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En bref - 13.03.2022

Les femmes du trot (#5/6) "La mixité apporte une harmonie"

Suite de notre série sur les femmes et les courses. Après Virginie Boudier Cormy, Carole Thomas, Gabrielle Mombourg, Emma Callier et Cécile Martineau dans nos précédentes éditions, voici Marie-Annick Sassier.

24H au Trot.- Pour quelles raisons avez-vous choisi le domaine hippique (animal, compétition, sport) ? Êtes-vous issu du milieu des courses ?
Marie-Annick Sassier.- Je suis née dans le milieu du cheval, passionnée depuis toute petite. Au moment du décès de mon papa, à mes 18 ans, je me suis occupée des chevaux, je suis devenue professionnelle très rapidement. Pour conserver le haras, ma maman a continué l’élevage et moi, avec un petit effectif et l’équipe qui était en place, j’ai assuré la partie entraînement. Aujourd’hui je gère avec Arthur Boudier, mon salarié, l’élevage et je loue mes poulains à mon fils Marc qui les met en valeur ensuite en piste. Je suis fière d’avoir pu donner une continuité au travail de mes parents.

Comment pourriez-vous définir votre métier ?
Pour le métier d’éleveur, on a eu la chance en France d’avoir un système de Stud-Book protégé, qui a eu une ouverture du sang américain, apportant de la vitesse et de la maniabilité. La race du trotteur français n’a rien à envier à son homologue américain. Ce système a permis de protéger nos éleveurs et surtout nos entraîneurs. Grâce à cette protection qu’il faut maintenir, on dispose d’une grande variété de taille d’élevage.

Le fait d’être une femme a-t-il été ou est-il un frein ou un accélérateur ? Si vous aviez été un homme pensez-vous que votre carrière aurait-été la même ?
Au début cela a peut-être été un frein, j’ai dû par la force des choses prendre le relais de mon papa à l’entraînement et il m’est arrivée de douter de mes capacités. J’ai préféré travailler sur la qualité, en privilégiant un petit effectif. J’ai eu la chance de faire partie de la première génération de femmes à pouvoir dire "je suis entraîneur, jockey". Maintenant je fais partie des plus anciennes. J’ai ouvert les portes aux femmes jockeys. Aujourd’hui les mentalités ont évolué, il y a beaucoup de femmes qui montent. La profession s’est énormément féminisée. Il y a quelques années je disais : "Vous verrez, bientôt il y aura plus de femmes dans le métier" et mon hypothèse est en train de se vérifier. Cependant les femmes ne doivent pas chasser les hommes. On a besoin des femmes et des hommes comme nos deux mains se complètent.

Quel est le petit plus d’une femme dans votre métier ?
Je ne dirais ni plus, ni moins. Femmes comme hommes ont des qualités, c’est tout. Je connais des hommes qui ont le sens du cheval et la patiente. À l’inverse, certaines femmes sont moins patientes. Une écurie mixte femme-homme apporte une harmonie et je trouve ça bien. Cependant, dans ma génération, je regrettais de ne pas être un garçon, certaines portes se sont fermées parce que j’étais une fille.

REPÈRES SUR MARIE-ANNICK SASSIER
■ Fille de Georges et Annick Dreux
■ Mariée à Philippe Sassier, mère de 3 garçons dont Marc Sassier, entraîneur
■ Eleveur (20-25 poulinières), propriétaire
■ Elevage GEMA, déclinaison de GEDE (pour Georges et Marie-Annick)

Qu’est ce qui est ou a été le plus difficile dans votre métier ?
À mon époque, le poids était compliqué pour une femme car il fallait monter à 70 kg. J’ai beaucoup plus monté à mes 40 ans car le poids est alors passé à 67 kg, ce qui changeait beaucoup de choses. Aujourd’hui les femmes montent à 65 kg, c’est une chance, même si pour certaines cela reste encore compliqué.

Comment avez-vous réussi à conjuguer votre vie de famille avec votre métier ?
J’avais peu de chevaux, ce qui a facilité les choses. Pendant mes grossesses, j’ai continué à gérer mon écurie, en arrêtant quelques mois de monter dans un sulky. Je suis restée prudente pour mes enfants.

Si c’était à refaire, referiez-vous le même parcours, les mêmes choix de vie ?
J’ai eu la chance d’avoir des parents exceptionnels (Georges et Annick Dreux), un mari très compréhensif et des enfants en bonne santé. La perte de mes parents a été très dure mais je ne suis pas du genre à me laisser aller, à m’effondrer. C’est peut-être une force de caractère mais je trace ma vie en essayant de faire du bien autour de moi et de rendre service si je le peux.

Quel est votre meilleur souvenir lié aux courses ?
J’ai eu de bons chevaux, notamment Italica Gédé, une jument que j’ai élevée et montée, qui m’appartenait et qui a couru le Prix de Cornulier. Et je ne pense pas en France qu’il y ait eu beaucoup d’hommes à être éleveur, propriétaire et jockey d’un cheval participant au Cornulier. Pour moi, c’était inespéré. Prince Gédé m’a également apporté énormément de satisfaction. Aujourd’hui, c’est un étalon qui reproduit très bien.

Qui a été votre modèle ? Un homme, une femme ?
J’ai été la première femme du trot en courses, Florence Lecellier est arrivée dix ans après et Nathalie Henry encore la décennie suivante. Mon modèle a vraiment été mon papa Georges Dreux. J’étais comme une éponge. Je l’ai toujours beaucoup écouté et observé. Quand il est décédé, je me suis appliquée à faire ce qu’il m’aurait dit de faire. Peut-être que je n’ai pas tout réussi mais j’ai transmis ses valeurs de travail, de respect du cheval à mon fils Marc. Je pense que si mon père revenait, il retrouverait une méthode de travail similaire à la sienne. Et cela me ferait réellement plaisir.

Quel serait votre rêve aujourd'hui ?
Mon rêve est que ce métier continue. On a la chance d’avoir une grande variété de personnes qui vive d’une seule et même passion qui n’est pas virtuelle. Nous sommes des Hommes de terrains. On a tous une part de rêve quand on voit nos chevaux. Mais il y a aussi une part d’inquiétude, c’est un métier très stressant. Mais le contact du cheval est fabuleux, c’est même une très bonne thérapie. Le cheval m’a aidé à surmonter les étapes difficiles de ma vie. Mon rêve aujourd’hui est de garder cette passion et de la transmettre. J’ai réussi avec Marc. Maintenant, j’ai des petits-enfants.

Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes femmes voulant faire ce métier ?
Que ce soit pour une fille ou un garçon, il faut avoir beaucoup de rigueur, aimer le cheval et essayer d’être perfectionniste. C’est un métier de compétition, il faut le sens du détail. Il faut travailler dans la durée, pour avoir la chance de vivre de sa passion. On peut réussir de pleins de façons différentes et le vedettariat ne fait pas tout.

Face aux incertitudes sur l'avenir du modèle des courses, quelles propositions vous tiendraient le plus à cœur ?
Le métier a évolué, la communication aujourd’hui est très bien faite. Mais pour moi, il faut absolument sauvegarder le Stud-Book français fermé si l’on veut avoir une filière saine, sans une invasion internationale. Mon souhait le plus fort est que tout le monde puisse vivre de sa passion, chacun avec sa méthode, et pour cela, il faut que le Stud-Book reste fermé. Tout en laissant la possibilité à ceux qui le désir d’aller à des saillies étrangères, pour courir les courses européennes ensuite – qui restent limités à 16 % de la totalité des courses en France. Je souhaite que les petits éleveurs continuent à pouvoir rêver avec leurs poulinières et leur élevage.

UNE RÉACTION EN EXERGUE
"La méconnaissance de nos métiers peut ne pas inciter les jeunes à les faire. Il faut mieux communiquer aux jeunes pour les former. Aujourd’hui l’apprentissage en alternance est excellent. Ce qui me fait peur pour nos jeunes ce sont les réseaux sociaux qui les influencent. On peut vite être détruit par des critiques non fondées. Il faut leur montrer que le travail agricole et le goût de l’effort ont leur charme."

Je souhaite que les petits éleveurs continuent à pouvoir rêver.
Marie-Annick Sassier

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