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Actualité - 15.05.2022

Pierre Pilarski : "Les courses m'ont rendu meilleur"

Il a connu tous les bonheurs du monde au trot avec le tourbillon Bold Eagle. L’aventure a continué pour lui avec Face Time Bourbon. Pierre Pilarski est un propriétaire comblé dont la casaque rouge, jaune et noir est désormais active dans les trois disciplines. Ce dimanche, il a eu un partant dans la Poule d’Essai des Poulains à Longchamp. Dimanche prochain, il aura l’un des favoris du Grand Steeple-Chase de Paris avec Feu Follet. Ses couleurs ont aussi changé de label. Elles sont aujourd’hui celles de l’Ecurie Hugo et Pierre Pilarski. Transmission, famille, sens de la vie. On parle de tout quand on échange avec le propriétaire sur les courses, qui deviennent comme une fenêtre sur le monde.

24H au Trot. Parlons d’abord votre effectif au trot. Où en êtes-vous ?
Sous mes couleurs, avec mon fils dorénavant, il me reste quatre trotteurs : mes vieux tontons Evariste du Bourg et Eagle Eyes et deux jeunes intéressants Just An Eagle et Just As Well. J’ai aussi des chevaux en association, à 50 %, sous d’autres couleurs, comme l’estimée Jahia (invaincue en deux sorties) avec mon ami Jean-Pierre Micholet ou Iru Fushi. Ensuite, j’ai aussi la relève qui arrive avec des "K" et des "L". Chez les L, j’ai trois produits de Ready Cash bien nés. Je n’ai pas vocation à augmenter mon nombre de trotteurs. À mon avis, le trot restera autour d’une dizaine de chevaux.

Pourquoi votre effectif est-il devenu plus important au galop dorénavant et notamment en obstacle ? Est-ce lié au modèle économique de chaque discipline, avec des opportunités de retour plus importantes au galop ?
Je considère avoir été un enfant très, très gâté au trot. J’ai gagné deux Prix d’Amérique et obtenu une deuxième place qu’il ne faut pas oublier avec Bold Eagle. Deux Prix d’Amérique avec Face Time Bourbon sans ma casaque cette fois. J’ai remporté des semi-classiques avec Cash and Go et Villeroi. Quand vous avez eu la chance de participer et de gagner des compétitions comme ça, quand vous avez vécu des émotions dingues, je sais qu’aujourd’hui, pour revivre tout ça, il faudrait que j’investisse beaucoup plus d’argent que je ne le fais actuellement. Or le fait d’être devenu pluridisciplinaire divise aussi mes moyens. Je ne pourrai jamais avoir une écurie de trot qui sera capable de rejouer les premiers rôles. Le trot, un peu comme le plat, ce sera un peu à la marge.

Un ex triathlète, "moyen partout"
Les courses, ce sont d'abord du sport. Et Pierre Pilarski n'hésite pas à tirer une parabole de ses talents sportifs. Dans sa jeunesse, il a pratiqué plusieurs sports dont le triathlon. "J’aime beaucoup le sport et la compétition. J’ai été un des premiers à faire du triathlon dans les années 1980. C’était à l’époque "olé-olé", sans vraie règle. Cela m’a permis de participer à des compétitions importantes, y compris pour un sportif moyen comme moi. À l’époque, c’était open. Je me suis retrouvé au départ (mais précisez bien pas à l’arrivée) à côté du champion du monde ou d’un vainqueur de l’Iron-man. Dans la vie, je n’ai jamais été bon quelque part mais plutôt moyen partout. Le triathlon était fait pour moi parce que j’étais partout. Intuitivement aux courses, je cherche à me diversifier parce que je sais que je n’ai pas les capacités pour essayer d’être le meilleur."

Cela veut dire que le cœur de votre activité hippique se place en obstacle ?
Ce qui est aussi nouveau, c’est que je suis désormais associé avec mon fils Hugo. Il aime les courses et préfère l’obstacle. On veut avoir des résultats pérennes en obstacle. En plat, je n’aurai jamais les moyens de faire du haut niveau.

Vous avez pourtant un partant, Making Moovies, ce dimanche, dans la Poule d’Essai des Poulains (N.D.L.R. : il conclura 7e). Ce n’est pas rien.
En plat, je n’ai pas les moyens d’acheter les gros papiers. Et si un jour, par chance, j’ai un très bon cheval, je serai quasiment obligé de le vendre parce qu’on me proposera une somme que je ne pourrai pas refuser. Si Making Moovies avait gagné la dernière fois le Prix de Fontainebleau (Gr.3), je pense que je n’en serai plus propriétaire. Il y a des propositions que vous ne pouvez pas refuser avec un cheval de plat. J’ai eu des très grosses propositions pour des chevaux d’obstacle, comme Feu Follet et Galleo Conti, mais on prend moins de risque à refuser car on peut se refaire. Avec un cheval de plat, on sait très bien que, d’une course à l’autre, la carrière peut s’arrêter. Refuser de l’argent pour un cheval dont la carrière peut encore durer quatre ou cinq ans en obstacle, ce n’est pas la même chose qu’avec un cheval de plat avec qui vous n’allez faire que quatre ou cinq courses. En plat, économiquement, je suis battu de toute façon. Je n’ai pas les moyens d’acheter et pas les moyens de ne pas revendre.

Quelle est la répartition de votre effectif actuel ?
Je continuerai à avoir des chevaux de plat, des Anglo-arabes, des trotteurs mais cette base-là représentera moins que mes chevaux d’obstacle. J’ai environ une cinquantaine de chevaux d’obstacle mais toujours en association. On peut ajouter une dizaine de chevaux de plat et une dizaine de trotteurs sur laquelle j’ai des participations. Je parle là de l’ensemble de mes chevaux, y compris les jeunes, yearlings et foals.
Un effectif de 70 chevaux
■ 50 en obstacle ■ 10 en plat ■ 10 au trot

Une passion du quotidien
Pierre Pilarski s’occupe de sa passion des courses en direct. Il ne délègue pas au quotidien mais se fait conseiller lors de ses achats. "Cela me prend du temps tous les jours mais je n’aime pas dire cela car cela donnerait l’impression que les courses m’enlèvent autre chose. Je veux avoir le lien direct avec les entraîneurs. C’est cela qui me plaît en vérité : les échanges et le partage. Je regarde les courses sur Equidia et vais finalement assez peu aux courses. J’y étais évidemment à chaque fois pour Bold Eagle. Je serai ce dimanche à Longchamp pour la Poule d’Essai des Poulains et dimanche prochain à Auteuil pour le Grand Steeple. Pour mes achats, je me fais conseiller de mes entraîneurs. Je n’achète pas un Anglo-Arabe sans Didier Guillemin, un cheval d’obstacle sans Guillaume Macaire. Les trotteurs, je les achetais avec Thomas Bernereau. Là encore, il y a une histoire de partage."


Feu Follet portera la casaque Pilarski dimanche prochain dans le Grand Steeple Chase de Paris à Auteuil

Vous avez des foals ? Vous les achetez sous la mère ou êtes également éleveur ?
L’élevage est certainement ce qu’il y a de plus beau mais aussi de plus dur. Je laisse faire cela aux spécialistes. J’ai trois ou quatre poulinières de trot en association et une en plat. Cela reste très confidentiel et il n’y a pas d’objectif de construction d’un élevage. Je n’en ai pas les moyens et c’est très difficile de tout faire bien. C’est aussi pour cela que j’essaie de me concentrer sur une discipline (l’obstacle). Et puis, si je faisais de l’élevage, je serais éleveur sans terre et c’est une bêtise à mon avis. Ce qui est beau dans l’élevage, c’est d’ouvrir ses fenêtres le matin et de voir ses poulinières et ses poulains. J’achète les poulains très rapidement dans les prés. Pour le haut de gamme, il faut prendre le risque de les acheter le plus tôt possible car, une fois qu’ils sont sur les rings de vente, ils sont quasiment intouchables. En obstacle, je travaille par exemple avec deux éleveurs, Thierry Cyprès et Jean-Marc Lucas (éleveur des Berlais).

Comment jugez-vous les inquiétudes de certains acteurs de l’obstacle sur l’avenir de la discipline, notamment au regard de pressions extérieures portées dans le registre du bien-être animal ?
Je suis bien sûr réceptif à ces inquiétudes. Mais si on a peur de cela, on va encore amplifier le phénomène. Si on se fait tous peur avec cela et qu’on arrête d’acheter des chevaux d’obstacle, il n’y aura plus de partants, plus de commerce, plus d’enjeux et finalement plus de courses d’obstacle. On ne peut pas anticiper la fin sans l’accélérer. Si un jour cela s’arrête, j’aurais trois ou quatre ans de "stock" de chevaux si j’ose dire. Mais, de mon côté, ce n’est pas mon métier, je ne vis pas des chevaux. J’aime gagner des courses pour le défi sportif et j’aime gagner de l’argent dans les courses pour le réinvestir dans les courses.

Comment gérez-vous votre budget chevaux ? Quelles règles vous appliquez-vous ?
Tout ce que j’ai gagné avec les chevaux a toujours été réinvesti. Même en ayant eu des chevaux comme Bold Eagle, Face Time Bourbon, Feu Follet et d’autres, j’en suis quand même de ma poche. Certaines années non mais globalement si. Je me fais un point d’honneur de ne pas me mettre dans la difficulté et à au moins réinvestir ce que j’ai gagné avec les chevaux dans les courses. Jamais je n’achèterais une voiture par exemple avec l’argent des courses.




Pour revenir aux courses d’obstacle, comment vivez-vous leur dangerosité ?
Je constate que depuis que j’ai des chevaux d’obstacle, je n’en ai quasiment pas perdu. Et tant mieux. Si je compare au nombre de trotteurs que j’ai perdus sur des tendinites ou tout simplement que l’on n’a pas qualifiés, l’obstacle est moins dangereux. Si je regarde entre ce que j’ai acheté au galop et ce que j’ai acheté au trot, et le nombre qui a ensuite couru, le rapport est certainement de un à deux ou à trois en faveur du galop. Un galopeur, ça va aux courses. Je ne dis pas qu’ils étaient bons mais ils vont aux courses. Un trotteur, cela ne va pas forcément aux courses.

TONY PARKER REMPORTE LA POULE D’ESSAI DES POULICHES
Alors que Making Moovies (Dabirsim) concluait septième de la Poule d’Essai des Poulains (Gr.1) pour la casaque de Hugo et Pierre Pilarski, Tony Parker a assisté à la victoire de Mangoustine (Dark Angel) dans la Poule des Pouliches (Gr.1). La 3 ans entraînée par Mikel Delzangles défend les couleurs de l’entité hippique de l’ex basketteur Infinity Nine Horses. C’est le plus grand succès d’une casaque lancée en mars 2021 par ailleurs sponsorisée par ZEturf, propulsant Tony Parker dans le rôle d’égérie hippique de l’opérateur de paris.

Tony Parker reçoit le trophée de la Poule d'Essai des Pouliches ce dimanche

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Qui est Hugo Pilarski ?
Hugo est étudiant à Moscou dans une école de management international (N.D.L.R. : MGIMO, un institut de sciences politiques et internationales). C’est bien sûr compliqué dans le contexte actuel. Ce qui est intéressant pour lui, c’est qu’il voit les deux côtés du "mur" de la guerre. Il a déjà beaucoup voyagé, a vécu aux Etats-Unis et a passé plusieurs années en Nouvelle-Zélande pour passer un bachelor de chimie à l’université d’Auckland. Je suis très fier de lui évidemment. Il suit par exemple ses cours en Russe à Moscou. Il a appris la langue en un an et demi. Je ne sais pas ce qu’il fera à l’avenir. Pour l’instant, il est globe-trotter, apprend, voyage et se confronte à d’autres cultures. Mes deux filles sont également à l’étranger, en Corée du Sud. Je trouve qu’on a en France le plus beau pays du monde mais qu’on vit aussi dans un pays très pessimiste. Je trouve notre monde très compliqué.

Pour l’avenir des courses, êtes-vous sur une ligne optimiste ou pessimiste ?
Ce que je n’arrive pas à comprendre dans les démarches d’opposition aux courses d'obstacle, c’est leur finalité. Disons qu’on supprime les courses d’obstacle et les corridas. Et après ? On supprime les manèges où les enfants mettent les doigts dans les yeux aux chevaux ? Et surtout que propose-t-on à la place ? Si c’est pour mettre les Anges de la téléréalité ou les Marseillais à Hollywood, je ne suis pas d’accord. On a déjà viré tous nos paysans. Aujourd’hui où a-t-on un contact avec les animaux ? C’est la réalité qu’on veut faire disparaître. Et qu’est ce qu’on met à la place ?
Parlons de la chasse à courre par exemple. Pour le prélèvement d’un cerf ou d’une biche, on fait vivre des équipages, des chiens, des chevaux. On organise plein de choses. Et cela fait suer ses détracteurs parce que c’est le papa ou la maman de Bambi ? Arrêtons. Dans les courses, on aime nos chevaux et cela engendre toute une économie. Et nous on n’abandonne pas nos chiens sur le bord des routes comme ceux qui achètent des chiots à Noël et les attachent ensuite à un arbre au moment de partir en vacances.
Il reste que je constate que le monde va peut-être dans ce sens-là et que je mets des œillères et ne regarde pas trop. Les courses d’obstacle me font plaisir parce que c’est la nature et qu’il y a ce côté paysan que j’aime. Quand vous voyez les prairies chez M. Lucas. C’est magnifique et, cela, grâce à des chevaux de courses nés pour l’obstacle. Les accidents arrivent mais comme avec beaucoup d’animaux domestiques. Et ce n’est pas pour cela qu’il faut arrêter d’avoir des animaux domestiques. Je trouve notre société bien, bien compliquée.

Vous êtes maintenant associé. Votre casaque est devenue celle de Hugo et Pierre Pilarski. Pourquoi ce choix d’une casaque familiale en association ?
Hugo est complètement passionné par les courses et m’a dit qu’il voulait acheter un cheval. Je lui ai répondu : "non, tu vas t’associer avec moi et comme cela tous les chevaux seront de fait à toi". Tous les jours, on s’appelle pour parler de chevaux. Ce qui est super avec les chevaux, c’est le partage avec l’entraîneur, les éleveurs, les amis. La course dure deux, trois, quatre minutes, c’est la récompense, mais ce qui est aussi génial avec les courses, c’est tout ce qu’il y a avant et après. On perd ensemble, on gagne ensemble. Et avec Hugo, on partage beaucoup grâce aux chevaux. Et puis je me dis que si tous les "vieux" comme moi transmettent à leurs enfants, cela permettra peut-être de mieux faire vivre les courses. Je trouve sympa qu’il y ait des transmissions de parent à enfant, de père à fils. C’est beau les choses qui durent et qui se renouvellent. Hugo ne prendra pas ses couleurs, il reprendra les nôtres.

Et imaginons maintenant Pierre Pilarski sans les courses. Qu’aurait-il fait d’autres, à la place des courses ?
Il aurait d’abord embêté son épouse, ses enfants. Quand mes enfants étaient jeunes, j’ai passé énormément de temps à les suivre dans leurs sports et activités. Les chevaux ont ensuite rempli le vide créé quand mes enfants ont grandi. Les courses m’ont amené un équilibre. Je pense que je suis une meilleure personne depuis que j’ai des chevaux. Les courses sont l’école de la patience et de l’humilité. Pour moi, il y a tout dans les chevaux. Les courses sont pour moi un condensé de toutes les émotions de la vie. Les courses m’ont aussi fait connaître le monde paysan, dans le meilleur sens du terme. J’aime le bon sens paysan. Vraiment, je suis une meilleure personne grâce aux chevaux.

La casaque McDonald's
Gestionnaire de plusieurs restaurants McDonald's, Pierre Pilarski a créé sa casaque à partir des codes couleurs de "McDo" de l’époque (jaune et rouge) avant que les codes couleurs de la marque ne deviennent vert et jaune en France. "C’est une casaque qui a gagné classique au trot, en obstacle et qui a été portée par la meilleure Anglo-Arabe de l’histoire avec Genmoss, invaincue en quinze courses. C’est une casaque qui veut dire quelque chose et il n’y a pas beaucoup de couleurs qui ont sa transversalité."

Pierre Pilarski avec Bold Eagle, l'archi crack

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