... © Bernard Bruand
Actualité - 12.11.2022

Julien Ferchaud : jeu, set et courses

Issu d’une famille profondément impliquée dans les courses (élevage, entraînement, etc.), le nom de Julien Ferchaud est réapparu sur les programmes au mois de juillet après quelques années passées à l’écart des chevaux, sans jamais en être déconnecté pour autant. C’est que l’Angevin de 45 ans est aussi entraîneur de tennis au niveau international. Il a ainsi accompagné la progression du Chypriote Márcos Baghdatis jusqu’au 8ème rang mondial. Cette expérience de coach sportif, Julien Ferchaud entend la décliner auprès des trotteurs. C’est donc aussi dans la colonne des entraîneurs qu’on le retrouve depuis cet été avec, à la clé, cinq succès, dont trois pour la seule Intense Ace, toute récente lauréate Premium à Chartres, en moins de vingt partants. Son expérience et son parcours atypique lui font poser un regard différent sur l’entraînement et la compétition.

jeune, Julien Ferchaud se rêvait joueur professionnel de tennis, quand son père, Bernard, était éleveur de trotteurs et son frère, Sébastien, entraîneur-driver. À lui, les tournois du Grand Chelem, une vie en perpétuel mouvement, entre les séances d'entraînement sur les courts du monde entier et les incessants déplacements en avion. "J’ai commencé à jouer 11 ans, un peu tard, et je me suis vraiment mis à m’entraîner à partir de 16 ans, encore plus tard et trop tard", dit celui dont le meilleur classement a été 1/6.
Mais de sérieux problèmes de dos vont le forcer à stopper prématurément sa carrière. "J’étais juste en dessous du niveau professionnel, poursuit-il. Je n’aurais jamais vécu du tennis comme joueur. Quand je l’ai compris vers l’âge de 17 ou 18 ans, je me suis dirigé vers l’entraînement, avec le but d’entraîner des joueurs qui participeraient aux tournois du Grand Chelem." Julien Ferchaud fait alors des études longues pour se former avant de former lui-même au métier de coach et parvient à ses fins. "J’ai entraîné une quinzaine de joueurs et joueuses qui ont été dans les cent premiers mondiaux, pour des périodes de quelques mois à quelques années, raconte-t-il. Je l’ai fait notamment avec Márcos Baghdatis qui a été jusqu’au huitième rang mondial."

Assouvir ses deux passions
Pour autant, il a toujours baigné, même "en pointillés" comme il le dit, dans le milieu des courses de trot. Il a gagné ainsi dans les rangs des amateurs et des apprentis. "Les deux dernières années que j’ai passées en Égypte, à chaque fois que je revenais, j’allais atteler. J’ai une histoire et un vécu même si ce n’était pas mon activité professionnelle. Je sais la difficulté et les déboires que tous les membres de ma famille ont connus bien qu’ils soient archi-passionnés."

18 partants, 5 victoires
Titulaire d’une autorisation d’entraîner depuis le début du mois de juin, Julien Ferchaud a depuis eu 18 partants avec 3 chevaux différents dont 5 ont passé le poteau en tête. Le 17 septembre sur le petit hippodrome champêtre du Pertre, aux confins de l’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, il a remporté ses deux premières courses avec cette nouvelle casquette grâce à Instant Ace et Harpie du Gîte, deux produits d’Uvevering du Gîte confiés à son neveu, Alexis Marie, qui atteignait à cette occasion la barre des cent gagnants. Depuis, Intense Ace (suffixe qui renvoie à la passion du tennis qui anime une grande partie de la famille Ferchaud-Marie) a gagné deux fois à Chartres dont la dernière lors de la réunion Premium de mardi. Harpie du Gîte a, elle, été s’imposer à Mons. Quant à la troisième pensionnaire, Kaipirinha, autre fille de l’étalon de Georges Lelièvre, lui-même fils d’Iton du Gîte et de Bauxite Bocain, la deuxième mère de Knockonwood, l’un des meilleurs 2 ans, elle a pris plusieurs places en région parisienne. "Qu’est-ce qu’on a fait de plus ? De différent ? Rien, répond Julien Ferchaud. Cela s’enchaîne bien. Tout marche bien sans savoir vraiment pourquoi. Peut-être que, dans trois mois, je ferai tout pareil et que rien n’ira bien. C’est pourquoi il faut garder les pieds sur terre." Une remarque d’autant plus d'actualité que Julien Ferchaud vient de voir son mini-effectif amputé. "J’ai commencé avec trois juments et je suis en passe de n’en avoir plus que deux. Après sa course à Mons, Harpie du Gîte a vu sa blessure d’il y a un an réapparaître, constate son entraîneur. Ce n’est pas dans mon approche de continuer à forcer sur des chevaux qui ont des problèmes récurrents. Surtout que dans son cas c’est osseux. Elle mérite d’être poulinière."

À 45 ans, Julien Ferchaud se définit ainsi : "Je ne suis pas un jeune entraîneur mais un nouvel entraîneur. Alors, ce n’est pas nouveau pour moi de m’occuper des chevaux mais ce qui est nouveau est de le faire en mon nom, pour moi, en étant le seul à décider". Avec un projet qui commence à prendre forme. "Je me suis toujours vu à un moment ou à un autre, plutôt sur la fin de carrière, aujourd’hui ou dans dix ans, faire les deux, décrit-il. M’occuper de mes chevaux le matin et entraîner trois ou quatre gamins chez moi sur des terrains que j’aurais construits. Être cent pour cent chez moi, autonome, et assouvir mes deux passions."
La transition entre le coach de tennis qu’il entend rester aussi et l’entraîneur de trotteurs se fait assez naturellement. "J’ai bien sûr beaucoup moins de connaissances par rapport à mon frère, Sébastien, sur tout ce qui est soins vétérinaires et autres, reconnaît-il d’emblée. Mais comme ça m’intéresse beaucoup, je pose plein de questions et je me documente car on a accès à tout facilement." En phase d’apprentissage de ce côté, il a en revanche une connaissance très poussée de la préparation physique d’un athlète, qu’il soit un joueur de tennis ou un cheval de course. "Je ne veux pas surtout pas dire que je sais tout mais j’ai étudié cela, joué et jonglé avec ces éléments toute ma vie. La partie préparation physique pure et dure, la partie physiologique du cheval, c’est vraiment mon domaine."

L’entraîneur doit s’adapter en permanence à l’entraîné. C'est ce que l'on apprend dans toutes les écoles de sport.
Julien Ferchaud

© D. R.
Préparateur physique : du tennis aux courses
L’expérience de Julien Ferchaud dans le domaine du tennis l’amène au constat suivant au niveau des courses : "Tout est fait de manière empirique. On peut faire beaucoup mieux par rapport aux données physiologiques, même si cela est contraignant et coûteux. Le véto doit être présent pour faire des prises de sang et de lactate sur la piste à chaque entraînement. En 2007, année qui a été la meilleure saison de l’écurie de mon frère, on avait travaillé avec une véto, Claire Leleu, qui s’est intéressée au sujet. On n’a pas prolongé au-delà car les chevaux concernés avaient du mal à supporter la répétition des prises de sang".

Le cheval ne parle pas ? C'est aussi bien !
"J’ai appris comme entraîneur d’athlètes qu’il faut rarement s’arrêter à la première lecture ou à l’écoute du verbal. Très souvent pour moi, le verbal vient à un deuxième ou troisième niveau d’écoute et de jugement." Dès lors, ce n'est pas un problème pour Julien Ferchaud que le cheval ne parle pas pour dire ce qu'il ressent contrairement au joueur ou à la joueuse de tennis. "C’est peut-être presque plus simple avec les animaux car ils ne vont pas mentir, compare-t-il en s'appuyant sur son expérience. Avec eux, on se base uniquement sur ce que l’on observe dans le comportement. Avec un humain, on pourrait se laisser influencer par ce qu’il va nous dire. Selon moi, ce qu’il montre est plus important que ce qu’il veut nous dire. Très souvent, si on s’arrête ce que l'athlète nous dit, on va moins loin, on fait moins de choses et donc on a moins de résultats. J’ai appris à observer beaucoup. Avec les chevaux, il faut aussi se donner du temps. Ce que j’essaye de faire. Surtout avec les jeunes. Mon rêve est de gagner le Critérium des Jeunes plus qu’un Prix d’Amérique."

Son expérience de coach de tennis lui sert tous les jours. "Je jongle avec mes connaissances adaptées aux chevaux, avance-t-il. Il faut évidemment être très, très prudent mais j’ai l’impression ne pas être trop à côté de la plaque à ce niveau. Mon frère me dit que je ne travaille pas dur. Lors de mes trois derniers partants, mes pensionnaires ont récupéré trois minutes après leur course. Elles soufflaient comme au repos et étaient sèches au bout de dix minutes. Ce sont des signes qui veulent dire que la charge d’entraînement est bonne, qu’elle n’est ni trop forte, ni trop faible."
Bien décidé à se nourrir de son expérience de préparateur physique dans le cadre hippique, Julien Ferchaud verrait bien quelques pratiques évoluer : "Je pense qu'on peut faire évoluer certaines pratiques contraires à la physiologie du sport. Un exemple : des chevaux qui rentrent en piste, font deux cents mètres et sont déjà à 40km/h. Avec un jeune athlète, il y a peu de risque mais, avec un adulte, c'est-à-dire un cheval de 4 ans, c’est dangereux à mes yeux." Au cours de sa formation et tout au long de sa pratique de coach de tennis, Julien Ferchaud a mis en pratique le fait suivant : "L’entraîneur doit s’adapter en permanence à l’entraîné. C'est ce que l'on apprend dans toutes les écoles de sport. Or aux courses, j’entends souvent dire que des entraîneurs que je respecte font le même travail à tous les chevaux toute l’année. Ils ont un travail de référence et c’est tout le temps le même. J’ai toujours appris dans mon métier de coach que l’on ne doit jamais faire deux fois le même travail car il faut sans cesse choquer le corps. À partir où vous faites des entraînements similaires à la suite, vous allez habituer votre corps à une charge et donc vous n’allez jamais provoquer des réactions qui vont permettre au corps de s’adapter, de trouver en permanence des solutions et donc au final de progresser".

Émotions équivalentes, pouvoir d'intervention différent
Au Pertre, lors de la victoire le même jour de deux de ses juments, Julien Ferchaud reconnaît avoir versé une larme. "Il n’y a pas grand-chose qui me fait pleurer dans la vie. Cela m’est aussi arrivé quelques fois au tennis", précise-t-il. Si les deux sports sont réunis par cette émotion, l'entraîneur angevin note toutefois une différence de taille entre les deux : "C’est encore plus dur de regarder une course que de regarder un match. Dans un match, on a beaucoup de temps pour renverser la vapeur et réagir. Même si on s’est pris 6-0 au premier set et qu’on est menés au second, il y a toujours un moment où ça peut basculer. À l'inverse, le temps d’une course est tellement court. Quand ça se passe mal au début ou à un moment du parcours, c’est presque fini. Au tennis, on a une petite capacité à avoir une influence sur ce qui se passe. Aux courses quand vous êtes entraîneur, vous n’avez plus aucune prise depuis le bord de la piste quand le départ est donné".
La victoire d'Intense Ace au mois de septembre au Pertre avec Alexis Marie. (© Bernard Bruand)

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