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Actualité - 17.07.2022

L'heure des grandes espérances de Franck Ouvrie avec Earl Simon

C’est un homme du Nord. Un homme qui est devenu une valeur sûre des pilotes français au gré d’un parcours exemplaire. Franck Ouvrie a su se faire sa place dans l'univers du trot sans attaches originelles dans les courses. Il a dépassé les 1.300 victoires et réalise une nouvelle très grande saison. Son tableau de marque 2022 approche des 50 et il a retrouvé en mars dernier un partenaire d’exception avec Earl Simon. Ensemble, ils ont remporté le Kymi Grand Prix (Gr.1) en Finlande en juin et nourrissent de grandes espérances pour le prochain meeting d’hiver. Rencontre avec un professionnel à la fois discret, fidèle aux siens et à l’expérience bien singulière.

En mai 2018, Franck Ouvrie atteignait la marque des 1.000 victoires. Il avait alors accordé un long entretien à Province Courses l'Hebdo dont la présentation commençait en ces termes : "L’homme du Nord est d’un naturel calme et réservé. Mais ce calme cache une vie de mouvements permanents. Une vie tempétueuse qui vient d’inscrire un 1.000e succès, en France, au palmarès du professionnel. Echanges avec un grand timonier qui mène son bateau avec détermination." Quatre ans plus tard, le grand timonier a encore passé de nouveaux caps, enrichi son carnet de voyages et de succès. Il a notamment conclu deuxième du Prix d'Amérique 2020 avec Davidson du Pont (Pacha du Pont).

Bio express
■ Né en 1971, 51 ans
■ Marié, 2 enfants
■ Installé à Grosbois depuis 2003
■ Driver : 1 329 victoires en France, plusieurs dizaines à l’étranger
■ Driver : 2 Groupes 1 avec Black d’Avril (Prix de l’Etoile 2014) et Earl Simon (Kymi Grand Prix 2022)
■ Entraîneur : 400 victoires
■ Meilleurs chevaux entraînés : Sthiéric, Topaze de Gournay

Franck Ouvrie est le pilote d’Earl Simon (Prodigious). Le champion entraîné par Jarmo Niskanen a été quasiment deux années sur la touche. Il vient de montrer depuis son retour en mars qu’il avait retrouvé, progressivement, toutes ses sensations. Sa première victoire de Groupe 1, dans le Kymi Grand Prix (Gr.1), l’atteste de la plus belle des façons. Franck Ouvrie et Jarmo Niskanen orchestrent le programme de leur pépite vers l’hiver et le Prix d’Amérique Legend Race (Gr.1). Ce sera l’un des objets de notre entretien avec Franck Ouvrie qui revient sur sa carrière, aborde son activité d’entraîneur (400e victoire en France le 3 juillet avec Gordon Mijack) et nous parle de son fils Tristan qui a épousé une carrière dans les courses.

24H au Trot.- Soyons direct. Qui êtes-vous Franck Ouvrie ?
Franck Ouvrie.- Je suis originaire de Villeneuve-d’Ascq, une commune dans la banlieue de Lille. Ma grande sœur allait monter dans un club équestre en Belgique et je l’ai accompagnée. J’ai passé quelques galops et j’ai découvert dans un magazine une annonce pour l’école de l’Afasec de Graignes. Je ne connaissais rien au monde des courses. Je suis allé faire le stage de sélection, à l’époque. Il y avait beaucoup de demandes pour peu de places. Ce qui m’a également plu dans cette école était le fait de courir tous les matins (N.D.L.R. : un footing matinal était au programme des élèves). À cette époque, je faisais beaucoup de cross et le fait de concilier mes deux passions, c’était vraiment bien pour moi. Si je n’avais pas été sélectionné, je me serais sûrement dirigé vers un sport-étude dans l’athlétisme. Une fois la sélection passée, j’ai rapidement intégré l’écurie de Jean-Pierre Dubois à l’âge de 15 ans. J’y suis resté dix ans.

Quel impact a eu dans votre vie et votre carrière cette longue expérience chez Jean-Pierre Dubois ?
C’est un peu mon père spirituel. J’ai tout appris à ses côtés ainsi qu’auprès de toutes les personnes que j’ai pu côtoyer comme ses enfants, Véronique, Jean-Philippe et Jean-Etienne. Chez Jean-Pierre Dubois, j’ai également travaillé avec de futurs grands professionnels : Thierry Duvaldestin, Jacques Leloutre, Laurent Goncalves-Fernandes, etc.
Jean-Pierre Dubois m’a pris sous son aile. Grâce à lui, j’ai drivé des bons chevaux, suis allé courir partout en France et en Italie notamment. Il m’a fait confiance en me confiant en course des champions. J’ai remporté ma 35e course à 21 ans avec Dance Marathon à La Capelle le 24 avril 1994. Nous devancions ce jour-là Défi d’Aunou drivé par Jean-Etienne. Mon seul regret est de ne pas avoir été travaillé aux Etats-Unis ou au Canada pour M. Dubois mais, à l’époque, je drivais beaucoup de bons chevaux en France. Le choix a été difficile à faire et j’ai préféré rester en France. J’ai été le partenaire de Bahama, Buvetier d’Aunou, Biesolo, Bon Vivant, etc. Ce n’est pas donné à tout le monde de porter des casaques classiques comme celle de M. Wildenstein par exemple, surtout à l’âge que j’avais à l’époque.

Une première victoire sablée par anticipation par Jean-Pierre Dubois
Le 11 mars 1990, lors de sa première tentative de l’année et la sixième de sa carrière, Franck Ouvrie s’impose pour la première fois. Il nous a partagé un souvenir sur cette victoire : "Pour l’anecdote, la veille de ma première victoire à Alençon, j’étais avec Laurent Goncalves-Fernandes. Jean-Pierre Dubois était présent avec le propriétaire du haras des Rouges Terres, M. Olry. Le midi, M. Dubois débouche une bouteille de champagne et nous dit : "C’est pour la première victoire de Franck demain !" Autant vous dire que la pression est venue d’un coup. Mais il avait raison car j’ai remporté ma première victoire le lendemain en selle sur Tavolino pour la casaque de Mme Fairand."





© Franck Ouvrie
La 35e victoire avec Dance Marathon
Au bout de dix ans de collaboration, vos chemins se séparent. Pourquoi ?
J’ai pensé que j’avais fait mon temps et, d’un commun accord, nous avons décidé de cesser notre collaboration. Jean-Pierre Dubois me dit alors que, si je voulais m’installer, il serait présent pour m’aider. J’ai passé quelques mois chez M. de Bellaigue à Montboissier dans l’Eure-et-Loir et suis ensuite parti en Italie car je ne trouvais pas ce que je souhaitais en France. J’ai rejoint un ami qui travaillait pour Ulf Nordin à l’époque à coté de Pise. J’y suis resté trois mois. Nous avions des poulains à qualifier et j’ai couru régulièrement sur des hippodromes comme Padova, Montecatini, etc. Cela a été une bonne expérience et un moment agréable. J’avais déjà eu l’occasion de voyager en Italie avec les chevaux de M. Dubois mais, là, l’expérience était différente.

Comment avez-vous "atterri" en France pour votre retour en 1996 ?
Jean Maizeret m’a contacté et m’a proposé de venir entraîner ses chevaux à l’écurie de la Mérité. À l’époque je ne le connaissais pas. J’ai donc appelé Jean-Pierre Dubois. Après concertation, j’ai rejoint le Haras de la Mérité à Bernay et y suis resté sept ans. Ce fut une très belle expérience qui est devenue un bon tremplin en vue de mon installation comme entraîneur public. J’étais responsable d’environ 50 chevaux et les résultats ont été au rendez-vous. En 2003, M. Maizeret a souhaité diminuer son activité et a décidé de procéder à une réduction d’effectif. Il m’a alors proposé de choisir quelques chevaux pour démarrer mon activité d’entraîneur public. J’ai gardé environ dix chevaux et je me suis installé en 2003 sur le domaine de Grosbois où j’ai récupéré les boxes de l’Ecurie de la Mérité dans la cour de Pierre Levesque.

Jamais eu envie d’avoir un établissement personnel à la campagne ?
J’avais essayé à une époque d’avoir une structure en province, chez l’oncle de ma femme. Mais, rapidement, la gestion est devenue compliquée. Je drive beaucoup et n’ai pas le temps de tout gérer. Il y a tellement de personnes qualifiées et de confiance pour faire du pré-entraînement, du débourrage ou simplement prendre les chevaux au repos que je ne voyais pas l’intérêt de continuer à avoir deux structures.

C’est un choix de rester avec un effectif d’entraînement limité ?
Nous tournons entre 14 et 16 chevaux. Je ne souhaite pas en avoir plus. Grâce à Grosbois, j’ai été amené à driver de plus en plus pour l’extérieur. Il ne faut pas s’éparpiller. Je préfère avoir un nombre peu important et avoir le temps de bien m’en occuper sans être dans la course permanente après le temps. L’écurie tourne bien et l’ambiance est agréable. Cela me plaît de travailler dans ces conditions. J’ai une équipe sur qui je peux m’appuyer en confiance. C’est important car je n’ai pas été épargné par les accidents et les arrêts. Le dernier en date m’a laissé sur la touche pendant deux mois et l’écurie à continuer à tourner.

Vous parliez de votre expérience italienne. En avez-vous en d’autres à l’étranger ?
J’ai eu la chance de beaucoup voyager et de driver à l’étranger. Je suis allé en Allemagne, en Suisse, en Belgique, en Suède, en Russie, en Espagne, en Autriche, en Finlande, en Irlande, à Malte, aux Canaries, en Martinique et même à New-York. Ce sont des expériences très enrichissantes, mon seul regret sera de ne pas avoir passé du temps en immersion dans un pays anglophone comme le Canada ou les Etats-Unis. C’est le conseil que j’ai donné à mon fils : partir à l’étranger pour acquérir aussi le bagage de l’anglais car c’est très important à l’heure actuelle.
Concernant les courses, nous sommes très bien en France. Les trotteurs français n’ont rien à envier aux autres, nos courses sont belles et bien dotées, nos infrastructures très fonctionnelles. C’est en voyageant que nous nous rendons comptes de ce que nous avons.

Photo des archives de Franck Ouvrie, jeune, avec Jean-Pierre Dubois

Tristan, votre fils, aura une autre trajectoire que la vôtre. Il a été baigné depuis son plus jeune âge dans les courses et le métier. Quels conseils lui avez-vous donnés ?
Il est né dans le métier et a tout de suite été passionné. Avec Cécile, nous avons plutôt essayé de le décourager au début. Nous voulions que ce soit vraiment son choix et pas la seule facilité de faire comme papa. Il nous a démontré qu’il était très motivé et qu’il avait la passion. Je l’ai encouragé à faire ses expériences dans différentes écuries. Il est parti tôt de la maison et a eu l’occasion de collaborer avec de bons professionnels. Il a rejoint depuis peu l’écurie de Jean-Michel Bazire et a déjà été le partenaire de chevaux de Groupe. Pour le moment, il lui manque juste l’expérience étrangère.

Vous évoquez Jean-Michel Bazire. Parlez-nous de votre rencontre avec Davidson du Pont.
Je parlerai d’une magnifique rencontre avec Davidson du Pont mais aussi avec son entourage, Jean-Yves et Catherine Rayon, ce sont des gens très droits. C’est un des meilleurs chevaux que j’ai drivés et celui qui m’a fait le plus plaisir à l’heure actuelle. Lorsqu’il est arrivé chez Jean-Michel, ses propriétaires lui ont demandé que ce soit moi qui le drive s’il n’était pas disponible. Un choix qui a été respecté et c’est vraiment quelque chose qui m’a touché. Nous avons réalisé de belles choses avec Davidson dont failli gagner le Prix d’Amérique. En fait s’il n’y avait pas eu Face Time Bourbon sur la route de Davidson du Pont, il aurait pu remporter trois Prix d’Amérique ! C’est un cheval extraordinaire. Il est à l’arrivée de ses quatre Prix d’Amérique. C’était logique que Nicolas (Bazire) prenne le relais à son sulky. Jean-Michel a attendu qu’il ait suffisamment d’expérience pour le lui donner et j’étais heureux pour lui de le voir s’imposer.

Earl Simon est votre nouveau champion même si cela fait déjà plusieurs années que vous évoluez au haut niveau avec lui. Ce qu’il réalise depuis son retour après blessure est vraiment parfait.
Oui, il revient très bien. Sa victoire dans le GNT du Croisé-Laroche avait été impressionnante et il monte en puissance au fil de ses courses. Ses reprises de contact en Belgique étaient bonnes mais l’opposition était moindre. Earl Simon est un cheval complet, très trotteur, à l’écoute de tout et calme. Il peut vraiment adopter toutes les tactiques de courses. Il a été bon à Kouvola dans le Kymi Grand Prix et continue sa préparation. C’est le fruit d’un superbe travail d’équipe entre Jarmo (Niskanen) et Thierry Duvaldestin, les lads, l’équipe vétérinaire, le maréchal, etc. Si toutes les personnes qui sont dans l’entourage du cheval posaient sur les photos d’arrivée, il y aurait beaucoup de monde.

Parlez-nous de son programme.
Jarmo Niskanen et son propriétaire ont décidé de lui aménager un programme qui ne passe pas par Vincennes avant l’hiver et les épreuves qualificatives au Prix d’Amérique. Normalement, nous allons faire le Tour Européen à partir de fin août en commençant par Wolvega, le 28 août.

Quel est votre grand objectif avec lui ? Avez-vous de grandes espérances ?
Bien sûr, c’est de gagner le Prix d’Amérique ! C’est comme l’Elitloppet, ce sont les plus grandes courses que l’on souhaite gagner et le Prix d’Amérique cela serait plus que sympa (rire). Parallèlement à mes résultats de driver, mon objectif est aussi que mon écurie continue à bien tourner comme elle le fait actuellement.
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Earl Simon et Franck Ouvrie lancés vers de grands objectifs hivernaux

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