Soie
→ Dispute son premier Groupe 1 le 9 mars 2025 dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur avec Dylan Dog Font
© ScoopDygaLa première à Vincennes avec sa familleÀ ce sujet, son père voit dans la fougue de sa jeunesse l'une des raisons majeures.
"Encore une fois, on oublie qu'il n'a que 18 ans, souligne-t-il.
Cela ne fait qu'un peu plus de deux ans qu'il court. Il est comme un jeune qui a envie de gagner et de percer. Mais il n’a jamais eu de comportement dangereux. Je trouve qu’on l’avait aussi plus à l’œil que d’autres." Pas question pour autant de le ménager.
"Quand on est parents, on est forcément fiers, poursuit Yannick-Alain Briand.
Quand tes enfants veulent faire le même métier que toi, tu crains toujours qu’ils vivent dans ton ombre, car ils ont un nom. Si tu fais mal tu es un âne, si tu fais bien c’est normal. Théo est un garçon gentil de fond et j’avais un peu peur qu’il ne manque de "gnac" en course. Or, c’est de la compétition. Il a vite su se faire respecter. Sa réussite lui arrive jeune, mais on essaye de le cadrer le plus possible. On connaît les aléas de ce métier. On peut très vite redescendre. Il n’est pas dans un entourage qui lui dit qu’il est le meilleur sans arrêt. Il a connu les hauts et les bas de l’écurie. Il sait que cela peut tourner. C’est un gamin réfléchi, ce qui lui servira."
Le Critérium comme un symbole
Au-delà d'une mise à pied de deux jours qui l'empêche de disputer l'intégralité de la réunion de clôture du meeting cagnois ce dimanche, Théo Briand se réjouit de disputer le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d'Azur, le premier Groupe 1 de sa carrière, au sulky de l'italien âgé de 6 ans
Dylan Dog Font (Ringostarr Treb).
"Depuis que je suis gamin, je regarde cette course du bord de la piste, commente-t-il.
L’an dernier encore, j’étais émerveillé. C'est un rêve de la courir même si je n’ai pas une première chance. J’y vais pour prendre du plaisir." Avec le n°10, son partenaire va s'élancer dans le sillage de son compagnon d'écurie,
Alrajah One (Maharajah), qui n'a plus couru depuis l'automne 2023.
"Mon partenaire n’est pas le cheval de la course. Il n’a pas trop de références même s'il vient de gagner de loin un Groupe en Italie. Quand il est venu en France courir l’an dernier, il s’est bien comporté avec Éric (Raffin), juge Théo Briand qui, aux côtés de Nicolas Ensch et David Békaert, portera les espoirs du Sud-Est.
Je le vois comme un outsider. Je vais faire de mon mieux. Pour le moment, je suis serein. Avant la course, il y aura sûrement un peu de pression, mais c'est de la bonne pression. Cette expérience ne peut être qu’un plus pour ma carrière."
Une carrière qu'il envisage aussi à long terme comme entraîneur.
"Dans dix ou quinze ans, il n’y aura pas de problème à donner davantage la priorité à l’entraînement. Je saurai le faire. Maintenant, l’avenir des courses fait peur avec des enjeux qui ne sont pas bons", dit-il en étant conscient du milieu dans lequel il évolue. Pas mal à 18 ans, non ?
Dans le top 10 au Sulky d'Or
En cette première quinzaine de mars, Théo Briand pointe à la 9ème place du classement du Sulky d'Or.
"C’est incroyable, juge-t-il.
Après un peu plus de deux mois, tout ayant eu des mises à pied, je suis presqu’à la moitié de mon total de victoires de l’an dernier (N.D.L.R. : 21 vs 55)
Pourtant, la période du meeting d’hiver de Cagnes est entre guillemets la plus compliquée pour moi dans le sens où il y a beaucoup de pros qui viennent de la région parisienne et d’en haut plus généralement et beaucoup d’entraîneurs drivent eux-mêmes leurs chevaux." Ces résultats sont aussi le fruit de sa collaboration depuis son passage chez les professionnels avec son agent Enzo Bodineau, qui travaille avec Benjamin Poirier et Julien Pichonneau. Ils lui permettent aussi d'être en phase avec ses objectifs de l'année :
"On s’est mis un objectif d’atteindre le cap des 200 victoires depuis mes débuts au cours de cette année, ce qui équivaut à peu près à gagner 80 courses entre le 1er janvier et le 31 décembre. En soi, je ne me dis pas que je dois gagner ça ou ça, mais j’ai besoin d’avoir dans ma tête un but qui ne soit pas insurmontable. Se fixer des challenges est une façon de se motiver toujours un peu davantage".
Ces premières semaines de 2025 ont aussi été marquées par son retour gagnant à Vincennes où il n'avait pas couru pendant plus d'un an. Il s'y est imposé avec successivement
Great Rock (Vulcain de Vandel), pour l'entraînement de Dominik Locqueneux, et
Liberty Pat (
Feeling Cash) pour celui d'Alexis Grimault.
"Ils m’ont appelé avec des premières chances, je ne pouvais pas dire non, réagit-il.
C’est bien d’avoir gagné, mais ce n'est pas une obsession de gagner là-bas. Je vais à Vincennes pour des premières chances."
© AprhLa victoire à Vincennes avec Great Rock