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Actualité - 09.12.2022

Nouvel épisode de crise dans les courses italiennes

Cela ressemble à un nouvel épisode d’un feuilleton qui dure depuis de nombreuses saisons et qui s’apparente à une tragédie. Plutôt dans une version romaine que grecque (une liberté toute formelle) dès lors que le sujet concerne les courses italiennes. Le gouvernement italien vient en effet d’annoncer que la dotation versée aux sociétés de courses pour 2023 serait revue à la baisse de 11 % dans le cadre de l’établissement de son budget. Immédiatement, plusieurs hippodromes tirent la sonnette d’alarme et avertissent que des réunions pourraient purement et simplement disparaître. C’est tout le système hippique italien qui est maintenant sur la sellette.

En annonçant une subvention de fonctionnement des hippodromes de 41,3 millions d'euros en 2023, contre 46,5 millions en 2022 (-11,2 %), le ministère des Politiques agricoles, alimentaires et forestières (Mipaaf), qui a désormais directement en charge les courses, a lancé un pavé dans la mare hippique. Plusieurs sociétés de courses ont immédiatement réagi et diffusé un communiqué qui précisent que les courses seront en danger l’an prochain. Elles soulignent dans leur document "qu'à partir du 1er janvier il n'y aura pas les conditions légales pour la poursuite de l'activité d'organisation des courses (…)".

Les chiffres clés des courses italiennes au trot
■ Nombre de courses en 2021 : 6.536 (vs 7.121 en 2017)
■ Total des allocations en 2021 : 45.924.109 €
■ Allocations moyennes par course en 2021 : 7.026 € (vs 7.589 € / -7,4 %)
■ Total des enjeux sur les courses au trot en 2021 : 192.755.145 € (vs 284.316.009 € en 2017 / -32,2 %)
Source : UET

Cette annonce est faite sur fond d’installation d'un nouveau gouvernement italien, dirigé depuis le 22 octobre par Giorgia Meloni. Le ministre du Mipaaf est Francesco Lollobrigida. C’est cette nouvelle équipe qui vient de revoir à la baisse la partie fonctionnement du budget des courses italiennes. Il s’agit en fait d’un long mouvement de fond avec, sur ce seul poste des subventions aux hippodromes, une baisse de 75 % depuis 2012. Dans la note ministérielle, cet alignement à la baisse est corrélé à "la réduction des recettes liées aux jeux hippiques". De ce point de vue, le marché des paris hippiques est moribond. Selon les dernières données à notre disposition par l’U.E.T. (Union Européenne du Trot), il se chiffre au trot à 192.755.145 € en 2021. Il était de 284.316.009 € en 2017 selon les mêmes sources, soit une baisse de 32,2 %. Par comparaison, les enjeux en France sur le trot en 2021, toujours selon la même source, se montent à 4,4 milliards d’euros.

La conduite des courses directement assurée par l’État
C’est l’État qui finance directement les courses hippiques. Il n’y a plus de corps intermédiaires entre les ministères (de l’agriculture et des finances) et les acteurs des courses, sociétés de courses et socioprofessionnels. On est dans une configuration sans délégation de service public à des structures dédiées comme peuvent l’être finalement en France LeTROT, France Galop et le PMU. Toutes travaillent pour organiser et gérer (les sociétés mères et la FNCH), former et coordonner (via la FNCH encore ou l’AFASEC) et commercialiser (le PMU et les opérateurs de paris privés) le produit courses hippiques. Plus rien de tel en Italie où les services du Mipaaf et du Ministère des Finances agissent en direct avec les hippodromes. Outre les subventions allouées aux sociétés de courses, c’est l’État qui gère donc aussi en direct les allocations de courses. Elles s’élevaient à 45.924.109 € au trot en 2021.

Le décryptage d’un expert italien
Au sujet de la menace de certaines sociétés de courses italiennes de ne plus être en mesure d’assurer leurs réunions à partir du 1er janvier 2023, notre confrère transalpin Franco Castelfranchi nous livre son analyse : "C’est un énième épisode des courses italiennes. Cela peut s’apparenter à un coup de pression des sociétés de courses à destination du gouvernement pour dire que, si vous baissez nos subventions, nous arrêtons."
Sur le fond et la question du financement des courses italiennes, Franco Castelfranchi va plus loin : "Fondamentalement, le système est à revisiter voire à être complètement modifié. Quitte à aller jusqu’à un modèle qui ne demande pas de subventions ministérielles. Les sociétés de courses pourraient travailler comme des entreprises privées vendant leurs images aux opérateurs de paris avec le développement de rétributions sur les mises engagées sur leurs courses. C’est en quelque sorte le système qui existe en France, avec la combinaison des sociétés-mères et du PMU. En Italie, certains hippodromes ne sont vraiment pas performants et sont trop dépendants dans leur fonctionnement d’un ensemble de subventions." On parle donc ici, dans la bouche de cet observateur et analyste, d’une nécessité de responsabilisation du réseau des sociétés de courses qui vivent de manière actuellement décolérée des créations de richesse générées par les enjeux hippiques. Par comparaison, le système français est tout entier construit sur la redistribution du résultat du PMU et de la taxe affectée versée par les opérateurs hippiques. Et bien donc sur la création de valeurs par les acteurs eux-mêmes, en dehors d’un apport de subventions nationales comme l’induit le schéma italien.
L’autre grand sujet, c’est le levier international des courses italiennes. Peu ou pas d’opérateurs étrangers contractent actuellement avec les sociétés de courses italiennes pour retransmettre et engager des paris sur leurs meilleures courses. Le cas de la Loterie en est le dernier exemple emblématique. Malgré des candidatures françaises, l’épreuve n’avait pas pu être intégrée à l’offre de paris nationale. Pour Franco Castelfranchi, "c’est effectivement impossible aujourd’hui. Les courses italiennes sont devenues incapables de se vendre à l’international car elles n’arrivent plus à tenir les horaires. C’est un paramètre très important qui participe à la disparition des courses italiennes du paysage international dans les domaines de la médiatisation et de la prise de paris".


L'Etat ne doit pas gérer lui-même les courses.
Gaetano Pezone

© ScoopDyga
Changer le système pour Gaetano Pezone
Globe-trotter italien du trot, représentant en France de la Scuderia Bivans, associé dans l’organisation de ventes italiennes, Gaetano Pezone est au confluent de tous les systèmes. Il porte un regard inquiet sur les courses italiennes : "Les entraîneurs et les propriétaires n’ont pas le moral actuellement. Les éleveurs italiens font preuve de courage pour continuer à investir. Je constate que les propriétaires font aussi beaucoup d’efforts pour vivre leur passion et faire vivre tout le système."
Sur le court terme, Gaetano Pezone nous apprend : "J’espère que cette situation va s’arranger. Je sais qu’il doit y avoir un nouveau rendez-vous la semaine prochaine entre les ministères et les représentants des courses. On peut espérer que les montant des subventions soient revus en faveur des courses. Parallèlement, l’État s’engage à payer à 60 jours les allocations de courses aux propriétaires."
Sur un futur plus lointain, notre interlocuteur ajoute : "J’espère que l’État va comprendre qu’il ne doit pas gérer lui-même les courses. Et que l’on s’inspire du système français, en mettant en place des intermédiaires plus ou moins privés, à l’image du PMU."

Une nation hippique qui bouge encore
Pourtant, les courses hippiques italiennes produisent encore de grands noms, tant chez les chevaux que chez les hommes. Vivid Wise As en est, au trot, un ambassadeur patenté. Zacon Gio et Vernissage Grif sont des champions internationaux reconnus. Alessandro Gocciadoro, le numéro 1 des professionnels transalpins du trot, rayonne chez lui mais aussi partout en Europe. Journaliste hippique français italianophone et fin connaisseur des courses transalpines, Claude Piersanti nous confie : "Le système tient mais pour combien de temps encore ? Les professionnels sont payés avec plus de six mois de retard. Pour beaucoup, il faut venir chercher de l’argent en France, dans notre programme, pour tenir la tête hors de l’eau. Cela concerne surtout les grosses écuries comme Gocciadoro. Pour eux, l’idéal est d’avoir un cheval qui a la pointure des courses européennes pour courir à Vincennes et faire ainsi tourner la boutique. La France pour beaucoup est devenue une terre de ressources où on va chercher des allocations."

La question de la relève
Mais parallèlement à tout cela, on assiste bien à un départ massif des jeunes professionnels, au trot comme au galop. Ils émigrent partout en Europe. Les forces vives de demain quittent le pays. Claude Piersanti ajoute sur ce point : "Au galop, on voit de plus en plus d’apprentis italiens réussir en Grande-Bretagne ou en France. À chaque rentrée scolaire à l’AFASEC, il y a, à ma connaissance, de plus en plus de jeunes italiens. La relève quitte l’Italie par absence de perspectives proposées par la filière hippique nationale."

Un réseau d'agences hippiques en souffrance
Sur la question de la collecte des paris, l'Italie souffre d'une absence d'un réseau structuré comme peut l'être celui des points de ventes du PMU. Claude Piersanti nous dit sur ce sujet : "Les agences hippiques en Italie sont catastrophiques pour les courses. Elles prennent aussi les paris sportifs. Un dimanche par exemple, jour de championnat de foot, tous les écrans sont occupés par le foot avec des propositions de jeu en permanence sur les matchs (cote pour un match nul, pour un score donné, etc.). Cela rend les courses presque invisibles. Le chiffre d’affaires des enjeux hippiques en Italie est devenu dérisoire par rapport à ce qu’il a été."

Le témoignage de Marco Smorgon
Entraîneur italien au palmarès international, Marco Smorgon nous livre son avis sur le système italien : "Personne n’a rien fait en Italie pour faire repartir la filière hippique. Elle coûte très cher et ne rapporte pas à l’État. Il faut s’inspirer du système français avec des gens qui s’investissent vraiment au service de la filière dans des organisations spécialisées comme la SECF ou le PMU. En Italie, le fait de travailler avec les ministères en direct est une catastrophe. Tout est bureaucratique. On est par exemple payé des allocations avec presque un an de retard. Je suis actuellement en attente de mes gains de mars dernier. J’ai pourtant quelques espoirs car le nouveau gouvernement me semble être attentif à notre filière. Il faut qu’il remette à plat notre filière car elle est animée par des gens passionnés. On a beaucoup de bons chevaux. Il faut relancer des jeux, s’inspirer des offres du PMU et revenir aux sources des courses. Nous sommes un loisir et une filière que l’on peut relancer."

Actuellement, tout est bureaucratique dans les courses en Italie.
Marco Smorgon

© ScoopDyga

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