Estelle Croisic, le nouveau visage des apprenti(e)s
À 18 ans, et alors qu’elle ne compte qu’un peu plus de 130 courses depuis ses débuts lors de l’été 2020, Estelle Croisic a remporté le Prix Yvonnick Bodin (Gr.3) en selle sur Django du Bocage à quelques heures du passage à la nouvelle année. La meilleure des manières de clore une saison où elle a remporté dix courses et d’en commencer une nouvelle que la jeune Normande espère tout aussi porteuse de réussite. Découverte de ce nouveau visage chez les apprenti(e)s.
Considéré comme le "Cornulier" des apprenti(e)s et lad-jockeys, le Prix Yvonnick Bodin (Groupe 3) dans son édition 2022 s’inscrit parfaitement dans la tendance de ces dernières années, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, et cela est une conséquence de la féminisation de plus en plus grande la filière, ce qui se traduit par 67 % de jeunes femmes dans les écoles de l’AFASEC et 80 % dans les MFR cheval, dans la composition de son peloton. Sur les douze apprenti(e)s et lad-jockeys sur la ligne de départ samedi dernier, les jeunes filles étaient majoritaires puisqu’elles étaient associées à sept concurrents. Ensuite dans son résultat. Pour la huitième fois au cours des dix dernières éditions, la victoire s’est conjuguée au féminin.
À 18 ans, Estelle Croisic, qui a été formée à l’AFASEC de Graignes où elle a suivi son apprentissage en alternance chez son patron, Stéphane Meunier, est la nouvelle lauréate de cette épreuve qui tient une part à place dans l’esprit des jeunes qui ont choisi ce métier. Il est vrai que le palmarès de l’épreuve qui compte des noms comme Matthieu Abrivard, Nathalie Henry, Damien Bonne, Camille Levesque, Antoine Wiels et Alexandre Abrivard pour ne citer que ceux qui ont gagné Groupe 1 ensuite a de quoi donner des envies et servir de modèle. "Je suis encore sur un nuage, confie la jeune Normande en début de semaine. Ce sont encore les premiers jours après la victoire et je reçois beaucoup de messages de félicitation. Et puis, je m’occupe au quotidien de Django du Bocage (Real de Lou) et donc forcément j’y pense à chaque fois que je le vois." Pour autant, la jeune femme à la tête bien faite ne semble pas du genre à s’emballer même si 2022 restera une année à part dans sa carrière naissante, et met plus généralement en avant la qualité de la formation des apprenti(e)s.
L’APOTHÉOSE D’UNE ANNÉE
"Cela a été une année magnifique, assure Estelle Croisic.
Au-delà de mes résultats en courses avec dix victoires, ma première Premium, ma première à Vincennes et celle-ci dans un Groupe 3 deux ans et demi après mes débuts alors que je n’ai pas énormément couru, j’ai aussi fêté mes 18 ans, j’ai passé et obtenu mon BAC avec mention bien, j’ai eu mon permis de conduire et j’ai été embauchée comme salariée chez mon patron." Une sacrée année en effet pour celle dont la passion du cheval lui a été transmise par son papa qui a fait un temps le métier avant de changer de voie professionnelle alors qu’Estelle n’était pas encore née.
"Je ne me suis jamais posé la question de ce que j’allais faire. J’ai toujours su que je voulais travailler auprès des chevaux, décrit-elle.
C’est pourquoi j’ai opté pour cette formation après avoir commencé à monter dans un club équestre. J’ai attelé la première fois chez Guillaume Moinon qui habitue à côté de chez mes parents et que je remercie. Je voulais aller en apprentissage chez mon patron car il forme beaucoup de jeunes et leur donne leurs chances de monter en courses, ce que je voulais aussi. Chez lui, Mathilde Collet m’a beaucoup aidée. J’ai passé beaucoup de temps sur ma position et j’en suis récompensée aujourd’hui."
© AprhLa joie avec Django du Bocage Estelle Croisic en chiffres
18 ans
135 courses
11 victoires dont 10 en 2022
1 Groupe 3 : Prix Yvonnick Bodin avec Django du Bocage
Cette réussite n’étonne pas Stéphane Meunier.
"Je commence à avoir du recul car j’ai formé un certain nombre d’apprenti(e)s maintenant et je ne suis pas du tout surpris par les résultats d’Estelle, avance-t-il.
Avec Mathilde Collet qui l’a mise à cheval quand elle est arrivée à l’écurie, on l’a vite repérée du fait de sa position à cheval. Après, Estelle est passée par des moments difficiles au cours de son apprentissage, ce qui l’a fait douter, mais c’est normal. Il fallait la laisser faire son expérience. Aujourd’hui, elle me rend la confiance que je lui ai témoignée, notamment en lui proposant de devenir salariée à l’issue de ses trois ans d’apprentissage." Voir gagner son apprentie de remporter la meilleure épreuve de la catégorie avec un cheval de l’écurie est forcément une satisfaction pour un formateur comme l’est Stéphane Meunier. Une satisfaction fortement teintée d’émotion.
"C’est le plus bel hommage que je pouvais rendre à mes parents et notamment à mon père", ajoute-t-il. Le contentement de l’entraîneur vient à la fois de la cavalière et du cheval.
"Ça fait six mois que j’ai visé cette course avec Django du Bocage, poursuit-il.
C’est un cheval qui est toujours performant quand il revient au monté. Le programme s’articulait bien, avec la finale du GNT un petit mois auparavant. Les planètes étaient bien alignées. Je savais déjà à l’époque que ce serait Estelle qui le monterait. Je lui ai dit il y a deux mois. C’est la meilleure des récompenses."
SAVOIR SE REMETTRE EN QUESTION
Pour aller se saisir pleinement de cette récompense, Estelle Croisic, dont la première victoire remonte au mois d’août 2021 en selle sur
Euphrate Desbois (Tornado Bello) sur l’hippodrome normand du Sap, a su rebondir et se remettre en question. Une semaine avant l’échéance du 31 décembre, Stéphane Meunier lui confie
Hypothèse Madrik (Up And Quick) avec laquelle elle a remporté sa première course à Vincennes quelques semaines plus tôt. Mais le résultat, une cinquième place, n’est pas à la hauteur des attentes.
"Elle s’est loupée ce jour-là, juge Stéphane Meunier.
On a débriefé sa course ensemble, elle a écouté et a compris. Avec Django du Bocage, elle a mis ça en application."
"La jument avait une première chance et ça ne s’est pas bien passé, complète Estelle Croisic.
Je ne l’ai pas montée comme j’aurais dû. Il faut essayer de ne pas répéter ses erreurs. Mon patron m’a expliqué et m’encourage à toujours aller de l’avant. C’est ce que j’ai essayé de faire avec "Django" même si je reconnais que je me suis dit pendant le parcours que cela allait être dur de gagner avec un cheval comme Dimo d’Occagnes à notre intérieur et un autre comme Fiaschetto dans notre dos. Surtout qu’une seule œillère, celle à gauche, est descendue quand je les ai activées. Mais, au final, cela a été ma chance car il a super bien fini."
Et voilà comment Estelle Croisic ne pouvait rêver meilleur coup de projecteur.
"J’espère faire une saison 2023 aussi bonne et que les chevaux de l’écurie fassent aussi une bonne année car c’est avant tout un travail d’équipe", confie la jeune femme, bien ancrée dans la réalité du métier.
"On doit plus accompagner les jeunes"
Lui qui a été réélu à la présidence du SEDJ est plus que jamais convaincu de l’importance de la formation et donne l’exemple. Ce qui le pousse à réfléchir à la façon dont les entraîneurs doivent appréhender leur rôle de formateur. "Nous ne devons pas être que des entraîneurs et des patrons pour les jeunes que nous formons, avance Stéphane Meunier. Nous devons aussi être des coachs suivant les critères que l’on retrouve dans le sport afin de les conseiller. On doit plus les accompagner. On a tendance parfois à les abandonner un peu, c’est aussi vrai quand ils ont de la réussite comme quand ils n’en ont pas suffisamment."
Avec Mathilde Collet, on a vite repéré Estelle du fait de sa position à cheval.
Stéphane Meunier
© Aprh