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Actualité - 16.01.2023

Thierry Duvaldestin, à la porte du grand exploit ?

Il tente un exploit inédit. Dimanche, Thierry Duvaldestin présentera la favorite du Prix de Cornulier (Gr.1), par ailleurs tenante du titre, Flamme du Goutier. Et il fera de même dimanche 29 janvier dans le Prix d’Amérique avec Idao de Tillard. Jamais, un entraîneur n’a réalisé le doublé dans les plus grandes épreuves du calendrier, le même hiver, avec deux chevaux différents. Le fait même de rendre ce scénario possible (sans parler ici de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué…) est proprement exceptionnel. Analyse.

Le décompte final est lancé. Lors des deux dimanches à venir, Thierry Duvaldestin et toute son équipe vont faire face à deux échéances de première importance. De celles que l’on prépare des mois et des mois à l’avance et même une année entière en ce qui concerne Flamme du Goutier (Ready Cash). La championne de l'Ecurie Saint Martin de Jean Cottin est en effet annoncée dans la défense de son titre dans le Prix de Cornulier (Gr.1) depuis un an. Quant à la tentative d’Idao de Tillard (Sévérino) dans le Prix d’Amérique Legend Race (Gr.1), si elle s’est échafaudée plus récemment – quoi de plus normal avec un cheval qui n’avait que 4 ans il y a quelques semaines encore –, elle est préparée sur le fond de longue date, intimement liée à la condition de crack du représentant de l’association Cyril Sevestre et Écurie Thierry Duvaldestin.

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Des doublés Cornulier/Amérique à l’actif du même cheval mais jamais de 2 chevaux du même entraîneur
Jamais à notre pointage, un entraîneur n’a remporté le Prix de Cornulier et d’Amérique la même année avec deux chevaux différents. Les doublés de Vénutar (1949), Masina (1961), Tidalium Pélo (1972), Bellino II (1975 et 1976) et de Jag de Bellouet (2005) offrent les deux titres à leur entraîneur respectif mais grâce à l’exploit du même champion. Bien sûr, certains sont passés près de l’exploit. Le dernier en date est Sébastien Guarato en 2016. Cette année-là, Bold Eagle remportait son premier Prix d’Amérique et Astor du Quenne concluait deuxième de Scarlet Turgot dans le Prix de Cornulier.

L’EFFICACITÉ, LA SIGNATURE DE THIERRY DUVALDESTIN
Le professionnel de la Ferté-Frênel est déjà à la tête de plusieurs records. Il avait établi la référence française du nombre de victoires annuelles pour un entraîneur en 2009 avec 210 marques. Une grande fierté à l’époque sur laquelle le professionnel est revenu plusieurs fois dans ses propos, comme en septembre 2021 : "J’ai fait en 2009 une année extraordinaire. J’avais gagné 210 courses avec seulement 88 chevaux. C’était réellement exceptionnel. Personne n’avait trop relevé à l’époque mais ce ratio de presque 2,5 victoires par cheval était extraordinaire".
Dépossédé de son record en 2014 par Yannick-Alain Briand (227 titres), Thierry Duvaldestin a repris depuis son sceptre. En 2021, il a porté le nouveau record à 239 et, l’an dernier, il est passé pour la troisième fois de sa carrière à plus de 200 succès dans la saison. Meilleur entraîneur national en nombre de victoires en 2021 et 2022, il a aussi intégré le club des plus de ceux qui atteint 3.000 succès en septembre 2021 {lire notre édition du 27 septembre 2021}. C’est par son niveau de réussite que Thierry Duvaldestin signe aussi ses performances. Avec 45,5 % de ses partants dans les trois premiers en 2022, il affiche la meilleure efficacité dans le top-40 national, à égalité avec Philippe Allaire (lui aussi à 45,5 %). En 2021, lors de son année record de 239 marques, il affichait 47,1 %. Dans le top-5 par le nombre de victoires, il est celui a qui produit le meilleur ratio gagnant par cheval à l’entraînement (1,65). Ce n’est pas nouveau, c’est même la marque de fabrique Duvaldestin.

TOP-5 des entraîneurs 2022
1/ 224 victoires avec 136 chevaux pour Thierry Duvaldestin (1,65 vict./cheval)
2/ 177 vict. avec 141 chx pour Laurent Abrivard (1,26)
3/ 161 vict. avec 267 chx pour Patrick Terry (0,60)
4/ 147 vict. avec 146 chx pour Sébastien Guarato (1,01)
5/ 143 vict. avec 92 chx pour Jean-Michel Bazire (1,55)

TROIS QUESTIONS À THIERRY DUVALDESTIN
"Ce n’est pas important d’être favori, cela ne veut rien dire. Le principal est que les chevaux soient bien. On essaie de faire notre travail comme d’habitude et de les avoir au mieux", nous précise d’emblée Thierry Duvaldestin samedi à Vincennes.

24h au Trot.- Après des hésitations concernant la participation d’Idao de Tillard dans le Prix d’Amérique, vous avez dit oui. Pourquoi ?
Thierry Duvaldestin.- Évidemment, on va sur la belle. Il est en forme, il faut y aller cette année. Peut-être que cela ne durera pas - ce n’est naturellement pas ce qu’on souhaite - et il faut en profiter maintenant.

Est-ce important de courir dans les deux plus grandes courses françaises pour le numéro 1 national que vous êtes ?
C’est un rêve de courir ces courses. Et de courir le Prix d’Amérique après les succès de Ready Cash avec un vrai comme Idao est un grand bonheur. C’est néanmoins différent car j’ai repéré Idao très jeune et l’ai emmené jusqu’où il est avec ma seule équipe.

Quelle part prend la participation de vos fils dans votre réussite actuelle ?
C’est une satisfaction encore différente. Celle de les avoir accompagnés où ils sont et de les voir bien se débrouiller. Je ne veux pas maintenant faire de projections avec eux dans le Prix d’Amérique. Les chevaux sont toujours là pour nous rappeler à l’ordre. Comme l’a dit récemment Richard Westerink, les chevaux ne sont pas des machines.



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Repères sur Thierry Duvaldestin
■ Né en 1971. Marié à Sandrine. 3 enfants : Clément, Théo et Angèle.
■ En apprentissage puis salarié chez Jean-Pierre Dubois (4 ans et demi). Un an et demi chez Pierre-Désiré Allaire (avec Philippe Allaire). Obtient sa licence d’entraîneur public en 1995.
■ 38 Groupes 1 en tant qu’entraîneur : Lulo Josselyn (1), Miss Castelle (1), Nuage Noir (1), Noora de l’Iton (1), Onyx du Goutier (1), Pearl Queen (6), Prince Gédé (2), Qualmio de Vandel (1), Ready Cash (6), Return Money (2), Saxo de Vandel (2), Uaukir (1), Union d’Urzy (1), Avila (2), Pascia’ Lest (1), Cristal Money (1), Falcao de Laurma (1), Flamme du Goutier (4), In The Money (1), Idao de Tillard (2).
■ 38 Groupes 1 répartis en 30 à l’attelé et 8 au monté
■ A entraîné huit mois au Canada des trotteurs et des ambleurs. A gagné en Scandinavie (Guenoso, Irina Scardrie).

Une transition générationnelle préparée et réussie
En 2015 et 2016, les résultats de Thierry Duvaldestin avaient baissé par rapport à ses standards précédents. Il n’affichait alors "que" 105 et 119 victoires annuelles. C’est aussi à cette époque que la relève familiale s’est dessinée. Ses deux fils affichent leur envie de faire carrière dans les courses. Le professionnel nous apprend alors se sentir dans l’obligation de "remettre un coup de collier". Il se remet à la recherche de clients, essaie plus de chevaux. La montée en puissance de Clément et Théo ne s'est jamais démentie par la suite. En septembre 2021, il nous déclare : "C’est la jeunesse qui me pousse et nous pousse tous ensemble. Si Clément et Théo n’étaient pas dans la cour, je n’aurais pas remis ce coup de collier. Je dirais que c’est la jeunesse qui pousse naturellement à obtenir de tels résultats. Et on est plus forts à trois." Thierry Duvaldestin ne lâche rien, supervise tout mais délègue plus que par le passé. Ses fils sont de plus en plus exposés sur les pistes, tandis que Thierry Duvaldestin se concentre sur la préparation, le "back-office". L’homme délègue aussi à une équipe expérimentée. L’antenne qu’il ouvre depuis plusieurs saisons dans le Sud-Ouest est une illustration de sa capacité à optimiser les potentialités de son effectif en s’appuyant sur les compétences de toute son équipe. Il y envoie des chevaux disposant d’un programme favorable.

Un profil complet
À 51 ans, Thierry Duvaldestin cumule beaucoup d’atouts. Il possède une expérience incomparable (38 Groupes 1 dont deux Prix d’Amérique et un Prix de Cornulier) à une équipe jeune emmenée par ses deux fils, Clément et Théo. Il dispose par ailleurs d’un site exceptionnel améliorée régulièrement en deux décennies. L’homme est aussi l’un des professionnels les plus complets du moment avec l’addition de toutes les casquettes possibles du trot.
■ Entraîneur à la tête de 3 276 victoires et propriétaire.
■ Driver (1 639 victoires) qui affiche l’un des meilleurs taux actuels du circuit (43 victoires en 115 courses en 2022 et 59 % sur le podium).
■ Éleveur via sa société Écurie Thierry Duvaldestin. Les résultats sont là aussi probants avec des éléments de premier plan issus de l'élevage (In The Money, Uniclove, Go For The Gold), une activité dans laquelle sa femme Sandrine est en première ligne. Sur le sujet élevage, le professionnel nous avait déclaré en septembre 2021 : "C’est l’objectif des prochaines années. On vient de dépasser les 25 poulinières. On doit être à 28 poulinières désormais, pour un peu plus de vingt poulains par an."
■ Étalonnier via le Haras de la Sauvagère. Là encore, Sandrine Duvaldestin est aux affaires. Le haras est devenu au fil des années un acteur important du secteur national et propose huit étalons en 2023 : In The Money, Idao de Tillard, Fifty Kalouma, Falcao de Laurma, Earl Simon, Uniclove, Saxo de Vandel et Prince Gédé.
■ Acheteur en place publique. Idao de Tillard est l'illustration la plus emblématique de cette dimension de Thierry Duvaldestin. Après avoir repéré le poulain chez son éleveuse, Mme Chaunion, l'entraîneur l'a acquis en vente, sur le ring de Caen, pour 27 000 €. Il en a ensuite cédé une part à Cyril Sevestre, sous les couleurs duquel se produit le champion.
■ Élu au Comité de LeTROT.

Thierry et Clément Duvaldestin (ce dernier avec Idao de Tillard) à l'entraînement le 11 janvier dernier

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LE SENS DU DÉTAIL, LA GRANDE ATTENTION PORTÉE AUX PISTES ET L'ÉTUDE DES ENGAGEMENTS

Le niveau de réussite toujours très élevé de Thierry Duvaldestin et de son équipe [lire données en page 2] est le fruit d'un ensemble et d'une organisation. En 2021, le professionnel avait insisté sur son travail sur ses pistes et son attention à la qualité du sol. "Chaque entraîneur a des points forts et des points faibles. Je dirais que notre point fort à la maison est le travail du sol, le travail des pistes. On a plusieurs sortes de pistes et, chaque matin, je veux qu'elles soient excellentes, qu'elles soient le meilleur terrain de sport possible. Pour que nos chevaux soient le mieux possible, travaillent dans les meilleures conditions et qu’ils se blessent le moins possible. On le fait à plusieurs, on sait le faire et on aime le faire. Je veux que tous les matins, quand je suis sur ma piste, elle soit parfaite. Je me mets à la place de mes chevaux et je veux qu’ils aient le meilleur sol possible pour s’exercer. Je pense qu’on a amélioré notre travail d’entretien des pistes avec le temps et l’expérience."
Thierry Duvaldestin avait aussi insisté sur le travail important effectué sur les engagements : "Je passe tout simplement beaucoup de temps sur les engagements. J’essaie de trouver les meilleurs engagements pour chacun de mes pensionnaires en fonction des profils de pistes. Et, avec mon expérience, je connais dorénavant toutes les pistes françaises… J’aime bien aller à Paris mais j’aime bien aussi la province. C’est un travail très important, entre les engagements, l’organisation des déplacements. Cela me prend une heure et demie tous les soirs après le travail d’entraînement et les courses. Clément et Théo m’aident aussi dans ce domaine. Il faut se projeter par rapport aux aptitudes de chaque cheval. Cela demande aussi de s’adapter en permanence. Pour la grande partie de mon effectif, j’essaie d’avoir une vision sur les quinze jours à venir, de savoir où chaque cheval va courir. Pour les éléments de plus haut niveau, de type classique, c’est bien sûr différent avec un programme qui se définit sur plus longtemps avec des échéances connues."

Flamme du Goutier dans le Prix de Cornulier mais aussi dans l'Amérique
Celle qui sera favorite du Prix de Cornulier (Gr.1) est, ne l'oublions pas, aussi très douée à l'attelé. Troisième de la dernière édition de la Legend Race, derrière Davidson du Pont et le regretté Galius, Flamme du Goutier vient de prouver en concluant deuxième de la Q5-Prix de Bourgogne, sans être déferrée des quatre pieds, qu'elle est toujours très compétitive. Si le couplé gagnant a déjà été réalisé dans le Prix d'Amérique par un même entraîneur (le dernier par Jean-Michel Bazire en 2019), jamais deux frères n'ont conclu sur les deux plus hautes marches du podium...
© JL Lamaère-LeTROT / Aprh

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