Théo et Clément Duvaldestin, frères d'A(r)mérique
Dans le Prix d’Amérique Races ZETurf Legend Race , il y a une course dans la course, celle des frères, Clément et Théo Duvaldestin, qui vont s’affronter, pour le compte de leur père, respectivement au sulky d’Idao de Tillard (Sévérino) et de Flamme du Goutier (Ready Cash). L’un et l’autre disposent d’une première chance et l’explication promet d’être sans concession entre les frères, devenus ennemis, toute proportion gardée, le temps d’une compétition. La grande famille du trot n’est pas avare de ce type de confrontation, qui fait écho, au premier chef, aux "mano a mano" du temps jadis entre les frères Gougeon.
La saga des frères Gougeon
Des années 1960 aux années 1980, les frères Gougeon, Jean-René et Michel-Marcel, alors vedettes de la profession, ont souvent bataillé dans le Prix d’Amérique, jusqu’aux premières places, cela va de soi. Comme en 1969, par exemple, lorsque Jean-René, au sulky d’Une de Mai, deuxième, devance Michel, à celui de Toscan, troisième. L’année suivante, ce dernier s’impose, toujours mené par Michel Gougeon, tandis qu’Une de Mai et Jean-René se classent à la sixième place. Un an plus tard, avec les mêmes pilotes, Une de Mai est troisième et Toscan sixième.
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Baudron, Dubois, Bazire : entre pères et fils
En 1984, Roger Baudron et son fils, Gilles, sont rivaux dans l’"Amérique", associés, d’un côté, à Khali de Vrie, et, de l’autre, à Kémilla. Le fils surpasse alors le père, car Kémilla se classe troisième, pendant que Khali de Vrie finit non placée. Quelques années plus tard, en 1992, le père, au sulky de Queila Gédé, cinquième, sera, cette fois, devant le fils, partenaire de Réussite de Rozoy, non placée.
Jean-Pierre Dubois et ses fils, Jean-Philippe et Jean-Etienne, ont partie liée avec le Prix d’Amérique, y compris ensemble, à travers le remarquable tir groupé réussi en 1999, qui voit Jean-Pierre à la troisième place, avec Défi d’Aunou, Jean-Etienne à la quatrième, avec Echo, et Jean-Philippe à la cinquième, avec Cygnus d’Odyssée. C’est la seule fois où on les trouve tous les trois au départ… et à l’arrivée. Quelques années plus tôt, en 1995, Jean-Pierre et Jean-Philippe avaient déjà croisé le fer, le père pilote de Bahama et le fils de Cygnus d’Odyssée ; chou blanc, de part et d’autre, Bahama n’étant pas classée et Cygnus d’Odyssée étant disqualifié, en raison de ses allures.
On se souvient, enfin, de l’édition de l’année dernière, qui voit la victoire de Davidson du Pont, mené par Nicolas Bazire, alors que son père, Jean-Michel, se classe dixième, au sulky de Feydeau Seven ; c’est peut-être, jusqu’à ce jour, la plus belle histoire de famille inhérente au Prix d’Amérique. Un an plus tôt, "JMB" et son fils en avaient déjà décousu, par l’entremise de Davidson du Pont et de Valokaja Hindo, celui-ci, drivé par Nicolas, terminant non placé et celui-là, aux soins du père, montant sur la deuxième marche du podium.
1978 est une année singulière dans le duel "américain" des Gougeon, car ils sont l’un et l’autre à l’arrivée, au sulky de deux chevaux qui sont eux-mêmes frères, à savoir Fakir du Vivier, deuxième, avec Michel, et
Hadol du Vivier, quatrième, avec Jean-René. La saga se poursuit lors de la décennie qui suit, voyant, notamment, Michel-Marcel gagner avec
Lurabo, en 1984, et Jean-René faire le coup de trois avec
Ourasi, en 1986, 1987 et 1988. Simultanément en lice, ils n’ont cependant jamais pu faire afficher le jumelé gagnant. Si Clément et Théo Duvaldestin y parvenaient, dimanche – ce qui est de l’ordre du possible –, ce serait, à notre connaissance, une première.
Heurs et malheurs des fratries Hallais, Viel et Roussel
Autres frères ennemis d’un jour sont les Hallais, Jean-Claude et Joël, qui cumulent dix participations communes depuis le début des années 1980. C’est en 1985 qu’ils ont été les plus proches à l’arrivée, Jean-Claude se classant quatrième, avec
Major de Brion, et Joël sixième, avec
Lapito. L’hiver à marquer d’une pierre blanche, pour Jean-Claude Hallais, est celui de son succès avec
Verdict Gédé, au sulky duquel il mena une grande course, ajustant Paul Viel et
Ultra Ducal ; pendant ce temps, Joël Hallais et
Ursulo de Crouay étaient disqualifiés.
Les frères Viel, Jean-Pierre et Paul, furent également, ensemble, d’une série de Prix d’Amérique, sous la bannière familiale. Ils ne réalisèrent pas de significatifs tirs groupés, mais brillèrent isolément : accessits de Jean-Pierre, avec
Catharina,
Mon Tourbillon et
Permissionnaire, puis de Paul, avec
Ultra Ducal. A noter qu’en 1983, ils se partagèrent entre
Mon Tourbillon et
La Bourrasque, qui n’étaient autres que le frère et la sœur ; cela rappelle les Gougeon, avec
Hadol du Vivier et
Fakir du Vivier, sauf que ni le mâle, ni la femelle ne disputèrent l’arrivée cette année-là.
Un mot, aussi, des frères Roussel, Michel et Alain, qui prirent tous deux le départ, lors de l’édition 1990, l’un étant le partenaire de
Sébrazac, l’autre de
Reine du Corta. Mais la réussite ne fut pas au rendez-vous, la championne montée étant sanctionnée, sur faute, en début de parcours, et le futur père de
Général du Pommeau ne pouvant figurer utilement.
La famille star de la Legend Race 2023 : Thierry Duvaldestin et ses fils Théo et Clément
© JLL - LeTROT Jamais sans les Dubois
Pas de saga trotteuse sans les Dubois, évidemment, et, en l’occurrence, les frères, Jean-Philippe et Jean-Etienne. Durant un peu plus de vingt ans, entre 1993 et 2014, ils ont été confrontés l’un à l’autre, dans le Prix d’Amérique, à sept reprises. Leur meilleur résultat, dans cette configuration – car ils ont, par ailleurs, gagné chacun une fois la grande course, Jean-Etienne en la compagnie de
Coktail Jet, en 1996, et Jean-Philippe en celle de
Royal Dream, en 2013 –, s’articule autour de la quatrième place d’
Echo, avec Jean-Etienne, et de la cinquième de
Cygnus d’Odyssée, avec Jean-Philippe, dans l’édition 1999. Des années après, en 2012, Jean-Etienne sera troisième, avec
The Best Madrik, et Jean-Philippe sixième, avec
Royal Dream, une combinaison qui ne dépare pas la précédente.
Quid des Duvaldestin ?
Dans ce concert, quel air les Duvaldestin vont-ils nous jouer, dimanche ? Clément, 24 ans, et Théo, 22 ans, arrivent sur l’événement avec la fraîcheur de la jeunesse –n’excluant pas la précoce maîtrise de leur art, à l’image d’un Nicolas Bazire, l’an dernier– et une certaine insouciance, peut-être, aussi, d’autant que leur père se garde bien de leur mettre la pression.
"Pour Flamme du Goutier, après son succès du Prix de Cornulier, ce n’est que du bonus", se plaît-il à répéter ; quant à
Idao de Tillard,
"A-t-on jamais vu, dans un passé récent, un cheval incomplètement déferré gagner le Prix d’Amérique ?", s’interroge-t-il, en substance. Une façon de relativiser, avant le coup, et de dédramatiser, quoi qu’il arrive. La meilleure manière, en prolongement, d’optimiser, psychologiquement, la performance à venir de ses fils.