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Actualité - 08.11.2020

RÉGIS LE VEXIER, Aux noms du père et de la résilience

Mardi 3 novembre, Vincennes. Franklin remporte le Prix Pomona. Au sulky, un homme exulte intérieurement. Cette victoire, il l’a rêvée tant et tant de fois. Régis Le Vexier signe son premier succès comme driver à Vincennes. Un acte personnel mais aussi familial puisque le professionnel dédie immédiatement cette victoire à son père, François-Régis Le Vexier, une figure du trot du Sud-Ouest et hexagonal qui nous a quittés il y a quinze ans.

Son nom est connu dans l’univers du trot depuis plus de quatre décennies et faisait partie des références dans les années 1980 et 90 dans les rangs des turfistes du dimanche, ceux qui jouent de manière rituelle au Tiercé, Quarté+, Quinté+. Le Vexier : les programmes d’alors ajoutaient F.-R. devant le nom, pour François-Régis. Les chevaux que beaucoup connaissaient dans les années 1980 et 1990 avaient pour nom Rastel Bihan, la star, mais aussi Hivoise, Eckmuhl Vro, Birth of Nation.
C’est le fils Régis qui fait maintenant vivre le nom dans les courses. Sa première victoire à Vincennes, mardi, était chargée d’une émotion particulière. Pourquoi ? Parce que le chemin pour y mener n’a rien eu d’un cours d’eau tranquille. Loin de là. Rencontre avec un trentenaire réaliste et fidèle à son nom.

24H au Trot.- Vous comptez plus de 180 victoires comme driver. Pourquoi gagner à Vincennes est-il encore si différent ?
Régis Le Vexier.- Je pense que pour tous les professionnels de province, gagner à Vincennes, c’est la consécration absolue. On est vraiment jugés par rapport à ce qu’il se passe là-bas. Quand on gagne dans ma région, à Cagnes ou à Marseille, cela n’a pas le même écho et la même saveur, sans évidemment dire que c’est dévalué.

Votre premier succès à Vincennes comme entraîneur avait déjà ce goût particulier ?
J’avais gagné une fois, c’est vrai et il y a une histoire à ce sujet. C’était avec un super cheval, le meilleur que j’ai entraîné : Athis Deladou. J’avais été deuxième avec lui la fois d’avant à Vincennes en étant battu par Jean-Michel Bazire. Je m’étais donc dit : « pour que je gagne, il faut que j’aie Jean-Michel avec moi ». Il avait accepté de mener le cheval et ça m’avait donné raison.
C’était en novembre 2017. Trois ans plus, Jean-Michel Bazire est encore dans la boucle car il était en tête dans la ligne d’arrivée avec Farrell Seven quand son cheval a fait la faute et que vous êtes venu gagner avec Franklin.
Il faut toujours de la chance avec les chevaux : pour gagner, pour trouver le bon cheval. Il ne faut jamais fanfaronner quand on gagne car il faut ensuite qu’il n’arrive rien au cheval… Il faut beaucoup de choses.

LA FIGURE DU PÈRE
Né en 1984, Régis Le Vexier a été formé par son père François-Régis. Ce dernier, disparu en 2005, était une grande figure du trot du Sud-Est qui connut de très grands honneurs, y compris à Vincennes, avec des compétiteurs de la valeur de Rastel Bihan, Birth of Nation, Hivoise. Grièvement blessé en 1993, François-Régis était un modèle de courage et d’abnégation pour beaucoup. On peut parler d’une force tutélaire qui a imprégné son fils Régis et qui le porte aussi aujourd’hui. À ce sujet, le professionnel nous développe : « Même si j’ai connu les deux époques, celle d’avant et celle d’après 1993, j’étais trop petit et n’ai pas profité pleinement de la première, la belle époque. J’avais 9 ans en 1993. Je suis sur toutes les photos d'alors mais je ne me rendais pas compte. Je trouvais cela normal de gagner. Plus j’ai grandi et plus je me suis rendu compte que c’était quelque chose de grand. Tous les gens que j’ai croisés ensuite, quand j’étais plus âgé, pendant mes années où j’ai travaillé à l’extérieur, comme chez Pierre Vercruysse et Jean-Michel Bazire, parlaient en bien de mon père. Il avait son caractère, un caractère bien trempé, mais c’était quelqu’un de travailleur et d’honnête. » Après 1993, dans la seconde époque, François-Régis Le Vexier a continué à produire de grands résultats. En 1997, son écurie enregistre ainsi 97 victoires. Régis Le Vexier continue sur cette époque : « Il n’avait pas perdu son coup d’œil et sa vista. Il a su bien s’entourer aussi. Je me souviens à cette époque d’une réunion à Cagnes où on avait gagné cinq des sept courses. Il gagnait encore des quintés à Vincennes. »


Vous avez tout de suite parlé de votre père lors de votre victoire à Vincennes.
C’est un exemple pour moi. Je pense à lui tous les jours. Son accident de 1993 [une chute en course à Carpentras où il avait été touché à la tête] l’avait beaucoup diminué. Il n’a pas pu parler pendant une longue période par la suite. Il avait perdu l’usage de son bras droit qu’il a retrouvé ensuite partiellement par la force de son travail. Il a ensuite eu un autre accident et j’ai vu mon père travailler les chevaux quasiment avec un seul bras. C’est aussi pour cela que je n’ai pas le droit de baisser les bras quand ça ne va pas. J’ai vu mon père diminué physiquement et continuer à se lever tous les matins et faire trotter ses chevaux. Mon père, c’est mon modèle. L’autre fois, j’ai vu une émission TV où l’on parlait de faire son deuil. C’est une expression qui ne m’empêche pas aujourd’hui de penser à lui tous les jours quand je travaille. Avec le recul, des choses que je voyais quand j’étais petit mais que je ne comprenais pas sur le coup trouvent maintenant du sens. Je n’ai jamais vu mon père s’énerver avec un cheval même avec les plus mauvais qu’il entraînait. J’essaie de m’en inspirer. C’était quelqu’un d’exceptionnel avec ses chevaux. Professionnellement j’essaie de m’en rapprocher mais sans me comparer à lui. Cela a été très difficile pour moi de travailler avec lui, mais comme tous les fils avec leur père dans ce métier-là je pense.


Avec le recul, des choses que je voyais quand j’étais petit mais que je ne comprenais pas sur le coup trouvent maintenant du sens.
Régis Le Vexier

©ScoopDyga
Est-ce que le nom n’a pas finalement été un désavantage au début pour vous ?
On a toujours tendance à comparer avec des phrases du genre « Il est moins bon que son père ». Mais chaque personne est différente et on ne peut pas comparer les gens. Ce ne sont pas les mêmes époques. Je prends mon père comme modèle mais je n’ai jamais essayé de faire mieux que lui. Ce n’est pas possible. Il faut savoir rester à sa place. Mon père est parti de rien, de zéro, son père était amateur. Moi, j’ai été apprenti pour mon père et il me faisait mener de bons chevaux. Si c’est dur de porter un nom, cela aide quand même beaucoup au début.

Votre parcours en quelques mots ?
J’ai fait mon apprentissage chez mon père. Et ensuite, comme on ne se supportait plus au travail, comme cela arrive souvent entre un père et son fils, je suis allé chez Pierre Vercruyssse, quelqu’un de rare dans le métier car il est très pédagogue. Il parle beaucoup, explique en détail et je lui en suis très reconnaissant. Après je suis passé chez Jean-Michel Bazire. C’est comme entrer au Real de Madrid. Il y avait beaucoup de super chevaux. C’était l’année où il gagnait le Prix d’Amérique, en 2004 avec Késaco Phédo. J’en ai aussi de super souvenirs. Ensuite, mon père a eu des problèmes de personnel avec le départ de son responsable. De mon côté, le sud et le soleil me manquaient alors je suis retourné pour aider mon père, mettant ma carrière personnelle de côté.

LE DRAME DE 2010
Dans la suite d’épreuves traversées par Régis Le Vexier et sa famille, il y a celle de 2010 : « Après le décès de mon père en 2005, je me suis installé avec Jean-Christophe Sorel à Roquebrune-sur-Argens. On a fait un petit bout de chemin ensemble puis, en 2010, on a été inondés et on a perdu beaucoup de chevaux [NDRL : l'épisode orageux et de crues avait fait plus de vingt morts et disparus dans la région]. Cela a été particulier à vivre cette épreuve. Depuis 2010, je suis installé sur le centre d’entraînement de Cagnes-sur-Mer. C’est très bien comme cela quand vous voyez les charges qu’il y a. Et depuis que M. Le Tutour est arrivé, l’outil est vraiment bien. »


Comment s’est passée votre installation en nom propre en 2010, cinq ans après le décès de votre père ?
Quand je me suis installé, j’ai été soutenu par des confrères, comme Nicolas Ensch, Yannick Briand et Sylvain Roubaud, qui m’ont fait courir. Par contre, je n’ai pas eu de chevaux d’anciens propriétaires de mon père. Je me suis "démerdé". Il y a le cas de M. Desnoues, qui était très attaché à mon père. Ils étaient très complices et se connaissaient depuis leur jeunesse. Sans mon père, il ne voulait plus de chevaux. Il a mis un peu de temps à revenir et l’a fait en fait cet été en achetant Franklin.

Quelle est l’histoire de Franklin ?
Elle est belle. On l’a acheté sur les conseils de Nicolas Ensch à la vente d’été d’Arqana Trot [28 000 €]. C’est une histoire d’équipe car c’est Nicolas qui nous l’a conseillé et c’est Gérard Desnoues qui a insisté pour courir à Paris mardi dernier plutôt que dans une course de la région.

Vous évoluez dans une famille 100 % trotteuse. Qu'en dire ?
J’ai la chance d’avoir deux beaux-frères, Jean-Christophe Sorel et David Bekaert, avec lesquels je m’entends super bien. Le premier était mon idole quand j’étais apprenti et qu’il gagnait tout pour Stéphane Guelpa. J’ai fait l’école de Grosbois avec le second avec lequel j’étais toujours resté en contact quand il était « là-haut ». On est une famille soudée. Ma mère connaît trop bien le métier pour s’inquiéter quand on ne gagne pas de courses. Elle sait que ce n’est pas facile. Quand on gagne, c’est la première à nous féliciter. Mardi dernier, elle n’a pas pu regarder la course en direct tellement elle était stressée. Elle savait que cette course était importante pour nous. Ma femme Charlotte a aussi un rôle important, elle me soutient tous les jours et m’aide pour l’administration. Si on n’a pas une femme à ses côtés dans ce métier, qui tient la route, c’est foutu.

REPÈRES SUR RÉGIS LE VEXIER
■ Né en 1984
■ En couple avec Charlotte
■ 182 victoires comme driver / 118 comme entraîneur
■ Une douzaine de chevaux à l’entraînement
■ 2 sœurs : Marie, compagne de Jean-Christophe Sorel, et Morgane (driver en amateurs), en couple avec David Bekaert


Photo ci-dessous : première victoire à Vincennes de Régis Le Vexier comme entraîneur avec Athis Deladou en novembre 2017
©APRH

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