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Actualité - 03.11.2020

Après les annonces, l'heure des commentaires et des critiques

L'intention de bouger les lignes comme un leitmotiv. Du changement avec parfois une once de provocation afin de susciter des réactions de toutes formes : Jean-Pierre Barjon assume clairement son mode de fonctionnement, en rupture avec celui qu'on a connu ces dernières années dans l'institution des courses françaises en général. Résultat, quelques jours après les annonces sur la refonte complète de l'offre marketing autour du "Prix d'Amérique et ses associés", les réactions ne se sont pas fait attendre. Et certaines d'entre elles sont vives.

La détermination de Jean-Pierre Barjon à maintenir la présentation de la marque Prix d'Amérique Races ZEturf vendredi dernier, premier jour du confinement numéro 2, en dit long, très long, sur l'importance que revêt la batterie d'annonces préparée depuis plusieurs semaines. Il convenait de rester le maître des horloges, pour reprendre un terme utilisé quand il s'agit de parler d'un autre président. Et comme on le disait vendredi, les adeptes du changement en ont eu pour leur argent : changement de nom de courses iconiques du programme français, instauration d'une nouvelle marque en s'appuyant sur le seul label emblématique connu du grand public, le Prix d'Amérique, tout en modifiant son nom complet avec l'affixe de "Legend race", changement des règles du jeu avec des courses qualificatives ne donnant plus accès direct au seul Prix d'Amérique mais aussi aux Prix de France et de Paris, introduction des nombreux anglicismes ("nous allons apprendre à découvrir un nouveau langage commun et des mots que, j'espère, nous allons partager", a concédé lui-même Jean-Pierre Barjon lors de sa présentation) et enfin l'introduction durable en qualité de partenaire d'un opposant online à l'opérateur historique PMU : ZEturf.
En matière d'annonces spectaculaires, la coupe est clairement pleine. Pour certains, elle déborde même largement. Jean-Pierre Barjon aurait-il tapé trop fort ? Aurait-il poussé les curseurs un peu, voire beaucoup trop loin et surtout trop rapidement ? À ces questions, on l'entend déjà répondre qu'il a été élu pour que le changement, ce soit maintenant et qu'il faut laisser l'ancien monde derrière lui (voir à ce sujet la tribune libre d'Olivier de Seyssel en page 4).
Ce n'est pas l'avis de ses ex-alliés et compagnons de campagne (il y a un an) toujours réunis sous la bannière Equistratis. En première ligne Caroline Sionneau et Thierry Besnard, élus au Conseil d'Administration de LeTROT. Lundi en fin de journée, dans le cadre d'un communiqué de presse intitulé "ZEturf, la sortie de piste de JP Barjon", ils ont contesté dans la forme et dans le fond cette série d'annonces.
Ce communiqué nous apprend que la vice-présidente d'Equistratis et son secrétaire général "viennent d’adresser à Jean-Pierre Barjon un courrier lui demandant d’apporter des explications et de fournir des éclaircissements sur une opération qui revient à confier à un des principaux concurrents du PMU online une exclusivité totale sur les grandes courses hivernales du Trot, à commencer par le Prix d’Amérique rebaptisé : the Legend Race , Prix d’Amérique races Zeturf."
C'est le sujet qui fait le plus réagir. En préambule, deux rappels historiques s'imposent.

Il y avait déjà eu le Grand Steeple-Chase de Paris
En mai 2019, l’opérateur de paris ZEturf devenait le sponsor du Grand Steeple-Chase de Paris à l’issue d’un partenariat signé avec France Galop. Une trajectoire unique pour la société créée et dirigée par Emmanuel de Rohan-Chabot qui s’était lancée dans une opposition frontale au monopole du PMU. Quelques années plus tard, la justice européenne lui donnera raison, alors que l’ouverture du marché des jeux en ligne en 2010 offrira à ZEturf la possibilité de solliciter un agrément auprès de l’ARJEL, devenue depuis juin dernier l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux). Au moment de commenter ce partenariat avec France Galop, Emmanuel de Rohan-Chabot nous avait dit : « Il y a une chose qui n'a pas changé et même quand la situation était compliquée (sic), c'est-à-dire avant 2010, la volonté était déjà là : s'insérer dans un partenariat avec l'institution des courses françaises. Tout d'abord parce que j'aime les courses et ensuite car, économiquement, ZEturf a tout intérêt à ce que les courses aillent bien. Depuis 2010, on le fait par le biais de la taxe affectée, ZEturf finance l'institution des courses à hauteur de son activité : on ne prétend pas se substituer au PMU, n'ayant ni ses moyens, pas aujourd'hui, ni la volonté. (…) Ce n'est pas une révolution, on avance et je suis très reconnaissant à France Galop d'avoir posé cette première pierre. La loi nous a permis de faire ce que nous voulons faire depuis le premier jour. Les choses évoluent lentement vous savez : les vieux systèmes mettent du temps à évoluer mais la volonté a toujours été là, et du côté de France Galop et du nôtre. »
À l’occasion de la présentation de ce partenariat, Jean d’Indy, alors vice-président de France Galop, avait été interrogé sur la réaction du PMU et avait apporté la réponse suivante : « Nous avons informé le PMU et LeTROT au préalable et Cyril Linette a dit : "Je souhaite gouverner le PMU comme dans un univers de concurrence, c'est un symbole de concurrence saine et ça me va très bien". » Moins de deux ans plus tard, la réaction serait-elle toujours la même ? En tout cas, ZEturf devient donc partenaire de la marque Prix d’Amérique Races et ce quelques mois après la conclusion d'un autre dossier épineux.

Quand Betclic et ZEturf déposaient plainte contre le PMU
Alors que le PMU était quasiment à l’arrêt lors du premier confinement, il s’était vu en effet notifier une amende de 900 000 € par l’Autorité de la concurrence. Signifié au cours de la première quinzaine d’avril, cet épilogue est la conséquence d'une plainte déposée par Betclic et ZEturf en décembre 2017 pour non-respect de l’engagement du PMU de séparation de ses masses d’enjeux online et offline sur certaines courses étrangères faisant l’objet d’un partenariat de masse commune entre le PMU et plusieurs opérateurs étrangers. L’Autorité de la concurrence avait conclu « à une pratique grave » dans le cadre de partenariats internationaux où le PMU proposait des paris bénéficiant de cotes et de rapports identiques dans son réseau de points de vente et en ligne.

ZEturf en 2020 (chiffres fournis par l'opérateur)
250 000 comptes ayant joué aux courses
80 000 comptes actifs depuis moins d'un an
Proportion trot/galop : 59% du CA au trot
dont 81% sur les courses françaises (vs 19% courses étrangères)
10 M€ reversés à la filière en 2019



ZEturf a tout intérêt à ce que les courses françaises aillent bien
Emmanuel de Rohan-Chabot en avril 2019 lors de l'annonce du partenariat avec le Grand Steeple

©Scoopdyga
Vous avez dit taxe affectée ?
C'est donc dans ce contexte que le partenariat conclu avec LeTROT pour ses plus grandes courses attelées du meeting d'hiver a été signé par Jean-Pierre Barjon et Emmanuel de Rohan-Chabot. De quoi susciter de nombreuses interrogations et réactions. Pour restituer le cadre actuel des engagements liant aujourd'hui un opérateur de paris online et l'Institution des Courses, nous avons sollicité LeTROT avec les questions suivantes.

Pouvez-vous rappeler le principe de la taxe affectée et les bases du contrat liant les opérateurs aux sociétés-mères ? Depuis quand la taxe affectée est-elle en vigueur et surtout respectée ?
En tant qu’organisateur de courses hippiques, nous sommes tenus de travailler avec tous les opérateurs online agréés au titre de la loi qui a ouvert le marché en ligne en 2010. En contrepartie, la société mère reçoit de leur part 100% de la taxe affectée pour sa mission de service public.
La taxe affectée a été imposée par la loi d'ouverture des jeux en ligne en 2010 pour "financer la mission de service public des sociétés mères". Elle n'a été effective qu'en 2013, à partir du moment où elle a été acceptée par la Commission Européenne.
A partir de cette date, les opérateurs ont payé une taxe à l'Etat (qui nous la rétrocède immédiatement) fondée sur leur chiffres d'affaires Pari Hippique réalisé sur les courses françaises et étrangères.
Les opérateurs sont liés par contrat avec les sociétés mères qui leur fournissent des données et des images via un guichet unique.
En 2017, la taxe affectée ne concerne plus que les courses françaises, les courses étrangères sont exclues de l'assiette. A partir de 2019 un nouveau contrat lie les opérateurs aux sociétés mères et 4% des enjeux sur les courses étrangères sont désormais versés.
Le taux de la taxe affectée sur les courses françaises est de 6,7% en 2020.
Tous les opérateurs dont le PMU versent cette taxe.
Depuis 2010, pmu.fr est un des opérateurs de jeux du marché et propose la gamme des jeux autorisés. Selon les années, en fonction de son résultat positif ou négatif, il peut engranger des ressources ou générer des pertes.

En chiffres : combien reversent les opérateurs chaque année à la filière courses ? Combien au Trot ? Et la clé de répartition trot/galop est-elle équivalente ?
En 2019, l’ensemble des opérateurs online a reversé 38,6 M€ au Trot, dont 28,9 M€ pour le PMU. Nous attendons pour l’année 2020, que cette somme soit en forte augmentation.
Nous ne connaissons pas les chiffres du Galop mais le montant de la taxe affectée au Trot et au Galop est calculé sur le même principe et dépend du chiffre d’affaires de chacun d’entre eux.

Stratégiquement, la progression des CA des opérateurs online autres que le PMU est-elle identifiée comme un levier de croissance des ressources pour les sociétés-mères ? Et si oui dans quelles proportions et à quel terme ?
Dans la conjoncture actuelle, depuis la sortie du 1er confinement, la croissance du online est importante et sa part de marché qui était d’environ 12% en 2019 est désormais autour de 28%. Certains jours, la prise de pari sur le online est proche du doublement par rapport à l’année précédente.
LeTROT soutient donc bien évidemment tous les acteurs, en lien avec les courses hippiques, qui génèrent de la croissance et qui sont sources de revenus pour la filière.
Nous pouvons également rappeler que le championnat du monde au Trot attelé n'avait pas réussi à convaincre de sponsor ces trois dernières années, que ce soit des sociétés extérieures ou issues du monde des courses, et nous sommes satisfaits que dans cette période de crise, deux partenaires majeurs (NDLR : avec Reverdy par ailleurs) nous aient rejoint.

L'article 11
Dans son communiqué (à lire ici), Equistratis évoque également les statuts du Trot et notamment l'article 11 qui aurait dû impliquer qu'"une telle décision {partenariat avec un concurrent du PMU} soit soumise au Conseil d’administration et au Comité." Alors que dit l'article 11 en question ? Réponse avec Alexandre Lanoë, Vice-Président LeTROT : "L’article 11 est un article que l’on retrouve dans beaucoup de structures associatives, comme la nôtre. Tel qu’il est pris dans le courrier de Caroline Sionneau et Thierry Besnard, il concerne certains des pouvoirs du président de la SECF qui a pour mission d’exécuter les décisions du Conseil d’Administration et du Comité. C’est un article assez simple mais dont les interprétations peuvent être assez variables. Le président a des décisions de gestion qui lui sont propres dans le cadre de ses fonctions. Dans le cadre de l’accord avec ZEturf, tout est une question d’interprétation : soit on considère que c’est une décision de gestion très clairement comme n’importe quel partenariat signé, soit on considère que c’est une décision stratégique et qu’en tant que telle doit faire l’objet d’un débat lors du Conseil d’Administration, voire même du Comité. Encore une fois, c’est vraiment une question de point de vue et d’interprétation juridique".
En filigrane revient dans cette affaire du partenariat signé entre LeTROT et la société ZEturf la question de la réforme des statuts de la société-mère du Trot. Une réforme que beaucoup avaient appelé de leurs vœux à l’occasion des dernières élections.

On l'aura compris, la révolution proposée autour du sacro-saint Prix d'Amérique engendre un débat des plus intenses, aussi bien dans la forme que dans le fond.
Pour conclure ce dossier spécial, nous donnons la parole à Olivier de Seyssel qui nous a fait parvenir en début de journée, toujours sur le même thème, une lettre ouverte qui fait ici office de tribune libre.
TRIBUNE LIBRE D'OLIVIER DE SEYSSEL
Lettre ouverte à Jean-Pierre Barjon

TheTROT ou ZeTROT ?
Comme toute la filière Trot, j’ai découvert la semaine dernière, que la plus grande course du monde et l’ensemble des grandes épreuves préparatoires du meeting d’hiver, auront comme partenaire exclusif la société ZEturf, et ce sur les trois prochaines années.
Si tel est le nouveau monde, je suis abasourdi. Comment peut on, sans concertation, ni avec son comité, ni avec le PMU, et sans l’aval de son conseil d’administration, prendre une
telle décision et régulariser un tel accord.

ZEturf est le 1er concurrent de notre GIE PMU sur le marché en ligne. Des procès les ont opposés depuis plusieurs années, qui ont coûté des centaines de milliers d’Euros. Cerise sur le gâteau, ZEturf est une société basée dans un paradis fiscal (Malte), et qui se permet encore aujourd’hui de prendre des paris sur des courses étrangères non autorisées par le calendrier officiel.
Pour quelques centaines de milliers d’Euros (le montant du partenariat n'a pas été rendu public) et sans offre préalable au PMU, la SECF livre sur un plateau, au principal conçurent du GIE PMU, les plus belles épreuves de Trot de l’année. N'est ce pas se tirer une balle dans le pied ?
Comment Monsieur Cyril LINETTE, directeur général du PMU, va-t-il motiver ses collaborateurs pour promouvoir les prochains meetings d’hiver dans le réseau de nos points de vente, déjà bien malmenés en cette période de crise sanitaire ?
Je suis également interpellé que nos organismes de tutelles, Ministères du Budget et de l'Agriculture, qui de par leurs représentants, siègent au sein du conseil d’administration du Trot et du PMU, valident par leur silence ou leur inaction, un tel contrat signé sans la moindre concertation.
En tant que Vice-Président de la SECF dans l’ancienne mandature, j’avais essayé à mon modeste niveau d’effacer les divisions de la dernière campagne électorale. Pour ma part, je n'ai pas souhaité me représenter comme Vice Président au sein du nouveau conseil d’administration assumant ainsi pleinement avoir soutenu la candidature de Monsieur Philippe Savinel, et ce contrairement à Monsieur Joël Séché autre Vice Président sortant.
En revanche, j’ai accepté de coopérer avec la nouvelle équipe et c’est ainsi que j’ai rejoint la cellule de crise lors du 1er confinement, pour apporter ma modeste contribution et faire le lien avec les organisations professionnelles agricoles en tant que Président d'une caisse de MSA.
J’ai aussi accepté le poste de Vice-Président de l’AFASEC car Monsieur Jean Pierre Barjon m’a demandé de m’investir au nom de la SECF.
Ce n’est donc pas dans un esprit revanchard post électoral que je dénonce aujourd’hui avec force et colère l'accord scellé avec ZEturf, mais bien par conviction. Je suis persuadé que ce partenariat sera préjudiciable à la filière. L’ouverture du jeu à la concurrence a déjà fait beaucoup de mal et par cette nouvelle décision, on conforte la concurrence, et l’on met à mal notre institution. Nos socioprofessionnels n’ont pas besoin d'un tel choix durant la période difficile que nous traversons.
Où va t’on s’arrêter ? Par la privatisation du PMU via une SA ?
L’ "anglicisation" de nos grandes épreuves est presque une anecdote mais il est bon de rappeler à Monsieur le Président que les différents membres du comité siègent dans le but de contribuer au développement des courses en FRANCE et à œuvrer à la protection du trotteur FRANÇAIS. Laissons cet anglicisme aux Purs Sang Anglais !
Restons LE TROT et ne devenons ni THE TROT, et surtout pas ZETROT.

Olivier de Seyssel
Vice-Président de la SECF de l’ancien monde !
©Scoopdyga

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