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Actualité - 22.09.2022

Gisèle et Christian Germain, une page se tourne pour les "Lou"

Samedi, une page de l’histoire du trot se tournera. Christian et Gisèle Germain passent en vente l’intégralité de leurs poulinières, celles qui ont fait du Haras de Lou l’un des hauts lieux de l’élevage national de ces trois dernières décennies. La décision est mûrement réfléchie et s’inscrit dans un choix de vie, dans la continuité de la décision originelle et "folle" du couple de se lancer dans l’élevage dans les années 1990. Christian Germain nous raconte leur épopée et nous présente l’esprit d’une vente, confiée à Auctav, qu’il souhaite comme un moment de partage et de convivialité.


L’homme a eu deux vies, au moins.
Christian Germain est breton. Mais en fait, ce n’est pas forcément important pour le reste de l’histoire. "Je suis né près de Rennes et j’ai d’abord été dentiste à Rennes." C’est ce qu’on peut qualifier de première vie de Christian Germain. "J’ai baigné longtemps dans un autre monde que les courses. J’ai été dentiste, ma femme pharmacien. Et dans ma jeunesse, je faisais beaucoup de sport. J’ai longtemps pratiqué le foot, comme joueur d’abord puis comme entraîneur. Mon monde d’alors était le sport et mon métier. Ma vie était à Rennes avec tous mes copains d’enfance et mon environnement professionnel."

L’histoire avec Laurent Abrivard
L’entraîneur qui aura joué un rôle déterminant dans la réussite des "Lou" est Laurent Abrivard. Le professionnel désormais installé dans la Sarthe a toujours été l’entraîneur privilégié des époux Germain. Christian nous explique : "Je l’ai rencontré lorsque j’allais voir quelques chevaux que j’avais à l’entraînement chez Patrick Mottier. Laurent était alors apprenti chez Gérard Mottier. À la sortie de piste, après un travail, il m’annonçait souvent qu’il allait gagner avec tel ou tel cheval lors du week-end suivant et j’ai trouvé qu’il disait souvent juste. Je l’ai toujours suivi et lui ai dit qu’il me contacte pour lui mettre un cheval quand il s’installera. Après, il est allé chez Ulf Nordin où il montait encore un cheval que j’avais vendu du nom de Bo de Lou, un fils de Kimberland. Parallèlement, il m’avait monté Atus des Bois et avait gagné à Vincennes avec. Un soir, il m’appelle pour me dire qu’il s’installe et me demande si je peux lui mettre Atus. Il a démarré avec lui durant l’été 1994. Je lui ai même alors prêté du matériel, des sulkys, mon camion pour se lancer. On a toujours travaillé ensemble depuis. Une très grande confiance existe entre nous."

Dans la première tranche de vie bretonne de Christian Germain, les courses lui étaient étrangères : "C’est aussi pour cela que tous mes amis, mais aussi mes parents et ma famille, ont été surpris quand j’ai quitté mon métier subitement, à l’âge de 50 ans."

La rencontre avec les courses par le truchement d’un défaut de paiement
Retour en arrière. Tout commence en fait trente ans plus tôt, dans les années 1980. "Un de mes clients n’a pas pu me payer un jour la pose de sa prothèse dentaire. C’était aussi un ami que je connaissais très bien depuis longtemps. Il était en plein divorce et me propose d’honorer sa dette en m’offrant un poulain. Il a tellement insisté que j’ai dit oui. J’ai ainsi récupéré un poulain dont je ne savais que faire. Je jouais à l’époque au Stade Rennais et j’ai demandé à mes copains du Stade Lavallois s’ils pouvaient m’orienter vers un entraîneur pour le prendre. C’est comme cela que je suis arrivé chez Christian Thébert. Il a débourré le poulain qui s’est qualifié mais n’était pas un lion. C’est comme cela que j’ai appris à découvrir le milieu des courses qui n’est pas facile à pénétrer d’ailleurs. Cela a aussi pris de l’importance dans ma vie car je venais de perdre ma première femme à la suite d’une maladie avec deux jeunes enfants à charge. J’avais à l’époque 31 ou 32 ans, j’étais connu à Rennes de par mon métier et mes engagements sportifs et ce nouvel univers a été comme un havre de paix. J’y étais inconnu. Je me suis pris au jeu des chevaux. Mais je n’avais pas l’âme d’un propriétaire, ni d'ailleurs les moyens. J’avais, venu du sport, le tempérament de l'entraîneur/éducateur et je me suis intéressé puis lancé dans l’élevage." L’achat d’une pouliche confiée à Michel Triguel qui remportera sa première course à Pornichet lance la saga. Nous sommes dans les années 1990. Christian Germain a rencontré Gisèle, se sont mariés et, ensemble, ils lancent véritablement l’histoire des Lou. "Nous avons mis dix ans à apprendre, à suivre les résultats dans les journaux, à découvrir le monde des courses" ajoute encore l’éleveur des Lou. Parallèlement, Christian Germain est toujours dentiste, sa femme Gisèle toujours pharmacien. "Cela a mis vingt ans à mûrir progressivement pour que nous nous installions vraiment et achetions un établissement en Normandie pour en 2001 pour en faire le Haras de Lou."

Pourquoi les Lou ?
Christian Germain : "Avec ma femme, tout de suite, on a voulu avoir un label et une identité. Cela responsabilise et motive, je trouve. C’est aussi une forme de transparence car on sait immédiatement qu’un Lou provient de notre élevage. Quant au nom, il provient du surnom que me donne ma femme, p’tit loup. On a gardé Lou."


Une des grandes aventures du duo Germain/Abrivard avec Paola de Lou

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Les grandes souches du Haras de Lou
Lady de Sienne (de qui descendent Réal de Lou 1’11, Selecao de Lou 1’11, Samba de Lou 1’12, Tania de Lou 1’12, Carioca de Lou 1’11, Filhio de Lou 1’11)
Aostane (de qui descendent Giesolo de Lou 1’10, Aosta de Lou 1’11, Bianca de Lou 1’13, Elmagnifico de Lou 1’10 mais aussi Baccara Jiel 1’12 et Mellby Viking 1’12 à l’étranger)
Gerbe Bleue (de qui descendent Nora de Lou 1’12, Palio de Lou 1’12, Riviera de Lou 1’14, Unora de Lou 1’12, Volvoreta de Lou 1’12, Fascinoso de Lou 1’12)
■ Venise des Bois (de qui descendent Graziella de Lou 1’15, Ice Coktail de Lou 1’13, Oky de Lou 1’13, Paola de Lou 1’10, Rio de Lou 1’14, Baraka de Lou 1’11, Barrio de Lou 1’13, Donostia de Lou 1’13 et Eros du Chêne 1’10)

La montée en puissance dans les années 1990
L’élevage a commencé dans les années 1990 dans les environs de Rennes, à la ferme de la Vallée dans un premier temps puis sur un site plus grand. Les premiers produits à se signaler sont Bo de Lou (Kimberland), vendu à Ulf Nordin. Le nombre de juments augmente progressivement. Christian Germain se forme en consultant des professionnels, comme Jean-Pierre Dubois et Patrick Mottier. À propos du premier, Christian Germain nous partage sa vision : "Quand je ne connaissais pas grand-chose aux courses, je trouvais qu’il y avait un professionnel qui était phénoménal, c’était Jean-Pierre Dubois. Je ne le connaissais pas mais suis allé le voir au culot et me rendais souvent chez lui à l’entraînement le jeudi matin. Pour apprendre, regarder, échanger un peu. Jean-Pierre est avare de paroles mais le peu de choses qu’il m’a dites m’a évité de faire des bêtises. C’était en 1993, à l’époque de Buvetier d’Aunou par exemple."

Aostane, la première grande
Christian et Gisèle cherchent alors à renforcer leur jumenterie et à monter en gamme – un conseil parmi d’autres de Jean-Pierre Dubois d’investir dans des bonnes souches et des élevages confirmés. Pourquoi ne pas puiser au cœur d’un des plus fabuleux élevages français ? Christian Germain sollicite donc à Jean-Pierre Dubois qui lui propose une liste de jeunes juments. "Nous lui avons alors acheté Aostane comme nous le referons plus tard avec Gerbe Bleue." Oui, mais pourquoi Aostane, qui avait gagné à l’âge de 3 ans à Vincennes, dont le respectable Prix Emile Wendling, mais avait aussi couru sans performer à 4 et 5 ans ? "Il y avait plusieurs raisons. D’abord, elle était pleine de Biesolo (ce qui donnera le champion Giesolo de Lou). Or Bo de Lou avait quasiment fait dead-heat avec Biesolo à 3 ans. Cette course m’était restée en mémoire. Je m’intéressais aussi beaucoup à la lignée mâle italienne de Sharif di Iesolo. Nous allions souvent en Italie à l’époque et je voyais beaucoup de produits de Sharif di Iesolo. C’étaient des chevaux durs. Et puis Aostane avait gagné le "Wendling", une bonne course. C’était aussi une fille de Rainbow Runner. Bref, pas mal de paramètres nous ont fait choisir Aostane."

La bonne fortune du débutant avec Giesolo de Lou
Le résultat est immédiat, un peu comme l’adage populaire qui dit que la chance sourit souvent aux débutants. Giesolo de Lou, le champion international aux quarante victoires, dont sept Groupes 1, et presque 1,8 million d’euros de gains, est le premier produit d’Aostane. Mais la bonne fortune n’est en fait nullement le fruit du hasard. La réussite constante des élèves du Haras de Lou en est la meilleure preuve. La recette est publique. Christian Germain a transposé les valeurs acquises de son passé de sportif, l’exigence et la rigueur, dans sa pratique au quotidien près des chevaux. Sa femme aussi. En résulte la notion du détail dans la sélection des poulinières et des étalons alliée à une préparation minutieuse des poulains pour la compétition et cela dans un seul but : "bien élever pour gagner".

Le déplacement en Normandie
L’épopée Giesolo de Lou, sous la baguette de Jean-Etienne Dubois, scellera le changement de taille des éleveurs. L’éleveur nous confie : "Jean-Etienne me dit un jour : "Ce serait mieux que vous veniez en Normandie. Vous avez la capacité de vous débrouiller. Vous serez mieux pour faire de l’élevage." On s’est laissé attendrir en quelque sorte. Il nous a trouvé un "truc", à la Ferrière Bechet dans l’Orne près de Sées." C’est la naissance de l’actuel Haras de Lou. "Quand nous sommes arrivés en 2001, nous n’avions que six poulinières. Sur une surface de 70 hectares, je me demandais ce que nous allions faire. Et cela s’est rempli au fur et à mesure. La première année sur place, nous n’avons eu quasiment que des femelles que nous avons gardées. C’était l’année des "N" et nous avons donc entré Nora de Lou (Coktail Jet – 164.064 € de gains) et Natacha de Lou (Défi d’Aunou – 86.630 €)."

Le champion international Giesolo de Lou

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Un échantillon de la vente
Voici quelques noms de poulinières de la vente et des étalons par qui elles ont été saillies : Saba du Vivier (Ganymède), pleine de Love You, Daida de Vandel (Real de Lou) pleine de Carat Williams, Devise du Vivier (Real de Lou), pleine de Ready Cash, Riviera de Lou (Coktail Jet) pleine Face Time Bourbon, Diana du Châtelet (Real du Lou) pleine de Face Time Bourbon, Epona du Passage (Real de Lou) pleine de Fabulous Wood

Un développement continu
Les investissements sont lourds pour redonner du lustre aux lieux. Le Haras du Lou a besoin de travaux. Christian et Gisèle Germain vendent leurs premiers produits nés en Normandie "car on avait besoin de trésorerie. C’était le parcours obligé. Il fallait payer plein de choses au début et, comme tout était en friche, il fallait tout remettre en état. On a beaucoup fait par nous-mêmes. Malheureusement la première année des "N" (nés en 2001), comme nous avions eu beaucoup de femelles, nous n’avions quasiment rien vendu. Cela a été difficile. On a pu vendre par la suite et on réinvestissait tout au fur et à mesure. À une époque, je mettais une bonne partie des chevaux que je gardais chez Laurent (Abrivard)."

Le passage de 20 à 40 poulinières
L’effectif progresse gentiment, passant de dix à douze, quinze avant de se stabiliser à vingt. "À ce moment-là, je ne pouvais pas "encombrer" Laurent (Abrivard) avec tous nos produits. Nous avons alors commencé à en mettre ailleurs, comme chez Anthony Dollion ou les frères Martens qui étaient demandeurs. Et puis il y a eu la bascule qui s’est faîte lors que nous avons eu Réal de Lou étalon. Dans sa première année (les "D"), sur nos 17 foals, nous avons 14 femelles. Parallèlement, nous achetons aux ventes Daïda de Vandel, une de Réal pour le soutenir. Je fais des options qui donneront Devise du Vivier, Diana du Châtelet. Cela fait 17 pouliches à l’entraînement. Toutes ont gagné à Paris ! Et toutes sont revenues à l’élevage. L’effectif a bondi et l’an dernier on s’est retrouvé avec quarante juments."

L’heure de se retirer dans des bonnes conditions
Pour Christian Germain et sa femme, après la construction de leur élevage, il s’agit maintenant de le disperser, pour qu’il sème aux quatre vents. "J’ai 74 ans et personne parmi mes enfants pour reprendre le haras. Ils ont leur vie, s’intéressent aux courses mais ne veulent pas en faire leur vie. Et ce serait leur faire un cadeau empoisonné que de leur laisser. Ils ne sont pas nés là-dedans. Pour nos enfants et petits-enfants, la vie, c’est le sport. Avec ma femme, nous faisons aussi beaucoup de sport. En arrêtant l’élevage, nous pourrons nous consacrer à d’autres activités que nous avons laissées de côté et passer plus de temps avec nos enfants et petits-enfants."

La vente de l’intégralité des poulinières et parts d’étalons
Ce sont toutes les poulinières du Haras de Lou qui passeront en vente ce samedi. Soit 39 lots. Un catalogue qui comprend aussi 11 parts d’étalons.
"Les yearlings sont tous placés à droite, à gauche" précise Christian Germain. "On en a vendu neuf sur douze présentés à Deauville. J’en présente six autres à Caen. Certains ont été vendus à l’amiable. Je garde en fait pour le moment l’ensemble des foals. Cela fera la transition. Je ne voulais pas couper brutalement. Il s’agissait pour le moment de couper la source, et donc les poulinières. J’adore m’occuper de mes poulains. On les maniera et éduquera pour en passer certains en ventes l’an prochain." Et le haras dans tout cela ? "Chaque chose en son temps. On verra plus tard" réagit Christian Germain.

Une vente dans un esprit convivial
Gisèle et Christian Germain veulent faire de leur vente un moment de partage. Voilà aussi pourquoi il est important de recevoir chez eux. "Nous aimerions que ce soit festif. Et vu notre parcours atypique, nous voulions faire cette vente à la maison. Pour moi, il s’agit aussi de recevoir mes amis, notamment mes amis bretons qui nous suivent depuis longtemps sans être dans les courses. Pour moi, il s’agit de clore notre parcours dans les courses. Pour nous, cela a été une super aventure, cela a été une tranche de vie extraordinaire."
La vente sera à la fois online et au haras de Lou sur le modèle de la vente Rouges Terres organisée par Auctav, avec un traiteur sur place. Les enchères pourront être enregistrées online et au Haras de Lou où les investisseurs seront accueillis soit sous la double formule "distancielle/présentielle".
Il faut s’inscrire en amont de la vente pour enchérir en ligne ou en présentiel au haras de Lou sur le site auctav.com.
Début de la vente : 12h30

Un palmarès réduit du Haras de Lou
■ 720 victoires
■ 47 Groupes
■ 7 Groupes 1

Le Haras de Lou ouvre ses portes à toutes et tous ce samedi...

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